Le co-emploi dans le groupe de sociétés en raison d’une imbrication financière ?
24.04.17Co-emploi dans le groupe de sociétés
Dans un arrêt en date du 7 mars 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en matière de co-emploi.
Pour rappel, un salarié peut être lié par son contrat de travail à plusieurs employeurs. Cette situation est appelée le « co-emploi ». Cette situation de co-emploi crée des obligations à l’égard d’un second employeur à côté de l’employeur désigné dans le contrat de travail et les feuilles de paie.Il peut y avoir co-emploi, notamment mais pas exclusivement dans un groupe de sociétés:
- soit lorsque, dans le cadre d’un même contrat de travail, le salarié est dans un lien de subordination à l’égard de plusieurs employeurs,
- soit lorsqu’il existe une confusion d’intérêts, d’activité ou de direction entre l’employeur du salarié et une autre personne physique ou morale.
Le co-emploi justifié pour la Cour d’appel par la dépendance financière de la filiale envers sa société-mère
Dans cet arrêt en date du 7 mars 2017, 3 salariés, Mme X., M. Y. et M. Z. ont été engagés respectivement les 3 août 2000, 15 février 2001 et 9 avril 2004 par la société Grand Casino de Beaulieu.
Cette société était un casino et faisait partie d’un groupe dont la société mère était la société Sa Groupe Partouche. La société employeur a été placée en redressement judiciaire le 15 juillet 2010, puis a fait l’objet d’une liquidation judiciaire par jugement du 6 octobre 2010. A cette occasion, les salariés ont été licenciés pour motif économique les 19 octobre et 8 novembre 2010. Les salariés ont ainsi saisi la juridiction prud’homale et demandé la condamnation des deux sociétés in solidum au titre de co-emploi.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a donné raison aux salariés et a condamné les sociétés solidairement. Ainsi, la société Groupe Partouche a été condamnée à payer solidairement avec la société Grand Casino de Beaulieu indemnités de licenciements aux salariés.
Pour retenir cette qualification de co-emploi, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence retient notamment que :
- la société Groupe Partouche était systématiquement représentée dans les organes des sociétés filiales du groupe. Les filiales ont reconnu dans une convention que la société Groupe Partouche était la société dominante du groupe, qu’elle disposait de représentants dans les organes de direction de toutes les sociétés du groupe et qu’elle exerçait à travers eux dans les faits un pouvoir de décision et de direction ;
- la société mère et la société Grand Casino de Beaulieu étaient liées par une convention de trésorerie ainsi qu’une convention générale d’assistance moyennant rémunération. Cette dernière convention prévoyait que la société mère fournirait à la filiale, sur demande et moyennant une rémunération forfaitaire, une prestation de services d’assistance couvrant l’ensemble des métiers de l’entreprise (notamment conseils en communication, stratégie de développement, financement de projets, gestion de trésorerie, gestion des ressources humaines, assistance informatique);
- la société Groupe Partouche avait apporté à sa filiale un important soutien financier par rapport aux capacités de remboursement de cette dernière, ce qui lui avait permis de poursuivre son activité pendant plusieurs années avant la cessation d’activité.
Le co-emploi reconnu de manière restrictive dans les groupes de sociétés au cas par cas
La Cour de cassation, contrairement à la cour d’appel d’Aix-Provence, a estimé que le co-emploi n’était pas caractérisé dans cette situation.
La Cour de Cassation a ainsi rappelé sa définition du co-emploi et a relevé qu’en l’espèce, l’on n’avait pas pu constater une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale par la société mère.
La Cour de cassation continue d’adopter une approche très restrictive de cette notion et réserve la reconnaissance du co-emploi à des situations limitées. Il s’agit par exemple de la détention d’une filiale à 100 % par la société mère, appartenant elle-même à un groupe de sociétés, dont le président exerce des fonctions équivalentes au sein de la société mère. Par ailleurs, le domaine exclusif d’activité des sociétés du groupe est identique, les sociétés ont une clientèle, des fournisseurs et des prestataires communs et la société mère a conçu, financé et mis en œuvre le plan de relance de la filiale et confié sa direction à un consultant choisi par la holding (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 20 février 2013).
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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