Action de l’acheteur d’un appartement contre l’assureur décennal de l’artisan

19.12.18  
Toit garantie décennale
Action de l’acheteur d’un appartement contre l’assureur décennal de l’artisan
Toit garantie décennale

Une garantie décennale directe

Par un arrêt du 8 novembre 2018, la Cour de cassation vient rappeler que le caractère dit « décennal » d’un désordre est le seul critère à prendre en compte pour mettre en cause la garantie décennale du constructeur et donc la mise en œuvre de la couverture de son assureur.

Qu’est-ce que la garantie décennale ?

La garantie décennale a pour objet de garantir pendant dix ans, à compter de la réception des travaux, le maître de l’ouvrage (celui qui a commandé les travaux, généralement le propriétaire ou le promoteur), le plus souvent d’un immeuble, contre les conséquences de désordres non apparents au moment de la réception et qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. Celui qui est donc tenu de cette garantie est le constructeur de l’ouvrage. Cette responsabilité est prévue à l’article 1792 du Code civil.

Tout constructeur est ainsi tenu de souscrire une assurance lui permettant de se couvrir de toute demande d’indemnisation qui pourrait être formulée en raison d’un désordre qui rendrait l’ouvrage impropre à sa destination. Cette obligation est prévue à l’article L.241-1 du Code des assurances.

Les désordres causés par la chute de tuiles et de mortier sont des désordres de type décennal…

A l’origine de l’arrêt de la Cour de cassation, un particulier avait acquis en l’état futur d’achèvement un appartement dans un immeuble qui avait été entièrement rénové. Les travaux de rénovation s’étaient déroulés sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte (conception) ainsi que sous celle d’un cabinet spécialisé (exécution). La réalisation des travaux de « révision générale de la toiture-couverture » avait été confiée à autre société qui avait souscrit une assurance de garantie décennale auprès de l’assureur SAMBTP.

Le propriétaire de l’appartement s’est plaint de chutes de fragments de tuiles et de mortier provenant du toit et a donc demandé un dédommagement à l’assureur de l’entreprise qui avait réalisé les travaux de la toiture. Une expertise a eu lieu et a notamment permis d’établir que les désordres subis par le propriétaire de l’appartement étaient d’ordre décennal.

Le propriétaire ainsi que le syndicat des copropriétaires de l’immeuble n’étant pas satisfaits de la proposition d’indemnisation formulée par l’assureur à l’issue de l’expertise, l’ont assigné (en présence des autres parties au litige) en paiement d’indemnités. En effet, l’article L. 124-3 du Code des assurances offre la possibilité au tiers lésé de demander directement à l’assureur du constructeur l’indemnisation de son préjudice.

…à ce titre ils doivent être pris en charge par l’assureur de responsabilité décennal du constructeur

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté le recours du propriétaire au motif que le fondement de la responsabilité de l’entreprise de toiture (assuré de la SAMBTP) était basé sur l’article 1382 du Code civil (actuellement article 1240 du Code civil), à savoir la responsabilité quasi-délictuelle, et que ce fondement excluait que la garantie décennale de l’assureur de l’entreprise de toiture, la SAMBTP, soit retenue.

La Cour de cassation sanctionne le raisonnement adopté par la Cour d’appel et le simplifie en indiquant qu’il n’y a pas lieu de tenir compte du fondement juridique de la demande qui aurait pu être dirigée contre le constructeur, c’est-à-dire l’assuré. En effet, la Cour de cassation rappelle que « l’assureur de responsabilité décennale d’un constructeur doit sa garantie pour les désordres relevant de la garantie décennale ».

Ainsi, du moment que les désordres subis par le tiers sont d’ordre décennal, celui-ci est fondé à se retourner directement contre l’assureur décennal de l’artisan concerné pour lui demander l’indemnisation des préjudices subis du fait de ces désordres. Et ce, peu importe l’existence ou non d’un contrat entre le propriétaire du bien et l’artisan mis en cause.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: karepa

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