Validité d’une clause attributive de compétence dans les CGV via le click-wrapping ?

14.04.20  
Clic d'acceptation des cgv en ligne
Validité d’une clause attributive de compétence dans les CGV via le click-wrapping ?
Clic d'acceptation des cgv en ligne

Presque tout le monde les connaît, presque personne ne les lit – les conditions générales de vente (Allgemeine Geschäftsbedingungen, AGB). Cependant, même si on les oublie souvent et volontairement, leur importance dans la pratique ne doit pas être sous-estimée, car elles représentent probablement le moyen le plus fréquemment utilisé afin de rédiger des contrats. Dans un arrêt du 21 mai 2015, la Cour de justice de l’Union Européenne a jugé qu’un clic suffisait pour l’acceptation des conditions générales de vente.

Achat avec acceptation des conditions générales de vente en ligne en un clic

Dans la présente affaire soumise à la Cour, un litige opposait un commerçant en ligne à un concessionnaire automobile allemand au sujet de conditions générales de vente. Le concessionnaire automobile avait acheté une voiture électrique à un très bon prix via un site internet d’une entreprise dont le siège social était situé en Allemagne. Le vendeur avait annulé l’achat au motif que le véhicule avait été endommagé avant la livraison.

L’acheteur a intenté une action en justice en vue du transfert de propriété de la voiture parce qu’il croyait que l’annulation serait une ruse du vendeur pour se débarrasser du contrat de vente qui lui était défavorable en raison du faible prix. Il a porté l’affaire devant le tribunal compétent au siège du vendeur en Allemagne. Cependant, la compétence du tribunal a été contestée par le défendeur, qui s’est fondé sur la clause attributive de compétence territoriale contenue dans ses CGV selon laquelle les tribunaux de Louvain (Belgique) auraient compétence exclusive. En outre, la société mère ayant son siège social en Belgique était le partenaire contractuel de l’acheteur. Le concessionnaire automobile en avait également connaissance, car il avait fait établir une facture sans TVA et avait transféré le prix d’achat sur un compte bancaire belge.

L’acceptation des CGV au moyen du « click-wrapping »

La question centrale de l’arrêt est l’acceptation des CGV – et de la clause attributive de compétence qu’elles contiennent – au moyen du « click-wrapping ». Par le biais du « click-wrapping », les clients acceptent les conditions générales en cliquant sur une case ou un autre élément semblable, sur le site internet. Dans le présent cas d’espèce, l’acheteur de la voiture avait aussi accepté les CGV du vendeur par un clic de souris sur le site internet de ce dernier. Cependant, le demandeur a contesté la validité de l’acceptation des CGV et ainsi la clause attributive de juridiction au motif que la clause ne serait pas conforme aux exigences de droit européen du règlement dit « Bruxelles I », qui exige une forme écrite. Celle-ci n’aurait pas été respectée, car la page contenant les CGV ne s’ouvrait pas automatiquement lors de l’enregistrement ou avant la conclusion d’un contrat. Au contraire, un deuxième clic était nécessaire afin d’ouvrir les CGV dans une deuxième fenêtre.

La juridiction allemande a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne afin qu’elle détermine, en interprétant l’article 23 II du traité de l’UE, si la technique du « click-wrapping », grâce à laquelle l’acheteur peut consulter les CGV dans une nouvelle fenêtre au moyen d’un deuxième clic, répond aux exigences de cet article.

Click-wrapping – un clic suffit

La Cour de justice de l’Union Européenne a reconnu l’acceptation des CGV et donc de la clause attributive de compétence au moyen du click-wrapping comme étant valable. L’élément déterminant serait que l’impression et la sauvegarde des CGV étaient également possibles grâce à la technique du « click-wrapping » (même si concrètement personne ne sauvegarde ou n’imprime réellement les CGV). Le fait que les CGV ne s’ouvrent pas automatiquement lors de l’enregistrement ou des transactions commerciales est sans importance. Les juges justifient cette décision en indiquant qu’une concrétisation des exigences de forme écrite a été incluse dans l’article afin de prendre en compte le développement des nouvelles techniques de communication. Le sens de ce nouveau paragraphe était de faciliter la conclusion de contrats par voie électronique en assimilant certaines formes de transmission électronique à la forme écrite.

Le renforcement du commerce électronique

Avec cet arrêt, la CJCE garantie la sécurité juridique de la technique du « click-wrapping », déjà largement utilisée pour l’acceptation des conditions générales de vente. En simplifiant la conclusion des contrats, le commerce électronique est ainsi renforcé.

Il convient de remarquer que la décision concernait une relation d’affaires entre deux professionnels (B2B). Dans le cadre d’un contrat de consommation (B2C), il ne suffit pas que les informations soient seulement accessibles grâce à un lien. Les conditions plus strictes d’un autre règlement s’appliquent ici, car la loi suppose toujours qu’un professionnel, qui est généralement très expérimenté dans le domaine des affaires, a moins besoin d’être protégé qu’un consommateur. Dans la pratique, il est donc important dans le cadre du « click-wrapping » de distinguer les transactions commerciales B2B des transactions commerciales B2C. Cela est particulièrement important pour les professionnels qui adressent leur offre aussi bien à des clients professionnels qu’à des consommateurs. Les commerçants en ligne peuvent ainsi jouer la carte de la sécurité, s’ils respectent les dispositions légales relatives aux contrats de consommation.

Quand l’inclusion des CGV est-elle valable en droit allemand?

Comme l’illustre le cas décrit ci-dessus, afin de savoir si l’inclusion des CGV est valable, il convient de distinguer s’il s’agit de relation d’affaires conclues entre des commerçants ou entre un professionnel et un consommateur.

Le Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch, BGB) prévoit les règles suivantes pour les contrats de consommation :

  • Le professionnel doit attirer l’attention du consommateur de manière exprès sur les CGV lors de la conclusion du contrat
  • Le client doit pouvoir prendre connaissance des CGV
  • Le client doit avoir accepter les CGV

La loi ne prévoit pas dans quelle mesure la représentation sur le site web est suffisamment précise (case à cocher, simple indication que les CGV s’appliquent), c’est donc une question de goût. Toutefois, la case à cocher représente une solution sans équivoque et est donc sûre, car elle permet d’éviter d’éventuelles discussions sur le caractère clair de l’indication.

Concernant l’inclusion des CGV dans les contrats entre professionnels, il n’existe pas de dispositions spécifiques. Ici aussi, le professionnel doit donner à son partenaire contractuel la possibilité de consulter les CGV. Toutefois, selon la Cour suprême fédérale d’Allemagne (Bundesgerichtshof, BGH), étant donné qu’il n’est pas nécessaire de protéger le professionnel, l’indication que les CGV sont envoyées sur demande suffit. Il n’est donc pas obligatoire de joindre les CGV. Il faut toujours déterminer, en ayant recours à l’interprétation, si un professionnel objectif et typique aurait pu reconnaître la validité des CGV à la place du partenaire contractuel.

Par ailleurs, les CGV doivent non seulement être valablement incluses dans le contrat, mais doivent également répondre à des exigences en termes de contenu. Dans les contrats de consommation, celles-ci sont à nouveau plus strictes.

Quand l’inclusion des CGV est-elle valable en droit français ?

Le droit français distingue également les contrats conclus entre professionnels des contrats de consommation. Le droit civil français prévoit également que le client doit être informé de l’existence de CGV et les accepter lors de la conclusion du contrat (art. 1119 du Code civil). Dans le cadre d’un contrat conclu par Internet, il doit, en outre, être possible de sauvegarder les CGV. Ici aussi, un simple clic suffit pour accepter les CGV.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo : tippapatt

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