Garantie de passif pour des dettes reprises
13.12.22L’achat d’une entreprise en France est un processus complexe et semé d’embuches. Pour se prémunir contre les risques les juridiques et comptables les plus importants, l’acheteur se fait en général octroyer par son vendeur une garantie de passif et/ou d’actif qui vise à protéger l’acquéreur contre tout risque financier ou juridique non visible qui trouverait son origine dans un actif diminué ou un passif non déclaré par rapport au passif et à l’actif déclarés au jour de la vente. C’est en général en ce sens que sont rédigées les clauses de ces garanties. Mais lorsqu’un passif est découvert par l’acheteur, celui-ci doit concrètement prouver que ce passif est antérieur à la date de cession de l’entreprise. Dans une décision du 21 septembre 2022, la Cour de cassation montre avec un exemple très parlant comment distinguer les différents passifs liés à un évènement découvert par l’acheteur des années plus tard pour déterminer ce qui entre ou non de la garantie de passif.
Mise en œuvre de la garantie de passif
Une société est vendue en 2014 avec signature d’une convention de garantie de passif.
Cette société faisait régulièrement appel à des salariés mis à disposition auprès d’une entreprise de travail temporaire. Plusieurs années après la cession, la société a été condamnée au paiement d’indemnités liées à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée et à la rupture de contrats de mission d’un salarié de l’entreprise de travail temporaire mis à la disposition de la société entre juillet 2009 et août 2014.
L’acquéreur de la société demande alors au vendeur la mise en œuvre de la garantie de passif consentie. Il estime en effet que la condamnation prononcée par le conseil des prud’hommes a son origine dans les premiers contrats de mise à disposition conclus par la société lorsque le vendeur en était encore associé unique.
Seules les indemnités ayant une origine antérieure à la cession sont couvertes par la garantie de passif
La Cour de cassation estime que le vendeur n’a pas à supporter la totalité des indemnités au paiement desquelles la société a été condamnée (Cass. com. 21/09/-2022 n°20-18.965 F-B, Sté Financial Holding c/ Sté Gama Invest). Elle distingue en effet entre les indemnités :
- qui trouvent leur origine dans le premier contrat de mise à disposition conclu avant la cession de l’entreprise et
- qui trouvent leur origine dans la reconduction des contrats de mise à disposition et la rupture assimilable à un licenciement postérieures à la cession.
C’est pour cette raison que seules les indemnités de requalification en contrat de travail à durée indéterminée à la relation de mise à disposition et les frais irrépétibles de l’instance prud’homale sont à supporter par le vendeur au titre de la garantie de passif.
Les indemnités ayant une origine postérieure à la cession des actions sont donc à la charge de l’acquéreur
Pour ce qui est des autres indemnités, en l’espèce indemnités de licenciement, indemnité de préavis et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, leur paiement incombe à l’acquéreur. Ces indemnités trouvent en effet leur origine dans la reconduction de la relation de travail et dans la rupture assimilable à un licenciement qui sont postérieurs à la cession des actions.
En conclusion : La mise à disposition d’un salarié dans la société avant son rachat n’était pas légalement conforme mais l’acheteur l’a poursuivie pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente. L’acheteur s’est donc lui-même mis en défaut a dû assumer ses propres erreurs.
Donc, ce n’est pas parce que l’ancien propriétaire d’une société vendue avait pris un risque, couvert par la garantie de passif, que l’acheteur peut compter sur cette garantie de passif pour tous les évènements postérieurs.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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