Le sort du crédit-bail en cas de résiliation de la vente
25.05.18Important revirement de jurisprudence
La Chambre mixte de la Cour de cassation a opéré dans une décision du 13 avril 2018 un important revirement de jurisprudence sur le sort réservé au contrat de crédit-bail qui finance l’achat d’un bien pour professionnel, lorsque le contrat de vente est résolu ensuite. Cette décision est favorable aux entreprises souhaitant se financer et de ce fait, défavorable aux banques. Certes, l’acheteur pouvait, selon la jurisprudence antérieure, se libérer du contrat de crédit-bail mais les conséquences étaient moins favorables.
Résolution d’une vente de camion et conséquence sur le crédit-bail
Les faits soumis aux juges sont les suivants : la société Aptibois a commandé un camion équipé d’un plateau et d’une grue à la société LPL 77. Le bon de commande prévoyait que la charge utile restante du véhicule devait être de 850 kg au minimum. Pour financer cet achat, la société Aptibois a conclu peu de temps après la conclusion du contrat de vente avec sa banque un contrat de crédit-bail mobilier.
Le camion a été délivré quelques semaines plus tard par le vendeur avec une carte grise et un procès-verbal de contrôle de conformité initial faisant apparaître une charge utile conforme à la commande et à la plaque administrative.
Cependant, suite à un contrôle de police, le camion a de nouveau été pesé à vide. Il est alors apparu que le poids du véhicule était supérieur à celui indiqué sur le certificat d’immatriculation et que la charge disponible était inférieure à celle contractuellement prévue. Le vendeur a logiquement été contraint de mettre fin au contrat de vente et simultanément au contrat de crédit-bail, dont la raison d’être avait disparu.
Les juges du fond ont fait droit à ces demandes en prononçant la résolution de la vente (et de ce fait la restitution du prix et du camion) et la caducité du contrat de crédit-bail, avec pour conséquence la restitution de l’intégralité des loyers de crédit-bail.
Sort des loyers de crédit-bail
Le vendeur et la banque ont contesté cette analyse devant la Cour de cassation. Ils étaient convaincus de gagner au moins sur l’aspect de la restitution des loyers de crédit-bail. En effet, jusqu’alors, les juges suprêmes avaient toujours décidé en cas de résolution de la vente que le contrat de crédit-bail était seulement résilié pour l’avenir. De ce fait, les loyers de crédit-bail payés par l’acheteur jusqu’à la résolution de la vente n’étaient pas remboursés par l’établissement de crédit. Cette situation était injuste pour l’acheteur, qui subissait une charge financière alors que la sortie de la vente ne lui était pas imputable.
La Cour de cassation a modifié son raisonnement juridique : après avoir confirmé que la vente était bien résolue, elle estime en ce qui concerne le contrat de crédit-bail que l’un de ses éléments essentiels a disparu, à savoir la vente du camion. C’est la notion de caducité qui est utilisée dans la décision de justice. Il est intéressant de noter que les juges ont très certainement été inspirés par la réforme du droit civil de 2016. En effet, la caducité a été introduite dans les textes législatifs (article 1186 du code civil) à l’occasion de cette réforme. Elle permet de tenir compte plus efficacement de l’interdépendance du contrat de vente et du contrat de crédit-bail qu’auparavant. Jusqu’alors, seul le consommateur pouvait se prévaloir de manière satisfaisante de l’interdépendance d’un contrat de vente et de prêt grâce aux dispositions protectrices du Code de la consommation. Désormais, les entreprises peuvent s’appuyer sur cette décision innovante en cas de souci lié au contrat de vente financé par un crédit-bail.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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