Le compte de pénibilité ou compte professionnel de prévention (C2P)
21.04.20Dans le cadre du contexte d’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs, la prise en compte de la pénibilité au travail est un enjeu croissant en droit du travail, qui continue toutefois de susciter certaines réserves. Ce débat est actuellement réactivé dans le cadre de la réforme du système des retraites. L’occasion de revenir sur ce mécanisme de manière claire et didactique.
Le compte professionnel de prévention : définition, utilité
Le compte professionnel de prévention (C2P), ancien compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), dispositif actuellement obligatoire dans les entreprises dans lesquelles au moins un salarié est exposé à des facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils, est le témoin de ces évolutions législatives hésitantes en la matière.
Seules les années liées à un travail pénible postérieur à 2015 sont prises en compte.
En 2017, le C2P est venu mettre un terme au C3P créé par une loi de 2014 en modifiant son périmètre et son fonctionnement. Suite à cette réforme, le compte professionnel de prévention est désormais intégré au compte personnel d’activité (CPA) qui réunit également le compte personnel de formation (CPF) et le compte d’engagement citoyen (CEC).
L’objectif de ce compte professionnel de prévention est de prévenir les risques dans un premier temps, notamment en aidant les salariés exerçant des métiers pénibles à s’orienter vers d’autres professions, tout en incitant les entreprises à améliorer leurs conditions de travail. Dans un second temps, le système prévoit des mesures réparatrices lorsque la prévention ne suffit pas. Il s’agit en effet de compenser la difficulté de la carrière des salariés par la possibilité de financer un départ en retraite anticipé ou de réduire sa durée du travail et donc, la durée d’exposition aux risques.
La mise en place du C2P pour les employeurs et salariés
Le compte professionnel de prévention s’adresse à l’ensemble des salariés des employeurs de droit privé et au personnel des personnes publiques employées dans les conditions du droit privé. Les salariés tels que les apprentis ou les titulaires de contrats de professionnalisation doivent également en bénéficier.
Toutefois, les salariés détachés en France ou ceux qui sont salariés d’un particulier employeur ne sont pas soumis à ce dispositif. De la même manière, les salariés qui sont affiliés à un régime spécial de retraite qui comporte un dispositif particulier de reconnaissance des effets de l’exposition à certains risques professionnels n’acquièrent pas de droit au titre du C2P.
Dès lors qu’un salarié est exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, au-delà des seuils définis par le Code du travail, son travail génère des points venant alimenter son compte. Ce compte est automatiquement ouvert dès lors que l’employeur fait apparaître l’exposition à au moins l’un des risques professionnels au-delà des seuls suivants :
Facteurs liés aux rythmes de travail | ||
Facteurs de pénibilité | Intensité minimale | Durée minimale |
---|---|---|
Travail de nuit | 1 heure de travail entre minuit et 5 heures | 120 nuits/an |
Travail en équipes successives alternantes (tels que le 3×8 notamment) | Travail en équipe impliquant au moins 1 heure de travail entre minuit et 5 heures | 50 nuits/an |
Travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte | -15 actions techniques ou plus pour un temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes – ou 30 actions techniques ou plus par minute pour un temps de cycle supérieur à 30 secondes variable ou absent | 900 heures/an |
Facteurs liés à un environnement physique agressif | ||
Facteurs de pénibilité | Intensité minimale | Durée minimale |
---|---|---|
Activités en milieu hyperbare | 1 200 hectopascals | 60 interventions ou travaux/an |
Températures extrêmes | Température inférieure ou égale à 5°C ou supérieure ou égale à 30°C | 900 heures/an |
Bruit | Exposition quotidienne à un bruit d’au moins 81 décibels pour une période de référence de 8 heures | 600 heures/an |
Bruit | Exposition à des bruits impulsionnels (brefs et répétés) d’au moins 135 décibels | 120 fois/an |
Comment calculer ses points dans le C2P
Chaque année, l’employeur déclare l’exposition aux risques de ses salariés. Cela permet à la caisse de retraite destinataire d’évaluer un nombre de points qui correspond à l’exposition des salariés.
A condition d’avoir un contrat de travail d’au moins 1 mois, chaque année civile complète, les salariés acquièrent :
- 4 points lorsqu’ils sont exposés à un seul facteur de risque professionnel ;
- 8 points lorsqu’ils sont exposés à plusieurs facteurs de risques professionnels.
Ce mode de calcul ne dépend pas du fait que le salarié travaille à temps partiel ou à temps plein puisque la durée d’exposition aux facteurs de risques prend déjà en considération la durée du travail.
De plus, lorsqu’un contrat de travail prend fin en cours d’année civile ou est d’une durée inférieure à une année civile, les différents employeurs envoient leurs déclarations qui permettent ensuite d’établir la durée totale d’exposition à chaque risque professionnel déclaré dans l’année civile, puis au salarié d’acquérir des points correspondants.
Lorsque l’assuré est né avant le 1er juillet 1956, les points inscrits sont multipliés par deux.
En outre, le nombre total de point acquis par un salarié sur son compte professionnel de prévention ne peut excéder 100 au cours de l’intégralité de sa carrière professionnelle.
Le salarié est informé chaque année par la caisse de retraite du solde de son compte. Il peut également y accéder en créant un espace individuel sur le site www.compteprofessionnelprevention.fr. S’il existe un désaccord du salarié avec le décompte fait par la caisse, celui-ci peut le contester auprès de son employeur qui, s’il estime la demande fondée, doit préciser au salarié dans un délai de 2 mois qu’il dispose d’un délai de recours de 2 mois pour saisir la caisse de retraite.
Par ailleurs, le C2P est géré par les organismes nationaux en charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, c’est-à-dire la seule branche excédentaire de la Sécurité sociale. Celle-ci est chargée d’en assurer le financement, suite à la suppression des cotisations pénibilité pour toutes les entreprises depuis 2018.
Localement, ce sont les CARSAT, c’est-à-dire les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, qui reçoivent les déclarations, gèrent les réclamations et procèdent aux contrôles.
L’utilisation du compte professionnel de prévention
Chaque point inscrit sur le C2P offre droit à un montant de 375 euros de prise en charge d’une action de formation professionnelle continue permettant d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé. Les 20 premiers points inscrits sur le C2P sont réservés au financement de cette formation, sauf certains cas dérogatoires.
Les points suivants peuvent ensuite servir par tranche de 10 points à :
- demander un complément de rémunération dont le montant correspond à la compensation d’une réduction du temps de travail égale à un mi-temps pendant 3 mois ;
- demander un trimestre de majoration de durée d’assurance vieillesse.
La demande se fait directement par le salarié en ligne sur le compte dédié.
Le compte de pénibilité va très certainement prendre une importance accrue dans le cadre de la réforme des retraites qui se profile en France et soulever des contestations de la part des professionnels dont les tâches sont exclues. Il est en effet difficile pour les politiques de rester totalement neutre.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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Photo : bacalao