Clause incomplète dans une convention de garantie de passif : comment l’interpréter ?

03.07.17  
Entreprise en vente
Clause incomplète dans une convention de garantie de passif : comment l’interpréter ?
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Exemple d’interprétation d’une clause de garantie de passif et d’actif

Dans le cadre du droit de l’achat d’entreprise, il est d’usage de prévoir une garantie de passif et d’actif au profit de l’acheteur. La rédaction des documents juridiques est très importante. En effet, si les documents ne sont pas rédigés avec le plus grand soin, en cas de conflit, ils devront être nécessairement interprétés par les juges. C’est précisément ce qui s’est passé dans une nouvelle décision de la Cour de cassation du 25 janvier 2017.

Clause de garantie de passif et d’actif insérée dans le contrat de cession d’entreprise

A l’origine de la décision des juges français du 25 janvier 2017, deux époux actionnaires (les vendeurs) avaient cédé la totalité de leurs actions à une autre société (l’acquéreur). Comme cela est fréquent en matière de cession d’actions, une clause de garantie de passif était insérée dans l’acte de cession. Par une telle clause, le vendeur s’engage à rembourser l’acheteur ou à indemniser la société pour les évènements ayant un impact négatif qui ont leur origine avant la vente mais se révèlent après la cession.

Interprétation extensive ou restrictive de la garantie de passif et d’actif ?

En général, l’acte de cession exige de l’acquéreur qu’il informe le cédant de l’évènement déclencheur de la garantie de passif dans un délai précis. En effet, à défaut d’être informé le cédant ne peut pas apporter son aide et/ou se défendre.

Certains actes prévoient une sanction en cas de non-respect de ce délai. La sanction est souvent la déchéance du droit à garantie de passif. D’autres actes prévoient un délai sans pour autant prévoir explicitement une sanction en cas de dépassement de ce délai. C’était le cas de l’acte de cession ayant donné naissance au litige soumis à la Cour de Cassation dans cet arrêt. Le contrat comportait bien un délai d’information, mais pas de sanction en cas de non-respect de ce délai.

La question qui se posait à la Cour de Cassation était de déterminer si le non-respect du délai de mise en œuvre de la clause de garantie de passif avait pour effet de priver le bénéficiaire de son droit à indemnisation même lorsque cette sanction n’était pas prévue par les parties dans le contrat de cession.

Les clauses de garantie de passif ne doivent pas être interprétées de manière trop large

Les vendeurs étaient logiquement d’avis que l’intention des parties avait été de subordonner l’exercice de la garantie à la déclaration de l’acquéreur au respect du délai d’information. Ceux-ci avançaient notamment qu’il était convenu entre les parties que « la mise en œuvre des garanties implique que les cédants, après avoir reçu une information préalable, aient la faculté de faire valoir leurs observations et de défendre leurs intérêts ».

Après avoir relevé que l’imprécision du contrat avait rendu nécessaire la recherche de « la volonté des parties » par les juges de la Cour d’appel, la Cour de Cassation a confirmé l’interprétation donnée par les juges d’appel : déduire, comme l’ont fait les vendeurs, de l’existence du délai d’information dans le contrat que son non-respect conduit à la déchéance de la garantie va trop loin selon la Cour. Si les parties avaient voulu voir jouer cette conséquence, ils auraient dû le préciser clairement dans le contrat. Les juges ont par conséquent considéré que l’absence de précision d’une sanction au non-respect du délai n’entrainait aucune sanction pour l’acheteur!

Le non-respect du délai d’information du vendeur par l’acheteur a néanmoins un effet dans le cas de la clause soumise à la sagacité des juges : l’acheteur bénéficiaire de la clause engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des cédants et doit verser des « dommages-intérêts en réparation du préjudice que le retard apporté à la notification convenue avait pu causer aux cédants ». L’estimation de ces dommages et intérêts est une affaire de circonstances. Si la Cour de cassation est muette sur le sujet, on peut envisager par exemple que le surcoût lié à une mauvaise défense dans un litige de la société vis-à-vis d’un tiers parce que le vendeur n’a pas pu donner à temps les arguments utiles donnera lieu à des dommages et intérêts. Néanmoins, parvenir à distinguer à la lecture d’un jugement de condamnation de la société vendue les arguments qui ont manqué pour mieux la défendre risque d’être souvent assez difficile.

Cette jurisprudence illustre bien la nécessité de rédiger avec soin avec un spécialiste des cessions-acquisitions les clauses de garantie de passif et d’actif et d’en prévoir toutes les conséquences. Cette rédaction est d’autant plus importante que les enjeux financiers d’une telle garantie peuvent être colossaux.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: vchalup

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