La responsabilité du dirigeant de société française se renforce
20.05.11Deux arrêts récents de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 18 mai et 28 septembre 2010 tendent à renforcer la responsabilité du dirigeant. Il s’agissait en l’occurrence plus précisément de gérants de SARL.
Principes de la responsabilité du gérant de la SARL française
L’article L223-22 du Code de commerce prévoit que «les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers , soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion».
La jurisprudence a, au fil du temps, précisé et restreint le cadre de l’action des tiers à l’encontre du gérant de SARL. La responsabilité du gérant ne peut être engagée que s’il est prouvé que sa faute est séparable de ses fonctions et qu’elle lui soit personnellement imputable. La faute détachable est aujourd’hui définie par la jurisprudence comme «une faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normale des fonctions de gérant ».
Deux cas de responsabilité de gérants en lien avec la garantie décennale immobilière jugés
Les deux arrêts récents de la Cour de Cassation précisent la notion de faute détachable au détriment du dirigeant de société.
Dans l’arrêt du 18 mai 2010, un gérant de SARL ayant pour objet la création et l’entretien de jardins et d’espaces verts avait accepté des travaux d’édification d’une allée en pavés et de piliers de clôture. Des malfaçons ont été constatées. Cependant, aucune garantie décennale n’avait été souscrite par l’entreprise de jardinage pour ces travaux.
En l’espèce, la Cour de Cassation a retenu la responsabilité du gérant vis-à-vis du tiers propriétaire du terrain. Elle a considéré que les travaux acceptés par le gérant n’entraient pas dans l’objet social de la société et que le gérant avait donc commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions de gérant.
Ainsi, le dépassement de l’objet social a été cité pour la première fois dans l’arrêt du 18 mai 2010 comme un nouveau critère contribuant à la caractérisation de la faute détachable du gérant. A l’égard des associés, ce critère n’est pas nouveau. En effet, le dépassement de l’objet social par le gérant peut constituer une faute de gestion et entrainer sa révocation. Cependant, le dépassement de l’objet social était jusqu’à récemment neutre à l’égard des tiers. Or, l’arrêt de cassation du 18 mai cite expressément ce critère.
Dans l’arrêt de la Cour de Cassation du 28 septembre 2010, le gérant d’une entreprise de bâtiment avait réalisé des travaux sans avoir souscrit une assurance couvrant la garantie décennale. Nous rappelons que le défaut de souscription d’une assurance garantissant la responsabilité décennale est puni d’un emprisonnement de six ans et de 75 000 euros d’amende (Article L111-34 du Code de la construction et de l’habitation).
La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a clairement affirmé que «le gérant d’une SARL qui commet une faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice». Ainsi, selon les juges de cassation, une faute pénale intentionnelle commise par un gérant est nécessairement séparable de ses fonctions et engage donc sa responsabilité.
La Cour de Cassation a durci sa position sur la responsabilité personnelle du dirigeant à l’égard des tiers par le biais de la définition de la faute séparable des fonctions.
La prudence est donc de mise pour les dirigeants quant au respect notamment de l’environnement légal de leur société. Par ailleurs, le gérant de SARL plus particulièrement s’expose à une révocation de son mandat sans indemnités.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
Tous droits de propriété intellectuelle réservés