L’Allemagne assouplit le licenciement dans les banques

17.06.19  
L'Allemagne veut attirer les banques en assouplissant les règles du licenciement
L’Allemagne assouplit le licenciement dans les banques
L'Allemagne veut attirer les banques en assouplissant les règles du licenciement

L’Allemagne prévoit d’assouplir partiellement la protection légale contre le licenciement prévue par le droit du travail allemand pour certains salariés de grandes banques appartenant au système financier. Ceci est décidé dans le but de présenter après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit) une place financière attractive pour des banques jusqu’à présent basées à Londres. Il existe cependant des réserves d’ordre constitutionnel à l’égard de cet assouplissement envisagé de la protection contre le licenciement qui ne devrait s’appliquer qu’à des porteurs de risques des grandes banques.

La modification législative concernerait probablement environ 5 000 salariés

Selon le projet de loi dit « loi d’accompagnement fiscal du Brexit » (Brexit-Steuerbegleitgesetzes, Brexit-StBG) adopté le 21 février 2019 par le Parlement allemand (Bundestag) et approuvé par le Conseil fédéral (Bundesrat) le 15 mars 2019, de nouvelles dispositions doivent être intégrées dans la loi bancaire (Kreditwesengesetz). Ces dispositions devraient prévoir une exception à la protection contre le licenciement des « porteurs de risques ». Sont considérés comme porteurs de risques des salariés qui sont chargés d’un budget élevé au sein d’instituts financiers et dont l’activité professionnelle a des répercussions importantes sur le profil de risque de l’institut financier. Un autre critère est la rémunération annuelle fixe de ces porteurs de risques, qui est supérieure à trois fois le plafond de revenu de l’assurance retraite générale (donc, actuellement 241 200 euros (ouest) et 221 400 euros (est)). La modification législative envisagée concerne de ce fait environ 5 000 salariés dans le secteur bancaire.

Licenciement avec indemnité plafonnée au lieu de droits acquis pour les porteurs de risques des banques

Selon les dispositions légales envisagées, la loi sur la protection contre les licenciements abusifs (Kündigungsschutzgesetz) qui fonde le droit allemand du travail sur le licenciement doit continuer à s’appliquer aux porteurs de risques selon les conditions de cette loi. Cela implique que dans le champ d’application de la loi sur la protection contre les licenciements abusifs, un porteur de risques ne peut être licencié, tout comme d’ailleurs un salarié « ordinaire », qu’en présence d’un motif personnel ou économique.

Si un licenciement n’est pas valable selon les conditions de la loi sur la protection contre les licenciements abusifs, l’employeur a, en principe, la possibilité de demander la résiliation du contrat de travail devant le conseil de prud’hommes. L’assouplissement de la protection contre le licenciement envisagé réside dans le fait que l’employeur n’a plus besoin de motiver une telle demande de résiliation du contrat de travail concernant un porteur de risques. La protection des droits acquis au titre du contrat de travail serait donc inopérante pour les porteurs de risques. Ils n’auraient plus le droit au maintien de l’emploi. Ils pourraient uniquement prétendre au paiement de l’indemnisation légale pour la résiliation du contrat de travail, dont le montant est soumis à l’appréciation du tribunal et limité par des plafonds selon l’âge et l’ancienneté.

Sur le sujet du droit de licenciement, les porteurs de risques de certains instituts financiers devraient donc être assimilés à des cadres afin de faciliter le licenciement d’un porteur de risques par une banque. Jusqu’à présent les employeurs doivent le cas échéant verser des montants très élevés afin que le porteur de risques accepte la résiliation du contrat de travail. Les employeurs bénéficieraient donc du plafonnement légal des indemnités.

Interrogations sur le plan constitutionnel

Il n’est pas sûr que ce traitement spécial de porteurs de risques ayant un salaire de base élevé et travaillant pour certains instituts financiers persisterait ne soit pas remis en cause un jour par le Conseil constitutionnel allemand. Ce qui pose problème est la conformité avec le principe d’égalité de traitement ancré dans la constitution allemande (Grundgesetz). Car l’assouplissement de la protection contre le licenciement devrait s’appliquer selon les conditions du montant de rémunération et de budget de la banque s’appliquer uniquement à certains salariés du secteur bancaire et non aux autres salariés de banques ne remplissant pas ces conditions. Cet assouplissement ne s’appliquerait donc pas au secteur des assurance alors que les assurances pourraient avoir une importance systémique pour la stabilité financière.

Il est à noter que la jurisprudence allemande accepte pourtant sous certaines formes l’inégalité de traitement justifié de salariés dans le cadre de la protection contre le licenciement.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo : ink drop

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