Rupture brutale des relations commerciales et préjudice d’un tiers
18.01.12En droit français, celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, engage sa responsabilité et doit réparer le préjudice causé. Ce principe est prévu par l’article L442-6 du Code de Commerce français.
Rupture brutale d’un contrat entre sociétés françaises sanctionnée par les juges
La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a rendu un arrêt important le 6 septembre 2011 (n°10-11975) sur l’étendue de la réparation du préjudice causé à un tiers à la relation contractuelle par la rupture brutale d’une relation commerciale.
Dans cette affaire, une société française de production avait confié à une société d’import-export la distribution de ses produits en Thaïlande. La société d’import-export distribuait les produits par le biais de sa filiale thaïlandaise. Cependant en raison de la baisse des ventes, la société française de production a mis fin à relation commerciale la liant à la société française d’import-export avec un préavis de trois mois.
Considérant cette rupture comme brutale, la société d’import-export française ainsi que sa filiale thaïlandaise ont assigné pour rupture abusive le producteur. En appel, le producteur a été condamné à réparer le préjudice subi par les deux sociétés.
Le producteur s’est pourvu en cassation en faisant notamment valoir que l’article L442-6 du Code de Commerce ne permettait d’indemniser que le préjudice né du dommage directement subi par la victime de la rupture et non celui d’une victime par ricochet. Dans cette affaire, la filiale thaïlandaise était une victime par ricochet de la rupture de la relation commerciale entre le producteur et la société d’import-export française. Le producteur estimait qu’il n’avait pas à l’indemniser d’un quelconque préjudice la société thaïlandaise. Cependant, la condamnation prononcée par la Cour d’appel a été confirmée par la Cour de Cassation.
La Cour de Cassation a ainsi admis qu’un tiers puisse invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit français, la rupture brutale d’une relation commerciale dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice.
Une décision judiciaire inédite sur la protection du partenaire commercial
Il s’agit d’un revirement de la jurisprudence française en la matière. En effet, dans un arrêt du 3 novembre 2004 (Cass. Com. 3 novembre 2004, n°02-17078), la Cour de Cassation avait décidé qu’un distributeur ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L442-6 du Code de Commerce à l’encontre d’un fournisseur avec lequel il n’avait pas de relation commerciale directe.
L’arrêt de la Chambre commerciale du 6 septembre 2011 fait néanmoins écho à un arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation en date du 6 octobre 2006 qui avait admis que «le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage».
Cette nouvelle jurisprudence en droit français des affaires pourrait ainsi maintenant notamment permettre à un distributeur d’obtenir réparation auprès du producteur en raison d’une rupture brutale de la relation commerciale avec un importateur ou intermédiaire. Cette jurisprudence a un impact à ne pas négliger dans les relations franco-allemandes.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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