Les négociations commerciales 2022 à la lumière de la loi EGALIM 2

23.02.22  
Négociations avec la Loi Egalim 2
Les négociations commerciales 2022 à la lumière de la loi EGALIM 2
Négociations avec la Loi Egalim 2

Petite révolution dans le monde de l’agroalimentaire, la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite « loi EGALIM 2 », a profondément impacté les négociations commerciales 2022 en instaurant de nombreuses nouvelles obligations, pour certaines d’application immédiate. Dans ce contexte, il a parfois été difficile pour les entreprises de s’adapter dans les temps. Voici donc un rappel de ce qu’un acheteur professionnel de denrées alimentaires et agricole doit savoir.

Objectif de la loi EGALIM 2 pour les produits agricoles et alimentaires

Comme son nom l’indique, la loi EGALIM 2 fait suite à la première loi EGALIM, du 30 octobre 2018. Cette première loi avait pour objectif d’équilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, avec en ligne de mire la protection de la rémunération des agriculteurs. Jugée insuffisante par de nombreux observateurs, elle a été refondue et largement complétée par la loi EGALIM 2 qui ambitionne, selon le ministre de l’agriculture, de permettre à l’agriculture « de redevenir ce qu’elle devrait toujours être : un métier d’avenir où la création de valeur pour nos agriculteurs est centrale. ».

Longue de 17 articles, la loi EGALIM 2 impacte l’ensemble de la chaine économique, aussi bien la relation « amont » entre le producteur agricole et son acheteur que la relation « aval » entre un fournisseur et un distributeur.

Impact de la loi EGALIM 2 sur la relation « amont » (producteur – premier acheteur)

Contractualisation pluriannuelle obligatoire entre le producteur et son premier acheteur

L’article L631-24 du code rural et de la pêche maritime prévoit désormais que « tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu sous forme écrite (…) ». La durée du contrat ou de l’accord-cadre ne peut être inférieure à trois ans et peut être augmentée jusqu’à cinq ans par extension d’un accord interprofessionnel ou par décret en Conseil d’Etat. Selon les mots du gouvernement, « il s’agit d’inverser la tendance actuelle, de tels contrats étant jusqu’ici réservés à un nombre restreint de filières. »

Présence obligatoire d’une clause de révision automatique des prix

Le contrat ou l’accord cadre conclu entre le producteur et son premier acheteur doit obligatoirement prévoir une clause de révision automatique des prix selon une formule librement déterminée par les parties, mais avec l’obligation de prendre en compte les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture. Ces indicateurs sont publiés par les organisations interprofessionnelles. Le but est de permettre aux agriculteurs de répercuter d’éventuelles hausses des coûts de production et/ou de la matière première.

La proposition du producteur devient le socle de la négociation commerciale

Le nouvel article L631-34 du code rural et de la pêche maritime prévoit que la proposition formulée par le producteur constitue le socle de la négociation entre les parties. Il s’agit d’empêcher tant bien que mal qu’un acheteur tente d’imposer telle ou telle condition avant même le début de la négociation.

Interdiction des clauses d’alignement des prix sur la concurrence

La loi EGALIM 2 interdit le réflexe consistant à s’aligner sur les prix pratiqués par la concurrence lorsqu’ils sont plus bas. En d’autres termes, le contrat ou accord cadre ne peut contenir de clause qui aurait pour effet de rendre automatique une renégociation ou une modification automatique des prix en raison de prix plus bas pratiqués par la concurrence.

Expérimentation d’une « clause de tunnel de prix » dans la filière bovine

Non-codifié, l’article 2 de la loi EGALIM 2 prévoit la possibilité, pour les parties, de stipuler une clause dite de « tunnel de prix ». Autrement dit, le producteur et son premier acheteur peuvent convenir de bornes minimales et maximales à l’intérieur desquelles pourra varier le prix convenu. Ce mécanisme permet donc au producteur de connaitre, à l’avance, le prix minimal qui est susceptible d’être appliqué pour l’achat de ses produits.

Ce dispositif étant expérimental, les conditions de son expérimentation, pour une durée maximale de 5 ans, sont définis par décret. Un décret du 29 octobre 2021 a notamment d’ores et déjà prévu que la clause de tunnel de prix s’appliquerait à la filière bovine.

Entrée en vigueur et application dans le temps

L’article 1er de la loi EGALIM 2, sur la relation « amont » entrera en vigueur à une date fixée par décret pour chaque filière et au plus tard le 1er janvier 2023. Les accords-cadres et contrats alors en cours devront être mis en conformité avec le nouvel article L631-24 du code rural et de la pêche maritime au plus tard 1 an après la date d’entrée en vigueur.

Impact de la loi EGALIM 2 sur la relation « aval » (fournisseur – distributeur)

Instauration d’un principe de transparence dans les CGV du fournisseur

L’une des grandes innovations de la loi EGALIM 2 est d’instaurer un principe de transparence dans les conditions générales de vente (CGV) du fournisseur, s’agissant de la part de matière première agricole (MPA) ou de produits transformés comportant plus de 50% de matières premières agricoles dans le propre produit alimentaire du fournisseur. Les fournisseurs sont en effet obligés d’indiquer dans leurs CGV le pourcentage en volume et le pourcentage du tarif que représentent, dans son produit alimentaires, les MPA ou les produits transformés composés de plus de 50% de MPA.

Exemple : Le produit alimentaire d’un fournisseur comprendre 30% de MPA pour 10% du tarif final et 15% de produits transformés composés de plus de 50% de MPA pour 25% du tarif final. à Ces chiffres doivent théoriquement être mentionnés dans les CGV.

Cependant, la loi EGALIM 2 laisse le choix entre trois options de transparence pour le fournisseur :

  • La transparence totale, consistant à indiquer, pour chacune des matières premières agricoles et pour chacun des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans la composition du produit alimentaire, leur part dans la composition du produit sous la forme d’un pourcentage en volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur ;
  • La transparence via les matières premières agrégées, consistant à indiquer la part agrégée des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matière première agricole qui entrent dans la composition du produit alimentaire, sous la forme d’un pourcentage en volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur ;
  • La transparence via un tiers indépendant, qui, sous réserve que les CGV fassent état d’une évolution tarif fournisseur, sera chargé de certifier au terme de la négociation que celle-ci n’a pas porté sur la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés (nouvelle obligation du code de commerce, voir plus bas).

Il existe certaines exceptions à cette obligation de transparence.

L’obligation de transparence est applicable aux CGV communiquées depuis le 1er novembre 2021. Les CGV communiquées avant le 1er novembre 2021 peuvent ne pas respecter cette obligation de transparence, à condition que les conventions aient été conclues avant le 31 décembre 2021 !

Instauration d’une date butoir pour l’envoi des CGV et la conclusion de la convention écrite entre fournisseur et distributeur

Les CGV devront être envoyées avant le 1er décembre de chaque année et la convention écrite entre le fournisseur et le distributeur, résultant des négociations commerciales, devra être conclue avant le 1er mars de l’année suivante.

Clause de révision automatique des prix obligatoire

Là aussi, la convention écrite entre le fournisseur et le distributeur doit contenir une clause de révision automatique des prix permettant de prendre notamment en compte les fluctuations des prix des MPA, à la hausse comme à la baisse. Ne pas prévoir une telle clause est puni d’une amende maximale de 375 000 euros pour une personne morale.

Interdiction de négocier le prix des MPA ou des produits composés de plus de 50% de MPA

Il est expressément interdit que la négociation commerciale porte sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des matières premières agricoles et des produits composés de plus de 50% de MPA. Cela permet de « sanctuariser » ce prix, au profit du producteur agricole.

Interdiction de la discrimination entre partenaires commerciaux

L’article L.442-1, I, 4 du code de commerce interdit expressément le comportement consistant à tenter d’obtenir d’un partenaire commercial des avantages discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles, en créant pour ce partenaire un avantage ou un désavantage concurrentiel vis-à-vis d’un autre partenaire commercial placé dans la même situation.

Autres mécanismes prévus par la loi EGALIM 2

Sans les détailler davantage, la loi EGALIM prévoit également de nouveaux mécanismes dans la relation fournisseur-distributeur, tels que la rémunération « ligne à ligne », l’extension de la clause de renégociation à l’ensemble des matières premières ou encore le renforcement de l’encadrement des pénalités logistiques.

Entrée en vigueur

Hormis l’obligation de transparence entrée en vigueur dès le 1er novembre 2021, les nouvelles obligations relatives à la relation fournisseur-distributeur sont applicables depuis le 1er janvier 2022.

Nos réponses à vos questions

Qui est concerné par la loi EGalim 2 ?

L’ensemble des acteurs des chaines alimentaire et agro-alimentaire (producteur agricole, premier acheteur, fournisseur, distributeur…etc.) sont concernés par la loi EGalim 2. La loi EGalim 2 crée des obligations différentes selon que l’on soit au stade de la relation « amont » (producteur agricole et premier acheteur) ou de la relation « aval » (fournisseur et distributeur). La loi EGalim 2 est, sauf rares exceptions, applicable aux négociations commerciales 2022.

Quels produits entrent dans la loi EGalim 2 ?

La loi EGalim 2 s’applique aux produits alimentaires mais aussi aux produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie. Notamment, dans le cadre de l’obligation de transparence prévue par le nouvel article L441-1-1 du code de commerce, un fournisseur doit indiquer dans ses CGV la part des matières premières agricoles, et de produits transformés composé de plus de 50% de matières premières agricoles, dans la composition de ses produits alimentaires et de ses produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie.

Pourquoi EGalim 2 ?

La loi EGalim 2 fait suite à la première loi EGalim du 30 octobre 2018 qui avait pour objectif d’équilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire afin de protéger la rémunération des agriculteurs. Cette première loi était toutefois critiquée car pour de nombreux observateurs, les mécanismes créés pouvaient être trop facilement contournés. La loi EGalim 2 vient donc refondre et largement compléter la première loi afin de permettre une protection accrue de la rémunération des agriculteurs.

Qui a créé la loi EGalim ?

La première loi EGalim a été adopté lors du même quinquennat qu’actuellement, à la suite des Etats généraux de l’alimentation. Il s’agissait d’un projet de loi porté par le gouvernement. La loi EGalim 2 est issue d’une proposition de loi cette fois, mais portée par un député de la majorité présidentielle, Grégory Besson-Moreau.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

Tous droits de propriété intellectuelle réservés

Photo: Alicja Neumiler

2 réponses à « Les négociations commerciales 2022 à la lumière de la loi EGALIM 2 »

  • bonjour, est-ce à dire que même si je suis une start up qui démarre, mais que je me rends à un premier rdv dans une enseigne de la grande distribution, je dois en plus du tarif prévoir des CGV, des CCV et des CPV , ainsi que de mentionner sur mon tarif pour chacun de mes produits le % de MPA, surtout si c’est 100% des ingrédients des différents produits (sans ajout de sucre, conservateurs ou autre) : que le produit soit transformé sous quelle que forme que ce soit ?
    Vous en remerciant par avance

    • La loi EGALIM 2 instaure un principe de transparence dans les CGV du fournisseur avec trois options possibles :

      – Soit l’option de la transparence totale, en indiquant, pour chacune des matières premières agricoles et pour chacun des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans la composition du produit alimentaire, leur part dans la composition du produit sous la forme d’un pourcentage en volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur ;

      – Soit la possibilité, via les matières premières agrégées, d’indiquer la part agrégée des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans la composition du produit alimentaire, sous la forme d’un pourcentage en volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur ;

      – Enfin, la possibilité de mandater un tiers indépendant, qui, sous réserve que les CGV fassent état d’une évolution tarif fournisseur, sera chargé de certifier au terme de la négociation que celle-ci n’a pas porté sur la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés.

      On a donc le choix entre ces trois alternatives en ce qui concerne les informations obligatoires sur la composition en MPA de vos produits, que ceux-ci soient transformés ou non.

      Certains produits sont exclus de cette obligation de transparence.

      Néanmoins, cette indication reste très générale et peut s’avérer fausse, si les faits concrets sont plus complexes que ce qui est exposé dans votre question. Notre réponse n’a pas valeur de consultation mais éclaire simplement notre article.

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