Préjudice pour concurrence déloyale et détournement de clientèle
16.11.15Actes de concurrence déloyale d’anciens salariés et associés
Deux salariés, dont l’un également co-gérant associé, ont quitté leur société afin de créer une nouvelle société. Quelques mois après leur départ, leur ancienne société a été mise en liquidation judiciaire. La société et son dirigeant ont engagé une action judiciaire et ont assigné la société créée par les anciens salariés en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.
Dans sa décision du 9 octobre 2013, la Cour d’appel de Paris a reconnu les actes de concurrence déloyale de la nouvelle société. Elle a notamment constaté:
- qu’avant le départ des deux salariés et la création de leur nouvelle société, le chiffre d’affaires de l’ancienne société était en pleine croissance et a ensuite chuté;
- que l’un des anciens salariés avait, quelques jours avant sa démission, transféré de sa messagerie professionnelle à sa messagerie personnelle des dossiers relatifs aux principaux clients de la société;
- que durant les semaines précédant la création de la nouvelle société, une confusion a persisté dans l’esprit des partenaires commerciaux entre les deux sociétés.
La Cour en a déduit que les agissements de la nouvelle société ont permis de détourner les principaux clients de l’ancienne société. Dans sa décision du 29 septembre 2015, la Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel sur ce point, qui ne posait pas de difficulté particulière. Ainsi, le liquidateur de la société a pu obtenir réparation. Par contre, la réparation du préjudice du dirigeant a fait l’objet d’un débat.
Le préjudice du dirigeant en cas de concurrence déloyale
Pour caractériser le préjudice financier du dirigeant associé de la société victime de concurrence déloyale, la Cour d’appel s’est fondée sur son seul préjudice personnel. Or, la Cour de cassation a considéré qu’une distinction est nécessaire entre les différents préjudices subis par le dirigeant. Selon elle, la perte des apports du dirigeant constitue une fraction du préjudice collectif subi par l’ensemble des créanciers, tandis que la perte pour l’avenir des rémunérations qu’il aurait pu percevoir en tant que dirigeant social représente un préjudice qui lui est personnel.
Le dirigeant n’est donc recevable pour son action en réparation de son préjudice que sur une partie limitée de sa demande globale.
On peut donc constater que même si les actes de concurrence déloyale ont pu être prouvés avec succès, le dirigeant d’une société qui est entretemps en liquidation judiciaire ne peut faire valoir qu’une partie de son préjudice réel en justice.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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