La conclusion d’un accord d’entreprise

02.04.19  
Conclure un accord d'entreprise
La conclusion d’un accord d’entreprise
Conclure un accord d'entreprise

Si le droit du travail collectif français a permis aux branches professionnelles d’imposer des exigences minimales, depuis plusieurs réformes, l’essentiel de la négociation collective a lieu désormais principalement au niveau de l’entreprise, à savoir entre l’employeur et les représentants du personnel. Il ne faut ainsi pas confondre « convention collective » et « accord collectif d’entreprise », puisqu’ils ne sont pas conclus au même niveau.

Importance du nombre de salariés sur les règles de la conclusion de l’accord d’entreprise

Le régime juridique relatif aux accords d’entreprise est complexe en droit français, et les conditions tenant à la conclusion d’un tel accord se distinguent selon le nombre de salariés présents dans l’entreprise (ou dans l’établissement implanté sur le territoire français) :

Accord d’entreprise pour les entreprises de moins de 11 salariés

Dans les entreprises dont l’effectif habituel est inférieur à 11 salariés, l’employeur peut proposer à son personnel un projet d’accord portant sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise. Ce projet d’accord doit ensuite être soumis au vote des salariés pour validation : il s’agit du « référendum d’entreprise ». La consultation du personnel doit être organisée à l’issue d’un délai minimum de 15 jours courant à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord. Pour être considéré comme un accord valide, le projet d’accord doit être ratifié à la majorité des deux tiers du personnel. Cette modalité de ratification des accords récemment introduite en droit français s’applique également dans les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 11 et 20 salariés en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique (ci-après « CSE »). Le recours à la ratification est d’ailleurs la seule modalité possible de conclusion d’un accord collectif, le recours au mandatement syndical de salariés n’étant plus prévu.

Accord d’entreprise pour les entreprises entre 11 salariés et moins de 50 salariés

Pour les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 11 et moins de 50 salariés, l’employeur a le droit de choisir librement de négocier et rédiger un accord d’entreprise ou d’établissement :

  • soit avec des salariés mandatés : un ou plusieurs salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche (ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel), membre(s) ou non de la délégation du personnel du CSE ;
  • soit avec des élus du personnel : un ou plusieurs membre(s) de la délégation du personnel du CSE, mandatés ou non.

Accord d’entreprise pour les entreprises de plus de 50 salariés

Pour finir, dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins égal à 50 salariés, le droit du travail français se distingue du droit allemand par le monopole de la négociation accordée aux délégués syndicaux d’entreprise. Les deux autres modes de négociation mentionnés ci-dessous sont subsidiaires et ne peuvent donc être utilisés qu’en l’absence de délégués syndicaux. En effet, dans les entreprises ne comportant pas de délégué syndical, des accords collectifs peuvent être négociés, conclus et révisés :

  • avec les membres de la délégation du personnel du CSE, sous réserve qu’ils soient expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise (ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel) ;
  • avec les membres de la délégation du personnel du CSE qui n’ont pas été expressément mandatés par une organisation syndicale. Cette négociation est encadrée par deux règles spécifiques :

    la validité des accords ou avenants de révision conclus dans ces conditions est subordonnée à leur signature par des membres de la délégation du personnel du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ;
    et elle ne pourra concerner que les mesures « dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, c’est-à-dire les dispositions devant obligatoirement faire l’objet d’un accord d’entreprise pour pouvoir s’appliquer (par exemple, mise en place de conventions de forfait annuel en heures ou en jours, dérogation au régime des coupures ou des heures complémentaires dans le cadre du travail à temps partiel) ;

  • avec des salariés non-élus, mais ayant fait l’objet d’un mandatement syndical.

Conditions de validité de la signature d’un accord d’entreprise

Quel que soit l’effectif de l’entreprise, mais sous réserve des spécificités propres à chaque négociation qui ont pu être énoncées ci-dessus, la validité d’un accord d’entreprise est subordonnée :

  • à une condition « majoritaire », c’est-à-dire à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique (ou s’il n’a pas encore été mis en place, du comité d’entreprise et, à défaut, des délégués du personnel) ;
  • ou à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des mêmes élections, mais sous réserve dans ce cas que l’accord soit approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Négocier un accord d’entreprise avec le conseil d’entreprise

Pour finir, il est à noter que la réforme du droit français du travail initiée le 22 septembre 2017 a ouvert la possibilité aux acteurs de la négociation d’entreprise de muter le comité social et économique (CSE) en un « conseil d’entreprise ». A l’image du droit allemand des relations collectives, cet organe de représentation élue du personnel sera le seul à pouvoir négocier avec l’employeur des accords d’entreprise. Ainsi, dès lors qu’un conseil d’entreprise est mis en place, le délégué syndical ne sera plus habilité à négocier. La validité d’une convention ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement conclu par le conseil d’entreprise est subordonnée à sa signature par la majorité des membres titulaires élus du conseil ou par un ou plusieurs membres titulaires ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

Il faut d’ailleurs relever que l’accord collectif mettant en place le conseil d’entreprise peut fixer des thèmes, tels que l’égalité professionnelle, qui sont soumis à l’avis conforme du conseil d’entreprise. Un rapprochement certain avec le Betriebsrat allemand a donc été permis par les nouvelles dispositions du Code du travail.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: ASDF

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