Présentation de comptes annuels inexacts lors de la cession d’entreprise

29.11.12  
achat entreprise faux bilan
Présentation de comptes annuels inexacts lors de la cession d’entreprise
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Décision de la Cour d’appel d’Orléans sur une demande d’annulation d’une cession d’entreprise

La chambre commerciale de la Cour d’appel d’Orléans a statué le 4 octobre 2012 sur des faits qui surviennent régulièrement dans le droit français des cessions d’entreprises et qui méritent à ce titre d’être évoqués.

L’acheteur d’une société française qui exploite un fonds de commerce d’électricité a saisi quelques temps après l’achat de cette société le juge d’une demande en annulation de la vente fondée sur son erreur sur les qualités substantielles des actions. Il considérait que son erreur avait été provoquée par le dol des vendeurs, c’est-à-dire l’intention de tromper l’acheteur pour le déterminer à acheter.

La société achetée ne s’étant pas révélée rentable, l’acheteur souhaitait faire marche arrière.

Les vendeurs ont présenté dans le cadre de la négociation du prix de vente des comptes annuels au 31 décembre 2006. Un acte de cession a été signé en avril 2007, qui fixait un prix provisoire sur la base des comptes annuels 2006. L’acte de cession prévoyait la fixation d’un prix définitif après établissement contradictoire d’un arrêté des comptes, qui est intervenu postérieurement, soit au 31 mai 2007. Une garantie d’actif et de passif a été également conclue, prenant pour base l’arrêté des comptes au 31 mai 2007. Le prix définitif a été fixé à un montant plus bas que le prix provisoire, une correction de prix ayant été opérée sur la base de l’arrêté contradictoire de 2007. Une «convention de fixation de prix définitif» est signée le 18 janvier 2008.

Lorsque l’acheteur saisit les juridictions françaises, il fait valoir, pour arguer de son erreur de consentement, que le résultat de l’entreprise achetée tenait compte de travaux en cours d’installations électriques non achevés à la date de clôture et que ces travaux n’avaient pas été valorisés selon une méthode d’évaluation acceptable. La méthode d’évaluation décrite dans l’annexe des comptes annuels au 31 décembre 2006 précisait que la méthode d’évaluation au coût de production était retenue. En réalité, c’est une méthode empirique consistant à comptabiliser l’état d’avancement et de facturation des travaux qui était appliquée. Un expert judiciaire nommé par l’acheteur a établi a posteriori que la comptabilité n’était pas fiable de ce point de vue. Il a chiffré dans son rapport l’erreur d’évaluation à environ 86 000 euros.

L’acheteur sachant que sa garantie d’actif et de passif était basée sur les chiffres de l’arrêté au 31 mai 2007, il n’a tenté de faire valoir cette garantie d’actif et de passif qu’à titre subsidiaire. Il a d’ailleurs été logiquement débouté.

L’acheteur n’ayant pas l’appui de la convention de garantie, c’est la loi qui s’applique. Or, pour prouver une erreur sur les qualités substantielles des parts sociales ou actions d’une société, l’action de l’acheteur n’est pas aisée à faire aboutir. C’est ainsi que la demande de l’acheteur fondée principalement sur l’erreur n’a pas abouti en l’espèce, comme dans de nombreux cas soumis aux juges français.

Pas d’annulation de la vente pour dol liée à la méthode de comptabilisation de charges

Le tribunal de commerce, puis la Cour d’appel n’ont pas retenu l’erreur de l’acheteur et le dol des vendeurs pour les motifs suivants:

  • La méthode de comptabilisation inexacte des vendeurs a été appliquée durant des années et n’était pas en lien avec la cession des actions. Ainsi, il n’y avait pas de preuve de la volonté de dissimulation de la situation de la société par les vendeurs;
  • Le prix définitif a été fixé sur la base, non pas des comptes annuels au 31 décembre 2006, mais de l’arrêté au 31 mai 2007, qui était de surcroit contradictoirement établi entre les parties;
  • Le fait que le prix définitif a été révisé à la baisse a aussi convaincu le juge que c’est cet arrêté qui était déterminant aux yeux de l’acheteur. L’acheteur a réitéré son engagement par un contrat du 18 janvier 2008.

L’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 4 octobre 2012 s’inscrit dans la jurisprudence établie sur le dol dans les cessions d’entreprises en France. En effet, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

L’acheteur d’une entreprise française doit donc veiller à réaliser toutes les démarches préalables à l’acquisition que sont notamment la due diligence et l’établissement d’une convention de garantie de passif et d’actif. Il ne faut pas perdre de vue dans le contexte de la rédaction de l’acte de vente de l’entreprise que la fixation d’un prix définitif établi sur la base d’un arrêté de comptes contradictoire entre acheteur et vendeur «neutralise» potentiellement le dol du vendeur.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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