Contrôle des conventions de forfait annuel en jours

28.11.23  
La Cour de cassation controle la validité des forfaits-jours depuis 2012
Contrôle des conventions de forfait annuel en jours
La Cour de cassation controle la validité des forfaits-jours depuis 2012

Les conventions de forfait-jours qui permettent en droit français du travail de déroger au temps légal de travail de 35 heures sont soumises à un contrôle très strict de la Cour de cassation. La conclusion d’un forfait annuel en jours est légalement subordonnée à l’existence d’une convention ou d’un accord collectif préalable prévoyant la possibilité de mise en place d’un tel forfait. La convention de forfait annuel en jours et l’accord collectif doit  par ailleurs donner la possibilité au salarié de bénéficier d’une réelle autonomie dans l’organisation de son travail et de son emploi du temps. La rédaction des conventions de forfait est donc très importante.

La Cour de cassation a précisé dans sa jurisprudence au fil du temps les conditions de licéité de tels conventions des forfaits au regard des normes européennes.

Remise en cause des conventions de forfait annuel en jours

Dans son arrêt en date du 29 juin 2011 (Cass. Soc. 29 juin 2011, n°09-71107), la Cour de cassation avait ainsi jugé que les conventions de forfait annuel en jours doivent être prévues par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail en France ainsi que les temps de repos. En outre, l’employeur doit respecter les dispositions de l’accord collectif en la matière. A défaut de respect de ces deux exigences, la convention de forfait est sans effet.

Dans l’affaire soumise aux juges français, l’ancienne convention collective de la Métallurgie était applicable. La Cour de cassation avait estimé que les dispositions de cette convention collective assurent la protection de la sécurité et de la santé du salarié. La Cour de cassation justifiait sa décision en indiquant que la convention collective mettait notamment à la charge de l’employeur:

  1. l’établissement d’un document de contrôle,
  2. un suivi régulier de l’organisation et de la charge de travail ainsi que
  3. la tenue d’un entretien annuel.

Un arrêt de la Cour de Cassation en date du 31 janvier 2012 (Cass.soc. 31 janv. 2012, n° 10-19807) a confirmé cette position. La Cour de Cassation indiquait dans cet arrêt que le simple renvoi de la convention collective au contrat de travail n’est pas suffisant pour assurer la protection du salarié. En l’espèce, la convention collective de l’industrie de la chimie était en cause. Cette convention collective ne permettait pas à l’époque, selon la Cour de cassation, d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Les conventions de forfait annuel en jours conclues sur la base de cette convention collective dans sa version applicable alors étaient donc sans effet. Les conventions de forfait jours des conventions collectives Syntec, des experts comptables ou encore des notaires ont aussi eu droit au même sort. La plupart ont depuis été mises à jour et adaptées aux exigences de la Cour de cassation.

Attention au recours au forfait-jours dans les contrats de travail

A l’heure actuelle, les dispositions sur les forfaits-jours dans les accords collectifs qui ne précisent pas les garanties accordées aux salariés, notamment au sujet du repos et de la durée maximale du travail, sont nulles. La mise en place de conventions de forfait-jours n’est pas possible dans le cadre de telles conventions collectives. Les conventions de forfait doivent également assurer un contrôle de la charge de travail effectif et régulier afin de garantir la santé et sécurité des salariés.

En outre, les conventions de forfait-jours qui n’appliquent pas les garanties prévues par les accords collectifs qui garantissent la protection de la sécurité et de la santé du salarié seront également privées d’effet.

Garantie de l’autonomie des salariés dans les conventions de forfait jours

La Cour de cassation s’est récemment à nouveau « attaqué » au sujet épineux des conventions de forfait jours et a rappelé l’importance de laisser une grande autonomie au salarié, dans un arrêt du 7 juin 2023. Le salarié concerné demandait la résiliation judiciaire de son contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes car il considérait que sa convention de forfait était nulle. En effet, elle prévoyait qu’il devait pointer 4 fois par jour et qu’il était obligé d’être présent au moins 6 heures par jour sur site, afin qu’une journée soit validée au regard de son forfait annuel. La Cour de cassation a considéré que le salarié n’était pas autonome dans l’organisation de son emploi du temps et de son travail et donc pas éligible à un forfait jours pour ces deux raisons :

  • D’une part, le pointage donnait lieu à des relevés informatiques indiquant les heures d’arrivée et de départ, et donc des heures travaillées ;
  • D’autre part, le salarié ne pouvait valider sa journée que s’il était présent 6 heures dans l’entreprise sur une journée.

Il convient donc d’être très vigilant quant à la rédaction des conventions de forfait jours. Le mode de décompte des jours travaillés ne doit pas porter atteinte à l’autonomie du salarié. Autrement, la convention peut être invalidée et le salarié sera soumis au régime légal des 35 heures.

Il est recommandé pour assurer la sécurité juridique de la clause ou convention sur le forfait jours de recourir à un avocat qui conseille en droit du travail.

Cela est logique puisque les conventions de forfait jours sont réservées notamment aux « cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps ».

La décision de la Cour de cassation va d’ailleurs dans la continuité de son raisonnement puisqu’elle avait déjà considéré dans un arrêt en 2007 que l’autonomie du salarié en forfait jours n’était par exemple pas compatible avec le devoir de respecter un emploi du temps et un planning d’interventions déterminés par sa hiérarchie.

Le recours à une clause de forfait annuel en jours oblige à trouver un précaire équilibre entre deux contraintes qui paraissent parfois contradictoires:

  • le salarié ne doit pas être soumis à un planning contraignant et des horaires précis fixés par l’employeur, car il doit rester autonome;
  • le salarié doit s’adapter aux contraintes organisationnelles de l’entreprise et l’employeur doit contrôler la charge et le nombre de jours de travail.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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