L’action directe du sous-traitant industriel contre le maître de l’ouvrage

07.02.14  
Chantier avec le sous-traitant
L’action directe du sous-traitant industriel contre le maître de l’ouvrage
Chantier avec le sous-traitant

Dans un arrêt en date du 5 novembre 2013, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a clarifié un point important du droit français de la sous-traitance.

L’affaire soumise aux juges : obligation pour l’entrepreneur principal français de faire accepter le sous-traitant

Dans cette affaire, le maître de l’ouvrage d’un chantier naval a engagé un entrepreneur principal, qui a fait appel à plusieurs sous-traitants, dont un sous-traitant industriel. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de l’entrepreneur principal et le sous-traitant s’est alors retourné contre le maître de l’ouvrage.

A ce propos, il convient de rappeler que l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance prévoit que l’entrepreneur principal doit faire accepter ses sous-traitants par le maître de l’ouvrage et faire agréer leurs conditions de paiement.

La loi du 31 décembre 1975 précise à cet égard que pour les travaux de bâtiment et de travaux publics, le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations d’acceptation et d’agrément, mettre l’entrepreneur principal en demeure de s’acquitter de ces obligations. A défaut, le maître de l’ouvrage engage sa responsabilité délictuelle à l’égard du sous-traitant.

Le dernier alinéa de l’article 14 précité, introduit par la loi du 26 juillet 2005, étend le champ d’application de l’alinéa 2 aux contrats de sous-traitance industrielle lorsque le maître de l’ouvrage connaissait leur existence.

En l’espèce, le maître de l’ouvrage a été condamné par une Cour d’appel à payer des dommages-intérêts au sous-traitant industriel pour ne pas avoir mis en demeure l’entrepreneur principal de s’acquitter de son obligation de faire accepter son sous-traitant et ses conditions de paiement.

Le maître de l’ouvrage a critiqué cette décision de la Cour d’appel au motif que l’application des dispositions prévues à l’article 14-1 al. 2 de la loi du 31 décembre 1975 s’inscrivait dans le seul cadre des marchés principaux concernant des travaux de bâtiments ou de travaux publics et ne concernait donc pas la sous-traitance industrielle. Selon le maître de l’ouvrage, c’est seulement lorsque le contrat principal est un contrat de travaux de bâtiments ou de travaux publics que le maître de l’ouvrage est tenu de mettre l’entrepreneur principal en demeure de faire accepter les sous-traitants industriels, alors qu’en l’espèce, le contrat principal était un contrat de construction navale.

Protection du sous-traitant industriel par les juges français

La Cour de cassation a rejeté cet argument et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel. Selon la Cour de cassation, l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, s’applique également aux contrats de sous-traitance industrielle. Selon la Cour de cassation, l’article 14-1 al. 2, par renvoi de l’aliéna 3 au contrat de sous-traitance industrielle, n’était nullement subordonnée à l’existence d’un marché de travaux de bâtiment ou de travaux publics.

La Cour de cassation a estimé qu’en l’espèce le maître de l’ouvrage avait démontré par son comportement qu’il avait connaissance de l’objet de l’intervention de la société concernée en tant que sous-traitant et qu’à défaut d’avoir accompli les obligations résultant de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, il a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard du sous-traitant industriel et pouvait donc être condamné au paiement de dommages-intérêts.

Dans cette décision, la Cour de cassation affirme clairement que l’application de l’article 14-1 al. 2 de la loi du 31 décembre 1975 s’applique à la sous-traitance industrielle, peu importe si le contrat principal a été conclu dans le cadre d’un marché principal de travaux de bâtiments ou de travaux publics.

Cela permet au sous-traitant industriel de bénéficier désormais des avantages de ce régime, dont seuls les sous-traitants de travaux de bâtiment ou de travaux publics disposaient jusqu’alors. En revanche, le maître de l’ouvrage hors travaux de bâtiment ou travaux publics doit désormais respecter les nouvelles obligations que cette jurisprudence lui impose.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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