Vente de société et manœuvres du vendeur pour dissimuler la situation financière de la société

03.09.19  
Vente de société et manœuvres du vendeur pour dissimuler la situation financière de la société
Vente de société et manœuvres du vendeur pour dissimuler la situation financière de la société
Vente de société et manœuvres du vendeur pour dissimuler la situation financière de la société

Nouvelle décision de justice sur les fausses informations données dans la vente d’entreprise

Par un arrêt récent F-D, C. c/ Sté Altigest du 5 juin 2019, la Cour de cassation a illustré une fois de plus les conséquences d’une vente entachée d’un dol. Toutefois, la difficulté en pareille matière est de savoir au titre de quel préjudice l’acheteur victime du dol lors du rachat d’une entreprise peut être indemnisé. Il convient de rappeler que le dol est le fait pour une partie d’obtenir le consentement de l’autre partie par des manœuvres dolosives ou mensonges ou en dissimulant intentionnellement une information déterminante.

Dans cette affaire, les actions des sociétés d’un groupe (détenu aux deux tiers par les deux dirigeants des sociétés, et le reste par des investisseurs étrangers) ont été cédées par un acte du 17 octobre 2007. L’acheteur a reproché aux vendeurs des manœuvres dolosives et a assigné en justice les vendeurs détenant la majorité du capital au paiement de dommages et intérêts. La décision qui a été rendue par la Cour de cassation est intéressante dans la mesure où tout en caractérisant l’existence d’un dol, elle en a limité l’étendue des sanctions.

Manœuvres pour cacher la situation financière réelle de la société cible

Dans les faits qui ont amené au présent litige, les vendeurs avaient accumulé des retards de paiement de factures et de salaires, modifié les échéances de règlement des loyers et prorogé des remboursements d’avances en devises. Ils s’étaient livrés à d’autres manœuvres destinées à majorer artificiellement leur trésorerie. En outre, les vendeurs n’avaient pas informé les acheteurs de ces opérations, dont la plupart sont postérieures au 30 juin 2007, date à laquelle l’audit comptable et financier effectué par les acheteurs avait arrêté la dette financière.

Par ailleurs, dans la lettre d’intention du 15 juin 2007, les vendeurs s’étaient engagés à ne pas opérer de changement substantiel dans la gestion, à gérer les sociétés en « bon père de famille » et à soumettre à l’agrément préalable de l’acheteur tout investissement supérieur à 10 000 euros.

La caractérisation du dol du vendeur des droits sociaux

Il appartenait donc aux vendeurs en vertu de leur obligation de foi et de loyauté contractuelle et au titre de cette clause de gestion, d’informer les acheteurs potentiels des opérations postérieures au 30 juin 2007 sans qu’ils puissent reprocher aux acheteurs d’avoir limité l’audit à une période antérieure. En manquant à cette obligation, les vendeurs ont, aux yeux des juges, délibérément caché aux acheteurs ces opérations, par des manœuvres dolosives destinées à masquer l’insuffisance de trésorerie et la situation financière de la société.

Cette position juridique est constante dans la jurisprudence française. De manière générale, lorsque la situation financière de la société est dissimulée par le vendeur, l’acheteur de parts sociales est bien fondé à soutenir avoir été victime d’un dol (exemple : Cour d’appel de Paris du 3 décembre 2009, n° 08-16768).

Quelle indemnisation de l’acheteur de l’entreprise en cas de dol ?

Cependant, dans l’affaire portée devant les juges, l’acheteur a réclamé seulement des dommages et intérêts mais pas la nullité du contrat, alors que cela était possible. Or, l’acheteur a fait valoir pour son préjudice le remboursement du prix des actions et du passif généré depuis l’achat des actions.

La Cour d’appel avait fait droit à sa demande. Mais la Cour de cassation a considéré que, dans la mesure où l’acheteur n’avait pas demandé l’annulation du contrat à la suite du dol, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses. Cette décision s’inscrit dans un principe de jurisprudence constante : (Cass. com. 10-7-2012 n° 11-21.954 FS-PB)

Parce qu’il a choisi de maintenir le contrat pour rester propriétaire de l’entreprise acquise, l’acheteur ne peut pas être replacé dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat n’avait pas été conclu. Il doit donc s’attendre à ne pas recevoir une indemnisation très importante.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo : Jirapong

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