L’oubli d’une mention obligatoire du contrat de vente du fonds de commerce remet-il en cause l’opération ?
06.06.17Mention obligatoire sur le résultat d’exploitation dans l’acte de cession du fonds de commerce et nullité de l’acte
En droit de la cession des entreprises, la cession de fonds de commerce pour l’asset deal est très courante et aussi très formaliste. L’article L.141-1 du Code de commerce liste un certain nombre de mentions qui doivent obligatoirement figurer dans un acte de cession du fonds de commerce pour permettre à l’acheteur de recevoir un minimum d’informations comptables. Le résultat d’exploitation fait partie de ces indications obligatoires. Si l’une des mentions obligatoires est omise, la loi prévoit que la nullité de la vente peut être prononcée par un juge à la demande de l’acquéreur.
La Cour de cassation a eu l’occasion le 25 janvier 2017 de revenir sur cette question. Elle confirme sa jurisprudence, selon laquelle la nullité n’est pas prononcée systématiquement.
Vente d’un fonds de commerce et omission de la mention du résultat d’exploitation des trois derniers exercices
L’exploitant d’un fonds de commerce de restauration, qui en était le propriétaire pour l’avoir créé en 2006, le cède à un tiers au cours de l’année 2009. Le fonds de commerce avait cessé toute activité quelques mois avant la vente. L’acte de vente conclu en 2009 comporte l’ensemble des mentions prescrites par l’article L.141-1 du Code de commerce, excepté le résultat d’exploitation de l’année précédant la vente. Par contre, le résultat d’exploitation des deux années antérieures a été indiqué dans l’acte.
S’apercevant de l’omission de cette mention, l’acquéreur sollicite l’annulation de la vente sur le fondement de l’article L.141-1 du Code de commerce. La Cour d’appel ayant rejeté sa demande, l’acquéreur porte le litige devant la Cour de cassation. La Cour de cassation rejette la demande de l’acquéreur, refusant ainsi de prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce.
Pas de nullité de l’acte de vente du fonds de commerce en l’absence d’erreur en résultant pour l’acheteur
La Cour de cassation relève, en effet, que l’omission de cette mention n’a pas eu dans les faits pour effet d’induire l’acquéreur en erreur sur les qualités substantielles du restaurant.
Se basant sur les constatations de la Cour d’appel, la Cour de cassation relève que l’acquéreur avait connaissance, en raison des mentions figurant à l’acte de cession du fonds, des éléments suivants : la durée d’exploitation du fonds, la « baisse régulière du chiffre d’affaires entre 2006 et 2007 et entre 2007 et 2008 », le « très faible résultat réalisé en 2006 et 2007 » et le « caractère déficitaire de l’activité en 2008, même si la perte n’a pas été chiffrée… ». En d’autres termes, les renseignements contenus dans l’acte permettaient à l’acheteur, contrairement à ce qu’il affirme dans la procédure, de se faire une idée de l’état du fonds de commerce.
Selon la Cour de cassation, l’acquéreur ne démontrait pas que son consentement avait été vicié et donc la nullité de la vente ne pouvait pas être prononcée. Ce faisant, la Cour de cassation réaffirme sa jurisprudence, exigeant outre l’absence d’une ou plusieurs des mentions figurant à l’article L.141-1 du Code de commerce, le vice de consentement de l’acquéreur provoqué par cette omission.
Si un acheteur d’un fonds de commerce se rend compte après l’achat que ce fonds de commerce ne réalise pas les résultats qu’il espérait, il ne peut donc pas simplement faire annuler la vente, s’il constate qu’une mention obligatoire a été oubliée, contrairement à ce qu’une lecture littérale de l’article L.141-1 du Code de commerce pourrait laisser croire.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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