Poursuite de l’associé et dettes de la société de personnes
26.01.22Société de personnes et responsabilité indéfinie des associés
Quand on est créancier, il ne faut pas confondre la société de personnes et ses associés. Si les associés répondent dans le principe indéfiniment et à proportion de leur participation dans le capital social des dettes de la société de personnes (par opposition aux associés de sociétés de capitaux), les créanciers ne peuvent pas pour autant leur réclamer le paiement de celles-ci comme bon leur semble.
A l’occasion d’un arrêt du 19 janvier 2022, la chambre civile de la Cour de cassation nous rappelle le cadre de l’action en paiement des dettes sociales dirigées à l’encontre d’un associé. Le principe est que les associés de l’associé civile ne sont pas des débiteurs au même titre que leur société.
Créancier d’une société civile muni d’un titre exécutoire
Les faits étaient les suivants : une banque consent un prêt immobilier à une société civile immobilière (SCI). La SCI n’ayant pas honoré plusieurs échéances, la banque engage des poursuites de saisie immobilière à son encontre. La vente amiable de l’immeuble est en conséquence ordonnée par le juge. Le prix de vente ne suffit toutefois pas à désintéresser la banque. Un procès-verbal de carence est donc dressé par le juge ce qui permet à la banque d’assigner la SCI en paiement des sommes restant dues.
Munie de son titre exécutoire et sans attendre le résultat final des poursuites contre la société sur l’intégralité de la créance, la banque décide d’assigner l’un des associés de la SCI en paiement de ces mêmes sommes. La banque a très probablement voulu augmenter ses chances de recouvrer la somme due par la SCI. L’associé s’y oppose en invoquant la prescription de l’action. La Cour de cassation donne raison à l’associé et déclare irrecevable l’action en paiement du créancier dirigée contre l’associé.
Obligation de poursuivre pour les dettes la société d’abord
L’action en paiement des dettes de la société dirigée à l’encontre d’un associé est subsidiaire. Elle ne peut être engagée que si le créancier a préalablement et vainement poursuivi la société elle-même.
Ce principe entraîne deux conséquences :
- L’action en paiement dirigée contre la société et celle dirigée contre l’associé sont soumises au même délai de prescription de 5 ans ;
- Le point de départ de ce délai de prescription est le même pour ces deux actions.
C’est donc à tort que le créancier soutient que le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement dirigée contre l’associé était le jour où les poursuites engagées contre la société s’étaient révélées être vaines et infructueuses. Dans les faits, le créancier avait certes agi contre la SCI mais n’avait pas épuisé toutes les possibilités de poursuite contre cette société dans le délai de prescription. Il avait agi trop vite contre les associés. Ce qui veut dire que pratiquer la stratégie de « l’arrosoir » est une fausse bonne idée dans ce contexte.
Conseils en pratique :
Le créancier d’une société de personnes doit veiller à tout faire pour recouvrer la créance face à cette société longtemps avant la fin du délai pour agir. Ceci lui permet d’avoir encore le droit et le temps d’agir contre les associés de cette société de personnes.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
Tous droits de propriété intellectuelle réservés
Photo: Andrii Yalanski