Obligation de non-concurrence dans un pacte d’associés

14.11.16  
Violation de clause de non-concurrence par un associé de vente d'articles de fete
Obligation de non-concurrence dans un pacte d’associés
Violation de clause de non-concurrence par un associé de vente d'articles de fete

Clause de non concurrence insérée dans un pacte d’associés en droit des sociétés

Dans un arrêt récent du 20 septembre 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence relative aux conditions de validité de la clause de non-concurrence prévue dans un pacte d’associés.

Un groupe de sociétés spécialisé dans la vente d’article de fête reprochait à ses associés majoritaires et simultanément membres de la direction de s’être rendus coupables d’actes de concurrence déloyale par le biais de sociétés interposées, et de ce fait d’avoir violé la clause de non-concurrence insérée dans le pacte d’associés conclu entre les associés du holding du groupe.

En effet, le pacte d’associés conclu le 29 juin 2007 entre les associés met à la charge des associés majoritaires deux obligations de non-concurrence :

  • d’une part, « à ne pas, directement ou indirectement, notamment par personne interposée ou au travers d’une société ou autre entité, prendre une participation au capital d’une société qui exercerait une activité concurrente de celle de la société » ;
  • d’autre part, « à ne pas, sur le territoire de la France, pendant quatre ans à compter de la signature des présentes, louer leurs services en tant que salarié ou exercer des fonctions de gérance, de direction, d’administration, de surveillance ou d’animation, dans une entreprise concurrente à la société, sauf avec l’accord préalable écrit des investisseurs ».

Action en justice du groupe de société en violation de la clause de non-concurrence

Le groupe de sociétés, s’estimant victime d’actes de concurrence déloyale, a assigné les associés majoritaires en réparation du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence, et en interdiction d’exercice d’une activité concurrente. Après avoir vu ses demandes rejetées par le Tribunal de Commerce puis la Cour d’appel, le groupe de sociétés, estimant que la clause de non-concurrence était pleinement valable, et de ce fait opposable aux associés majoritaires, a porté ses demandes jusque devant la Cour de Cassation.

Les conditions de validité de la clause de non-concurrence entre associés en droit des sociétés

Dans cet arrêt d’espèce du 20 septembre 2016, la Cour de cassation réaffirme sa jurisprudence, puisqu’elle rappelle les conditions de validité d’une clause de non-concurrence. Le régime des clauses de non-concurrence est en effet principalement d’origine jurisprudentielle et s’appuie très peu sur des textes.

Les clauses de non-concurrence sont considérées comme une atteinte portée à la liberté d’entreprendre et à son corolaire, le principe de la libre concurrence, ce qui justifie un encadrement strict de leur régime en jurisprudence. La Cour de cassation a posé des conditions de validité cumulatives, qui s’analysent en autant de limites apportées à l’obligation de non-concurrence:

  • Concernant l’objet de la clause de non-concurrence, l’activité interdite doit être précisément définie, la clause de non-concurrence ne doit pas avoir pour effet de supprimer toute possibilité pour le débiteur d’exercer normalement son activité professionnelle, et elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes du créancier, c’est-à-dire à la poursuite de son activité et à la protection de sa clientèle ;
  • Concernant l’étendue de la clause de non-concurrence, celle-ci doit être limitée dans le temps et/ou dans l’espace. Ces limitations, temporelle et géographique, sont alternatives.

En pratique, les deux limitations sont souvent prévues pour définir précisément les contours de l’obligation de non-concurrence et ainsi renforcer l’efficacité de la clause de non-concurrence.

Appréciation concrète du contenu de la clause de non-concurrence par les juges

Dans le litige qui opposait les associés majoritaires au groupe de société, la Cour de cassation a contrôlé que les deux obligations de non-concurrence prévues dans la clause de non-concurrence du pacte d’associés remplissaient effectivement les conditions de validité rappelées ci-dessus.

La première obligation de non-concurrence prévue dans le pacte d’associés interdisait de « prendre une participation au capital d’une société qui exercerait une activité concurrente ». La Cour de cassation constate que cette interdiction n’est limitée ni dans le temps, ni dans l’espace. Elle juge que cette condition de validité n’est pas respectée, puisque la limitation fait défaut et que par conséquent, l’obligation de non-concurrence n’est pas valable.

La seconde obligation de non-concurrence à laquelle s’étaient engagés les associés majoritaires interdisait « sur le territoire de la France, pendant quatre ans à compter de la signature des présentes, d’exercer des fonctions dans une entreprise concurrente ».

La Cour de cassation constate que cette interdiction est limitée dans le temps et dans l’espace. Cependant, elle estime que le champ territorial étendu à la France entière était dans le cas concret de ce groupe de sociétés excessif, puisque ses fonds de commerce étaient implantés dans le nord de la France uniquement, n’avaient pas d’activité de vente sur Internet et ne s’adressaient donc qu’à une clientèle de proximité. Elle conclut son raisonnement en jugeant que cette obligation de non-concurrence était manifestement disproportionnée par rapport aux intérêts du groupe de sociétés qui avait assigné en justice. En contrôlant la validité de ces deux obligations de non-concurrence, la Cour de cassation réaffirme sa jurisprudence, et se livre à une application stricte de celle-ci. Elle reprend le raisonnement de la Cour d’appel de Paris, et valide sa solution.

Application du principe de proportionnalité à la clause de non-concurrence à la charge des associés

Clause de non-concurrence sur toute la FranceLa Cour de cassation fait également application d’un principe d’origine jurisprudentielle, le principe de proportionnalité, selon lequel l’interdiction de concurrence doit être proportionnée par rapport aux intérêts légitime à protéger. Elle juge que la limitation géographique, qui correspondait à l’ensemble du territoire de la France, est excessive et disproportionnée. En effet, les fonds de commerce du groupe de sociétés sont implantés uniquement dans le Nord, tandis que la société concurrente, dans laquelle certains associés étaient suspectés avoir des intérêts, exerce une activité uniquement dans les Bouches du Rhône.

Par conséquent, la Cour de cassation vérifie à la fois la condition de validité selon laquelle l’obligation de non-concurrence doit être limitée dans le temps et/ou l’espace, et la condition de validité selon laquelle l’obligation de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes (de l’activité et de la clientèle) du créancier. Il s’avère donc primordial de porter une attention particulière à la rédaction d’une clause de non-concurrence à la charge des associés, et de s’assurer que celle-ci respecte les conditions de validité posées par la Cour de cassation. Sinon, une clause de non-concurrence dont la société pense pouvoir se prévaloir contre des associés indélicats risque de s’avérer totalement inefficace et faire ainsi perdre à la société toute protection contre des agissements déloyaux.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photos: abasler, Zerophoto

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