Le dirigeant de SARL qui ne souscrit pas l’assurance décennale obligatoire commet une faute personnelle
30.08.16Faute du gérant : absence de souscription d’une garantie décennale obligatoire
Par un arrêt en date du 10 mars 2016, la Cour de Cassation confirme qu’un dirigeant de société a commis une « faute intentionnelle, constitutive d’une infraction pénale » en raison de l’absence de souscription par sa société d’une assurance de garantie décennale obligatoire et que par conséquent celui-ci avait « commis une faute séparable de ses fonctions sociales et engagé sa responsabilité personnelle ».
A l’origine de cette décision, une société civile immobilière avait commandé la construction de cinq chalets à une autre société constituée sous la forme d’une SARL. Suite à la réalisation de ces travaux, la SCI a fait valoir un certain nombre de désordres justifiant la mise en cause de la garantie décennale. C’est alors qu’il a été révélé que la société qui avait exécuté les travaux n’avait pas souscrit d’assurance décennale. Or le défaut de souscription d’une telle assurance – pourtant obligatoire – est, conformément à l’article L. 243-3 du Code des assurances, assortie d’une peine d’emprisonnement et/ou d’une amende sévère.
Faute personnelle du gérant pour défaut de souscription de l’assurance : confirmation de jurisprudence
La Cour de Cassation condamne le dirigeant à la réparation du préjudice subi par la SCI sur son patrimoine personnel au motif que celui-ci en ne souscrivant pas l’assurance décennale, a commis une faute intentionnelle constitutive d’une infraction pénale et par conséquent une « faute détachable » de ses fonctions de dirigeant.
La Cour de Cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer le 18 mai 2010 sur le défaut de souscription d’une telle assurance et considéré comme personnellement responsable, le gérant de SARL ayant accepté que la société exécute des travaux qui n’entraient pas dans l’objet social et qui n’étaient pas couverts par une assurance de responsabilité décennale.
Fondement juridique de la faute séparable des fonctions du dirigeant entrainant la responsabilité civile du dirigeant
Vis-à-vis des tiers c’est la société que le dirigeant représente qui est engagée. Par conséquent, la société reste au premier plan, le dirigeant n’ayant agi que dans le cadre de son mandat de gestion. En cas de faute particulièrement grave, le dirigeant peut néanmoins voir sa responsabilité personnelle directement engagée. La jurisprudence estime alors que la faute commise est « détachable de ses fonctions » de direction de la société.
Depuis un arrêt du 20 mai 2003 la Cour de Cassation a donné la définition de la faute détachable des fonctions sociales. Celle-ci précise en effet « qu’il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions ».
En outre, selon un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 20 mai 2003, la faute pénale commise intentionnellement est constitutive d’une faute détachable des fonctions de dirigeant et entraine par conséquent la responsabilité civile personnelle du dirigeant vis-à-vis du tiers qui a subi le dommage.
On constate à la lecture de ce nouvel arrêt que la volonté de la Cour de Cassation est de maintenir une définition stricte de la faute détachable. Cette conception permet d’éviter que de potentiels dirigeants se détournent de leur vocation en raison des risques.
Il est toutefois permis de s’interroger sur la délimitation précise de cette responsabilité personnelle des dirigeants. En effet, les termes employés par la Cour de Cassation dans son arrêt fondateur de 2003 pouvaient permettre de penser qu’il pourrait exister d’autres hypothèses dans lesquelles la responsabilité personnelle du dirigeant pouvait être retenue.
Cette interprétation pourrait être confirmée par l’arrêt de la Cour de Cassation du 10 novembre 2015 sur la faute détachable du gérant. Celui-ci n’a cependant pas été publié. On peut donc s’interroger sur les intentions de la Cour de Cassation sur ce point.
On peut toutefois à ce stade affirmer que la jurisprudence de la Cour de Cassation permet d’établir de façon claire que le dirigeant qui commet intentionnellement dans l’exercice de ses fonctions une infraction pénale, verra nécessairement engager sa responsabilité civile personnelle vis-à-vis des victimes.
Les dirigeants de sociétés françaises doivent donc rester particulièrement vigilants sur l’application de la réglementation en France, notamment lorsqu’elle a des implications pénales, pour éviter de voir un jour leur responsabilité personnelle engagée. C’est d’autant plus important que cette responsabilité ne peut généralement pas être assurée.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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