Le contrat de vente allemand : aspects pratiques et légaux

07.02.25  
Le contrat de vente allemand : aspects pratiques et légaux
Le contrat de vente allemand : aspects pratiques et légaux
Le contrat de vente allemand : aspects pratiques et légaux

Lorsqu’on parle de contrat de vente, les règles peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre. Les entreprises et les particuliers français qui souhaitent vendre ou acheter en Allemagne doivent être conscients des spécificités du droit allemand. Le contrat de vente allemand (Kaufvertrag), tel que défini par le Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch, en abrégé BGB), comporte des règles qui ne sont pas toujours intuitives pour un juriste français.

Cet article a pour objectif de vous présenter les points essentiels du contrat de vente en droit allemand, en soulignant les différences majeures avec le droit français pour mettre en avant les points de vigilance. Le but est de vous guider à travers les situations les plus courantes comme la vente de marchandises, de voitures ou encore la gestion des vices cachés. Nous aborderons également les aspects pratiques tels que le droit de rétractation, l’inspection de la marchandise et la relation avec les conditions générales de vente (CGV).

Table des matières

Présentation générale du contrat de vente en droit allemand

Introduction au Code civil allemand (BGB) et les principes en matière de vente.

Pour comprendre le droit de la vente allemand, il faut connaître un certain nombre de dispositions des premières trois livres du BGB qui sont :

  1. les règles générales (Allgemeiner Teil) notamment sur :
    • les causes de nullités d’une déclaration de volonté (p.ex. incapacité d’un enfant de moins de 7 ans)
    • les vices de consentement (erreur, dol, menace)
    • la réception d’une déclaration de volonté
    • l’offre
    • l’acceptation
    • l’interprétation d’une déclaration de volonté
    • la forme d’une déclaration de volonté (notamment relative à la vente d’un immeuble)
  2. le droit des obligations (Schuldrecht) sur :
    • les CGV (application, contrôle de transparence et du contenu)
    • l’extinction d’une créance (dont exécution ou compensation)
    • les règles spécifiques au contrat de vente (définitions des vices, délais de prescription des droits au titre des vices, transfert des risques, garantie contractuelle)
  3. le droit des biens (Sachenrecht) sur :
    • le transfert du droit de propriété sur les immeubles
    • le transfert du droit de propriété sur les biens meubles

Pour un professionnel, il est aussi utile de connaître les 8 articles dans le HGB relatives à la vente commerciale (Handelskauf).

Le principe de séparation et d’abstraction

On ne peut surtout pas faire l’impasse sur le principe de séparation et d’abstraction (Trennungs- und Abstraktionsprinzip). Le principe n’est pas expliqué dans le Code Civil allemand. Il découle des différentes dispositions relatives au contrat de vente et au droit de propriété.

Selon ce principe, la vente est constituée de deux actes juridiques différents (Rechtsgeschäfte) :

  1. D’une part, le vendeur et l’acheteur concluent un acte juridique en matière d’obligations (schuldrechtliches Rechtsgeschäft). C’est le contrat de vente. Il est défini au § 433 BGB. Par le contrat de vente, le vendeur d’engage à donner une chose à l’acheteur et de lui procurer le droit de propriété.
  2. D’autre part, le vendeur et l’acheteur concluent un acte juridique réel (sachenrechtliches Rechtsgeschäft). Par cet acte juridique réel, le vendeur consent à ce que l’acheteur devienne propriétaire. L’acheteur accepte le transfert du droit de propriété. Ce transfert du droit de propriété est régi au § 929 BGB pour les biens meubles et au § 925 BGB pour les immeubles.

L’abstraction des deux actes fait que le contrat de vente peut exister sans que l’acte de transfert de propriété soit valable et en inverse.

C’est pourquoi pour maîtriser la vente en droit allemand il faut connaître à la fois le droit des obligations et le droit des biens allemand.

Les différences fondamentales avec le droit français

En droit français, la vente est parfaite dès que le vendeur et l’acheteur se mettent d’accord sur la chose et le prix. En France, l’acheteur devient immédiatement propriétaire. En droit de la vente français, il n’existe pas le principe de séparation qui fait qu’en droit allemand l’acheteur ne devient pas propriétaire par la seule conclusion du contrat de vente.

En droit français, la vente d’une chose qui n’appartient pas au vendeur est nulle tandis qu’en droit allemand le contrat de vente est néanmoins valable et se résout en paiement des dommages et intérêts par le vendeur. En effet, en droit allemand, malgré le fait que le vendeur ne soit pas en mesure de transférer le droit de propriété sur la chose à l’acheteur, le contrat de vente reste valable.

La vente en droit allemand, sauf en cas d’immeuble, peut être conclue à l’orale et prouvée par tous les moins de preuve peu importe le prix de vente tandis qu’en droit français une preuve écrite est nécessaire lorsque le prix de vente dépasse 1 500 euros.

En droit français, il y a deux garanties légales qui existent parallèlement : l’obligation du vendeur de livrer une chose conforme et la garantie des vices cachés. En droit allemand, qu’il s’agit d’une livraison non-conforme (Falschlieferung) ou d’une livraison d’une chose défectueuse c’est la garantie au titre des vices qui s’applique avec le même régime de prescription.

Il n’y a pas de Code de la consommation. La protection des consommateurs qui achète auprès d’un professionnel est intégré dans le BGB tandis qu’en France, les règles protectrices sont en dehors du Code civil. Lorsqu’il s’agit des règles de protection du consommateur découlant du droit européen, l’Allemagne se conforme au général à la protection minimale tandis que la France va souvent au-delà au profit du consommateur.

Différence générale entre le système français du Code civil attaché aux cas de jurisprudence et le système allemand du BGB plus abstrait

Dans l’esprit de la Révolution française (« égalité »), le droit civil français était censé être transparent et compréhensible et le même pour tout le monde. Aussi, le Code civil combine les coutumes et les règles écrites préexistantes. Ainsi le Code civil illustre souvent les règles et exceptions par des cas particuliers décrits très concrètement.

Comparé au Code civil, l’approche du BGB est relativement plus abstrait. Il s’agit d’un système complexe de règles renvoyant les unes aux autres. Bien que le langage du BGB soit clair et nettement plus moderne que celui du Code civil qui est 100 ans plus vieux, les germanophones qui n’ont pas fait des études de droit allemand ont du mal à comprendre le droit civil allemand du fait qu’il faut connaître l’ensemble des paragraphes pour suivre leur enjeu.

Le Code civil et le BGB ou plus généralement les droits de vente se rapprochent y compris en droit de la vente.

En grande partie, ils se rapprochent par ce qu’on appelle l’harmonisation européenne. La France et l’Allemagne adoptent toutes les deux des règles communes aux pays de l’Union européenne. Ainsi il y a notamment les règles relatives au droit de rétractation du consommateur en cas de vente à distance. En France, elles figurent dans le Code de la consommation. En Allemagne, elles sont intégrées dans le BGB.

De plus, par la réforme du droit des obligations français en 2016, la France a introduit en droit des obligations des dispositions de portée générale suivant l’exemple du BGB. Par exemple, la notion de déséquilibre significatif que connait le droit allemand des contrats depuis longtemps.

Enfin, le style du Code civil évolue. Les dispositions réformées sont rédigées dans un langage contemporain.

Exemple pour le casuisme français

Un exemple dans le Code civil pour le système casuistique et une rédaction pédagogique sont les 15 articles dans le Code civil relatifs à l’erreur, le dol et la violence. Le Code civil précise aussi des cas particuliers dans lesquels il n’y a pas de vice de consentement tandis que le BGB se contente de 6 paragraphes pour ces vices de consentement et ne mentionne pas des exemples concrets.

Exemple pour l’abstraction allemande

Typique pour son caractère abstrait est la première partie du BGB qui contient des règles générales qu’il faut combiner avec les règles spéciales dont celles relatives à la vente. Un paragraphe du BGB qui illustre bien les références à d’autres paragraphes est le § 437 BGB relatif aux droits de l’acheteur en cas de défauts de la chose.

Exemple pour le rapprochement

Un exemple pour un rapprochement des systèmes sont les dispositions liminaires aux articles 1101 à 1111-1 du Code civil introduit par la réforme du droit des obligations de 2016. Elles contiennent un ensemble de règles qui s’appliquent à tous les contrats.

Depuis aussi, le Code civil met plus en évidence le fait que le droit des obligations est construit sur le « consentement » d’une personne tandis qu’auparavant les règles se référaient à la notion du « contrat ». Cela correspond au système allemand qui a toujours mis au cœur la « déclaration de volonté » (Willenserklärung) dont les effets juridiques dépendent.

Histoire du Code civil et du BGB

Le droit romain : Une source commune du Code civil et du BGB

Le Code civil et le BGB reposent tous les deux sur le droit romain.

Le Code civil s’applique depuis 1804.  Il est aussi appelé Code Napoléon. Avant, les règles régissant les relations entre les citoyens étaient dispersées car les règles différaient d’une province à une autre.  Dans les provinces au nord de la France on se basait surtout sur des coutumes, tandis que dans celles du sud s’appliquaient en général des règles écrites de droit romain. L’idée de la Révolution était de codifier le droit civil afin qu’il y ait un droit uniforme sur tout le territoire de la France et que le droit soit facilement compréhensible pour tous.

Dans le même esprit a suivi le Code du commerce en 1807.

Le HGB a été introduit en 1897. Le BGB a suivi en 1900.

À l’époque, l’idée était d’avoir entre autres le même droit du commerce et de la vente sur tout le territoire de l’Allemagne. L’Allemagne était composée de nombreux Länder – comme c’est toujours le cas aujourd’hui avec les 16 Bundesländer.

Chaque Land avait en principe ses lois, bien que des coutumes existaient et que le droit romain (droit commun) s’appliquait subsidiairement. Par exemple, l’ancien Land Bade s’inspirait du Code civil de Napoléon de 1804 tandis qu’en Saxe s’appliquait le BGB pour le Royaume Saxe.

Avec le BGB, cette fragmentation en droit de la vente a pris fin.

Les obligations des parties : vendeur et acheteur

Les obligations du vendeur : Livraison, conformité, et transfert de propriété

En droit civil allemand, le vendeur a l’obligation de

  • livrer le bien acheté à l’acheteur et de
  • lui en conférer la propriété.

Contrairement au droit civil français, l’acheteur ne devient pas automatiquement propriétaire du bien acheté par la conclusion du contrat de vente. Un contrat de vente conclu selon le droit allemand crée seulement une obligation de transfert de propriété.

En général, cette obligation est remplie lorsque le bien est remis à l’acheteur. La remise implique que l’acheteur obtienne la possession effective du bien. La renonciation à la remise de la chose n’est possible que dans des cas exceptionnels. Par exemple, les parties peuvent convenir que le vendeur conserve la possession du bien pour le compte de l’acheteur. Dans ce cas, bien que le bien reste physiquement avec le vendeur, la propriété est transférée à l’acheteur.

Les obligations de l’acheteur : Paiement du prix, réception et inspection de la marchandise

L’obligation fondamentale de l’acheteur est de

  • payer le prix convenu au vendeur et
  • de recevoir le bien.

Le paiement doit être effectué dans les délais prévus par le contrat de vente. En l’absence de dispositions spécifiques, le paiement est dû immédiatement.

En ce qui concerne la réception, l’acheteur est tenu de recevoir le bien lorsque le vendeur le lui remet. Cela signifie que l’acheteur doit accepter le bien livré et collaborer pour en prendre possession. Un refus de réception injustifié peut en autres exposer l’acheteur à l’exigence de dommages-intérêts.

La garantie des vices (cachés) et les droits de l’acheteur

Définition des vices (cachés) en droit allemand et cadre juridique

Dans la terminologie allemande, pour désigner un vice ou une non-conformité, on parle de « Mangel » ce que l’on peut traduire par défaut. Un défaut caché est appelé « verdeckter Mangel ».

En droit de la vente allemand, il faut distinguer entre le défaut matériel (Sachmangel) et le défaut juridique (Rechtsmangel).

Un défaut matériel c’est lorsque le bien ne répond pas :

  • aux exigences subjectives,
  • aux exigences objectives ou
  • aux exigences de montage.

Le bien ne répond pas aux exigences subjectives lorsque le bien

  • n’a pas la qualité convenue,
  • n’est pas propre à l’usage prévu par le contrat,
  • n’est pas livré avec les accessoires ou
  • les instructions convenus, y compris les instructions de montage et d’installation.

Sauf convention contraire valable, le bien ne répond pas aux exigences objectives lorsque

  • il n’est pas propre à l’usage auquel il est normalement destiné ou
  • ne présente pas des caractéristiques habituelles pour des objets de même nature.

Dans la mesure où un montage doit être effectué, l’objet ne répond pas aux exigences de montage si :

  • le montage n’a pas été effectué dans les règles de l’art et
  • que cela est dû à un montage incorrect par le vendeur ou un défaut dans les instructions fournies par le vendeur.

Il existe un défaut juridique lorsque le bien livré est affecté de droit de tiers, ce qui empêche l’acheteur de jouir pleinement d’un bien.

Lorsque l’acheteur reçoit une autre chose que celle convenue (aliud ou Falschlieferung), on applique aussi la garantie des vices.

  • Les droits de l’acheteur en cas de défaut : Réparation, remplacement, réduction du prix, résiliation du contrat, et dommages-intérêts

Si le bien présente un défaut, l’acheteur dispose de plusieurs droits. La charge de la preuve incombe à l’acheteur. L’acheteur doit prouver que le défaut existait déjà au moment de la remise du bien. Une présomption légale s’applique lorsque l’acheteur est un consommateur. Un défaut qui apparait dans les premiers six mois à compter de la livraison est présumé avoir existé déjà au moment de la livraison.

Droit à l’exécution ultérieur (Nacherfüllung)

Le droit à l’exécution ultérieur donne le droit de demander au vendeur de remédier au défaut. En général, le droit à l’exécution ultérieur est prioritaire et doit être invoqué en premier. Il y a deux formes :

  1. Réparation (Nachbesserung) : Le vendeur corrige le défaut en réparant le bien.
  2. Remplacement (Nachlieferung) : Le vendeur remplace l’objet défectueux par un nouveau produit conforme.

L’acheteur peut choisir entre la réparation et le remplacement, sauf si cela engendre des coûts disproportionnés pour le vendeur. 

Si l’exécution ultérieur échoue ou si le vendeur ne respecte pas un délai raisonnable pour corriger le défaut, l’acheteur peut procéder à demander une réduction du prix, la résiliation du contrat ou des dommages-intérêts.

Réduction du prix

Cette option permet à l’acheteur de conserver la chose défectueuse tout en payant un prix réduit pour en compenser le défaut.

Annulation du contrat

L’acheteur peut également annuler le contrat. La résiliation du contrat entraîne le remboursement des prestations déjà fournies.

Dommages-intérêts

Si l’acheteur a subi un dommage en raison du manquement du vendeur, l’acheteur peut demander des dommages-intérêts en cas de faute du vendeur. Dans ce contexte, les notions de « kleiner Schadensersatz » (petits dommages-intérêts) et « großer Schadensersatz » (grands dommages-intérêts) sont courantes en droit allemand.

  1. « Kleiner Schadensersatz » (petits dommages-intérêts) : Dans ce cas, l’acheteur demande des dommages-intérêts pour le dommage subi, tout en conservant l’objet acheté. Cela signifie que l’acheteur accepte le bien malgré son défaut ou sa non-conformité. Il réclame seulement une compensation pour la valeur diminuée du bien. C’est très similaire à la réduction du prix mais peut conduire à un autre résultat. En cas de réduction de prix, le prix convenu est baissé tandis qu’en cas de dommages-intérêts c’est la diminution de la valeur objective qui est compensée.
  2. « Großer Schadensersatz » (grands dommages-intérêts) : Ici, l’acheteur se voit restituer l’objet de l’achat défectueux et il obtient à sa place le remboursement de la valeur totale de l’objet.

Les droits mentionnés ci-dessous sont généralement prescrits dans un délai de deux ans. Le délai de prescription commence à courir à partir de la livraison du bien.

Cependant, le délai est prolongé s’il y a un dol de la part du vendeur. Entre professionnels, le délai de prescription peut être réduit à un an. Le délai de prescription peut également être réduit à un an, aussi à l’égard d’un consommateur, lorsque la chose vendue est un bien d’occasion. Cette réduction possible pour une chose utilisée est contraire au droit européen mais trouve néanmoins application selon la jurisprudence.

Il convient de noter qu’en droit de la garantie des vices cachés le délai de prescription est plus court que le délai de prescription général en droit allemand. Le délai de prescription général est au moins de trois ans.

En principe, la garantie des vices (cachés) peut être exclue par les parties du contrat de vente. Une telle exclusion de responsabilité n’est toutefois pas valable dans la mesure où le vendeur a dissimulé le défaut de manière dolosive ou a pris en charge une garantie pour la qualité de la chose. Attention : L’invocation des vices cachés n’est également pas possible si l’acheteur connaissait le vice. Enfin, la garantie des vices (caché) ne peut pas être exclue par un vendeur professionnel à l’égard d’un acheteur qui est consommateur (« Verbrauchsgüterkauf »).

Comparaison avec la garantie des vices cachés en droit français

Le droit allemand et le droit français ont des approches similaires concernant la garantie des vices cachés. Cela est notamment dû au droit européen qui a harmonisé les dispositions nationales.

Néanmoins, il y a quelques différences qu’il faut connaître :

  1. En droit français, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. La réparation ou le remplacement ne sont pas prioritaires comme en Allemagne.
  2. En France, le vendeur ne doit payer des dommages et intérêts que s’il connaissait le vice. En revanche, en droit allemand, une faute non-intentionnelle peut être suffisante pour obtenir des dommages et intérêts.
  3. En droit français, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée par l’acquéreur dans un délai de prescription de deux ans, courant à compter de la découverte du vice. En Allemagne, ce délai commence à courir à compter de la remise du bien.
  4. En droit allemand et en droit français, l’acheteur doit prouver que le vice existait déjà au moment de la remise du bien / au moment de la conclusion du contrat. Par contre, le consommateur bénéficie d’une présomption à cet égard. En droit allemand, dans un délai d’un an, il est présumé que le bien présentait déjà un vice au moment de la livraison. En France, ce délai est de 2 ans.

Le droit de rétractation en droit allemand (Widerruf)

Le droit de rétractation (Widerruf) permet d’annuler le contrat de vente dans un certain délai sans motif. Il est différent de l’action rédhibitoire (Rückritt) susmentionnée au titre de la garantie légale de vice caché ou conformité.

En principe, ni le vendeur ni l’acheteur ne peuvent se rétracter.

Exceptionnellement, un droit de rétractation légal existe au profit de l’acheteur sous les conditions suivantes :

  • L’acheteur est un consommateur.
  • Le vendeur est un professionnel.
  • Soit le consommateur a commandé la chose à distance (notamment achat en ligne, courriel, courrier ou téléphone), soit le vendeur a vendula chose en dehors de ses locaux professionnels.
  • L’acheteur doit informer le vendeur de ce qu’il exerce son droit de rétractation.
  • L’acheteur dispose d’un délai de 14 jours pour se rétracter. Ce délai est compté à partir de la livraison.
  • Il ne faut pas que la chose que l’acheteur a achetée soit exclue de la rétractation. Les choses exclues sont par exemple :  une chose nettement personnalisée et des choses qui détériorent rapidement.

Les conséquences de la rétractation : Remboursement du prix, retour de la marchandise, etc

  • L’acheteur doit restituer la chose qu’il a reçu dans un délai de 14 jours.
  • L’acheteur supporte en principe les frais du renvoi.
  • Le vendeur doit rembourser le prix, également dans un délai de 14 jours.

La vente de marchandises en Allemagne

Lieu de livraison (Erfolgsort/Lieferort)

Le lieu de livraison est le lieu où la marchandise doit être livré. Le lieu de livraison n’est pas automatiquement le même que le lieu d’exécution (Erfüllungsort/Leistungsort). Le lieu d’exécution est le lieu où le vendeur doit effectuer son obligation de remettre la chose afin qu’il soit libéré de son obligation de donner. Identifier ces deux lieux est nécessaire si on veut savoir qui est responsable en cas de détérioration ou perte de la marchandise avant la réception par l’acheteur.

Le lieu d’exécution est le lieu qui est prévu comme tel dans le contrat de vente. Il y a trois cas possibles :

  • L’acheteur doit chercher la marchandise chez le vendeur (Holschuld). Le lieu d’exécution est chez le vendeur. C’est l’hypothèse légale.
  • Le vendeur doit envoyer la marchandise à l’acheteur (Schickschuld). Le vendeur doit remettre la marchandise à un transporteur fiable. C’est le lieu de la remise de la marchandise au transporteur qui est le lieu d’exécution. Bien que le lieu de livraison soit chez l’acheteur, le vendeur n’est pas responsable pour le transport. Toutefois, le vendeur professionnel est responsable pour le transport à l’égard d’une acheteur consommateur.
  • Le vendeur doit transporter la marchandise à l’acheteur (Bringschuld). Le lieu d’exécution est chez l’acheteur. Le vendeur est responsable pour le transport.

Si le vendeur et l’acheteur ne déterminent pas le lieu d’exécution dans le contrat, le lieu d’exécution est chez le vendeur. Sauf accord contraire, il y a donc normalement une « Holschuld ».

Réception

L’acheteur doit réceptionner la marchandise. Cela signifie qu’il doit participer à la remise de la chose et au transfert du droit de propriété.

L’acheteur peut refuser la réception d’une chose qui n’est pas conforme. S’il la réceptionne malgré la non-conformité cela ne vaut pas acceptation du défaut.

Si l’acheteur ne réceptionne pas la marchandise, les effets sont les suivants :

  • La responsabilité du vendeur est allégée. En cas de détérioration ou perte de la marchandise, le vendeur n’est responsable qu’en cas d’acte intentionnel ou gravement négligent.
  • L’acheteur supporte les charges, par exemple de stockage de la marchandise.
  • Si la remise de la marchandise devient impossible, l’acheteur doit quand même payer en principe le prix.
  • Après avoir annoncé une intention à l’acheteur, le vendeur peut vendre la marchandise.

Inspection de la marchandise.

Entre professionnels, si l’acheteur ne remplit pas ces deux obligations, il risque de perdre ses droits au titre de la garantie légale :

  • Obligation d’examiner (Untersuchungspflicht) : l’acheteur doit examiner la marchandise sans délai à la réception.
  • Obligation d’informer le vendeur (Rügepflicht) : si l’acheteur constate un défaut, il doit en informer le vendeur sans délai.

Si l’acheteur n’informe pas le vendeur, on considère qu’il a accepté le défaut sauf s’il s’agit d’un vice caché. En pratique, l’acheteur doit alors expliquer qu’il n’a pas pu constater le défaut malgré avoir examiné la marchandise.

La vente de véhicules en Allemagne

Absence d’une réglementation spécifique

Pour l’achat d’un véhicule automobile, un contrat de vente doit être conclu comme pour tout autre bien. Il s’agit d’un contrat de vente classique soumis aux §§ 433 et suivants BGB. Il n’existe donc pas de documents spécifiquement prévus pour la vente d’un véhicule comme en France.

En droit allemand, il n’est même pas nécessaire d’établir un contrat de vente par écrit. En théorie, il serait possible de conclure oralement un contrat de vente de voiture. Il est toutefois recommandé de toujours conclure le contrat de vente par écrit à des fins de preuve.

Ce contrat conclu par écrit devrait contenir les éléments suivants :

  • Le nom et l’adresse du vendeur et de l’acheteur
  • Le véhicule vendu doit être précisément identifié : numéro d’identification (en allemand : Fahrzeugidentifikationsnummer (FIN)), constructeur / marque, modèle du véhicule, année de construction, kilométrage
  • Le prix d’achat convenu
  • Les signatures des parties.

Documents nécessaires

En outre, lors de l’achat d’un véhicule, les documents suivants doivent être fournis :

  • La partie I du certificat d’immatriculation. C’est le document que le conducteur doit toujours pouvoir présenter en cas de contrôle policier.
  • La partie II du certificat d’immatriculation du véhicule (Fahrzeugschein). En Allemagne, celui qui est en possession de ce document est présumé être autorisé à disposer de la voiture. Donc, il ne faut jamais conserver ce document dans la voiture.
  • Le carnet d’entretien et tout autre document pertinent (factures de réparation, etc.) s’il s’agit d’un véhicule d’occasion.
  • Le rapport du dernier contrôle technique (TÜV)

Il n’y a pas de certificat de cession, comme en France, et qui est un formulaire CERFA de l’Administration. Il est par contre recommandé de conclure un contrat de vente écrit. En Allemagne on compte sur l’acheteur et le vendeur pour s’organiser eux-mêmes. L’acheteur français doit donc être vigilant. S’il ne veut rien oublier sur les mentions de son contrat, l’acheteur français peut tout à fait utiliser le formulaire français du certificat de cession si le vendeur accepte.

Attention : malheureusement, les escroqueries sont fréquentes, en particulier sur le marché des voitures d’occasion. Par conséquent, nous vous recommandons de toujours demander au vendeur de vous montrer sa carte d’identité ou son passeport. De cette manière, vous pouvez vous assurer que le vendeur est bien le propriétaire légitime.

Responsabilité des parties

Pour les achats des voitures, en particulier pour les voitures d’occasion, la garantie des vices cachés est très souvent exclue. Il convient donc de toujours vérifier si cette exclusion est valable (cf. les critères mentionnés ci-dessus).

Le rôle du droit allemand dans le contrat de vente international

Le contrat de vente international joue un rôle très important dans les échanges commerciaux mondiaux et son cadre juridique est influencé par des conventions internationales, comme la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (CVIM), et par le choix de la loi applicable. 

Un contrat de vente international est conclu entre des parties situées dans différents États. Le contrat présente alors un élément d’extranéité, comme par exemple un contrat de vente conclu entre une entreprise française et une entreprise allemande. Le contrat de vente international concerne surtout les marchandises et repose sur des règles spécifiques pour garantir une harmonisation des droits et obligations. En ce qui concerne le contrat de vente international dans les États membres de l’Union européenne, le contrat est régi par le droit européen, la CVIM et les dispositions nationales.

La portée internationale du contrat de vente : Choix de la loi applicable et implications

En principe, les parties sont libres de choisir la loi applicable. Ceci prévoit le règlement Rome-I qui s’applique au sein de l’Union européenne, donc aussi en France et en Allemagne.

Le choix peut être exprès ou peut résulter des dispositions du contrat ou des circonstances de la conclusion du contrat. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. Si les parties ne choisissent pas la loi applicable, la loi applicable aux contrats de vente de biens mobiliers est la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle selon le règlement Rome-I. La résidence habituelle est soit la résidence personnelle de la personne physique, soit le siège de la personne morale.

L’incidence des conventions internationales : Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (CVIM)

Dans le cas d’un contrat de vente international, il faut toujours se demander si la CVIM s’applique. Si les deux parties contractantes proviennent d’États qui ont adhéré à la CVIM, celle-ci déroge au droit national et au droit européen. Cela signifie que la CVIM prime sur le règlement Rome-I. La France et l’Allemagne ont ratifié la CVIM. Par ailleurs, tous les pays de l’Union européenne ont ratifié la CVIM, à l’exception de Malte et du Portugal. Attention : La CVIM ne s’applique pas aux contrats conclus avec des consommateurs.

La CVIM n’est toutefois pas un droit contractuel complet et ne traite que de questions particulières du contrat de vente. Dans la mesure où la CVIM ne contient pas de règles propres, ce sont les dispositions nationales et européennes qui s’appliquent, notamment le règlement Rome-I.

La CVIM contient notamment des règles concernant les éléments suivants :

  • La conclusion du contrat
  • Les droits et les obligations des parties
  • La garantie des vices cachés
  • La responsabilité en cas de manquement au contrat
  • Le lieu d’exécution

Cependant, il y a également des domaines qui ne sont pas régis par la CVIM. Ces domaines sont par exemple la capacité de contracter, la représentation ou la prescription. Concernant la prescription, il existe une Convention sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises qui date de 1974. Cette convention n’a cependant été ratifiée ni par l’Allemagne ni par la France.

La CVIM peut-elle être exclue ?

Si la CVIM doit être exclue, cela peut se faire par le biais d’un accord d’exclusion. Celui-ci doit clairement prévoir l’exclusion de la CVIM.

Attention : La CVIM n’est pas exclue lorsque le contrat stipule « Le contrat est régi par le droit allemand. » ou « Le contrat est régi par le droit français. » Etant donné que la CVIM s’applique également en Allemagne et en France, une telle formulation n’exprime pas suffisamment clairement que la CVIM ne doit pas s’appliquer. Il est toutefois important de noter que la CVIM prévoit une responsabilité indépendante de la faute.

Toutefois, cette responsabilité doit toujours être fondée sur une « contravention substantielle » du contrat. S’il s’agit donc d’une contravention mineure, la responsabilité ne peut pas être engagée. De plus, la CVIM est largement dispositive, ce qui signifie que la plupart des dispositions peuvent être écartées.

La question qui se pose toutefois est de savoir si l’exclusion de la CVIM est vraiment utile. A bien des égards, le droit de la vente de la CVIM est plus avantageux que le droit allemand. Il est notamment avantageux que, contrairement au droit allemand, les dommages et intérêts soient limités aux dommages prévisibles. De plus, contrairement au droit allemand de la vente, il n’y a pas de recours des entrepreneurs dans les contrats de consommation (« Unternehmerregress »). Il serait donc possible, par exemple, de convenir d’une responsabilité pour faute.

En outre, un avantage pratique est que les CGV peuvent être conçues de manière largement uniforme pour les contrats transfrontaliers. Sinon, les CGV devraient toujours être adaptées au droit national.

Exemple : Une société allemande et une société française concluent un contrat portant sur la vente d’une machine. Dans ce contrat la société allemande s’est engagée à livrer la machine à la société française en France. Cependant, la machine n’est pas livrée à temps à la date d’échéance, ce qui a pour conséquence que la société française ne peut pas livrer la machine à temps à ses clients.  Le contrat prévoit que celui-ci doit être régi par le droit allemand. Quel est le droit applicable au contrat ?

En l’espèce, la CVIM et, à titre subsidiaire, le droit allemand s’applique. Le droit allemand s’applique puisque les parties peuvent librement choisir la loi applicable selon le règlement Rome-I. La CVIM s’applique parce que son application n’a pas été exclue. Comme nous l’avons vu, la stipulation « le droit allemand s’applique » ne suffit pas pour exclure la CVIM. Si la société française souhaite engager la responsabilité de la société allemande en demandant des dommages et intérêts, la CVIM s’applique. Si la société allemande invoque la prescription de cette demande, cette question est régie par le droit allemand. 

Le lien avec les conditions générales de vente (CGV)

Les conditions générales de vente (CGV) (en allemand : « Allgemeine Geschäftsbedingungen « ; an abrégé : « AGB ») constituent un outil essentiel dans la structuration des relations contractuelles. Leur rôle dépasse une simple formalité, étant donné qu’elles précisent les termes et conditions fondamentaux du contrat, réduisant ainsi les incertitudes juridiques.

L’importance des CGV en droit allemand : Validité et inclusion dans le contrat

En droit allemand, les CGV occupent une place primordiale dans les contrats de vente. Elles sont soumises à un cadre strict, défini par le BGB. Pour qu’elles soient valides et opposables, les CGV doivent être :

  1. Explicites et clairement incluses dans le contrat : Le cocontractant doit en avoir connaissance ou, à tout le moins, être en mesure d’y accéder aisément avant la conclusion du contrat.
  2. Acceptées par les deux parties : L’adhésion aux CGV doit être exprimée clairement ou implicitement lors de la formation du contrat.
  3. Conformes aux règles de transparence : Les clauses abusives ou ambiguës sont interdites. Toute disposition qui déséquilibre de manière significative les droits et obligations des parties peut être considérée comme nulle. Toutefois, le contrôle de validité par le juge est limité lorsque les deux parties sont des professionnels.

Voici quelques exemples de clauses invalables dans le contrat de vente allemand :

  • la limitation du droit de la garantie des vices cachés à l’exécution ultérieure
  • l’exclusion universelle du droit de la garantie des vices cachés, même en cas de dol
  • la subordination de l’exécution ultérieur à un paiement supplémentaire 
  • le droit à l’adaptation ultérieure du prix

La validité d’une clause de CGV doit toujours être appréciée au cas par cas. Si une clause n’est pas valable, en partie ou en entier, le reste du contrat reste valable.

Comparaison avec la pratique française

En France, les CGV sont également indispensables, mais leur traitement diffère quelque peu du modèle allemand.

La loi française impose la communication préalable des CGV. Contrairement au droit allemand, une tolérance relative existe en ce qui concerne la preuve de leur acceptation. Une simple mention dans une facture ou un bon de commande peut suffire, bien que cela soit sujet à contestation en cas de litige. Le droit allemand est plus stricte à cet égard. Par exemple, les CGV imprimées au verso d’un formulaire de contrat ne deviennent partie intégrante du contrat que si une mention correspondante et clairement visible est faite au recto.

Un autre point de divergence réside dans la notion de « surprise » des clauses. En Allemagne, une clause inhabituelle ou défavorable dans les CGV peut être automatiquement invalidée. En France, il faut que ces clauses ne soient pas seulement surprenantes, mais créent aussi un déséquilibre (cf. article 1171 du Code civil portant sur les contrats d’adhésion). Cette différence rend les CGV allemandes plus rigoureuses dans leur formulation.

Conclusion

Le contrat de vente allemand se distingue par sa clarté et son cadre juridique rigoureux, tout en laissant une grande flexibilité aux parties pour négocier leurs clauses. Que ce soit pour la vente de marchandises, de véhicules ou d’autres biens, il est essentiel de connaître les spécificités du droit allemand, comme par exemple l’importance de la réception et de l’inspection des marchandises.

Pour les Français, les différences avec le droit français peuvent parfois être sources de confusion. Mais avec une bonne préparation et une compréhension des concepts clés comme les garanties légales, la gestion des conditions générales de vente (AGB), ou encore les mécanismes d’exécution des contrats, il est possible d’éviter des litiges coûteux et de sécuriser ses transactions.

Si vous êtes confronté à des questions liées à un contrat de vente en Allemagne ou si vous souhaitez anticiper les risques, n’hésitez pas à consulter un expert en droit franco-allemand. Une analyse juridique précise et adaptée à votre situation vous permettra de conclure vos affaires en toute sérénité, que vous soyez vendeur ou acheteur.

Besoin d’accompagnement ? Contactez notre cabinet spécialisé pour bénéficier de conseils sur mesure et faire valoir vos droits dans vos transactions transfrontalières.

Françoise Berton, avocat en droit allemand. Tous droits de propriété intellectuelle réservés

FAQ

Comment sortir d’un contrat de vente en Allemagne ?

Pour sortir d’un contrat de vente en Allemagne, il faut vérifier les conditions de résiliation prévues dans le contrat ou invoquer un droit de rétractation si applicable. Certaines règles spécifiques, comme les vices cachés ou le non-respect des obligations contractuelles, peuvent aussi permettre une résiliation.

Quelles sont les garanties pour l’acheteur dans un contrat de vente allemand ?

L’acheteur bénéficie de garanties légales, notamment la garantie contre les vices cachés et la conformité du bien acheté. Il peut y avoir une garantie contractuelle plus large. La durée de la garantie est généralement de deux ans, sauf exceptions prévues dans le contrat.

Comment remplir un certificat de cession allemand ?

Il n’y a pas en Allemagne de formulaire de cession d’un véhicule. Il est conseillé d’indiquer dans un contrat de vente écrit les informations du vendeur et de l’acheteur, la description du véhicule et la date de vente. Le document doit être signé par les deux parties. Le certificat d’immatriculation (partie I et II) et un numéro PIN de l’assureur du véhicule permettent à l’acheteur d’immatriculer le véhicule à son nom.

Comment vendre une voiture en Allemagne ?

Pour vendre une voiture en Allemagne, il faut préparer les documents nécessaires comme la carte grise, le certificat TÜV et un contrat de vente écrit. Ensuite, il convient de demander à l’assureur un numéro PIN et de demander un nouveau certificat d’immatriculation à la Kfz-Zulassungsstelle pour officialiser le changement de propriétaire.

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