Congé de mobilité et rupture du contrat de travail
25.01.16La rupture d’un commun accord par la conclusion du congé mobilité
Dans un arrêt du 12 novembre 2015, la Cour de cassation se prononce sur la question de la rupture d’un contrat de travail qui intervient après la conclusion d’un congé de mobilité par une salariée. La Cour rappelle que cette rupture se fait d’un commun accord entre salariée et employeur. La Cour de cassation admet cependant que cela ne prive en aucun cas la salariée de la possibilité de contester le motif économique de la rupture de son contrat de travail intervenant au terme de son congé mobilité.
Congé de mobilité proposé par l’employeur suite à un conflit
Dans le cas soumis aux juges, une salariée est embauchée en tant qu’assistante de direction du département marketing au sein de la société Lamy le 26 janvier 1994. Entre 1994 et 2003, elle occupe successivement le poste de secrétaire juridique, d’assistante juridique, de juriste et enfin de directrice juridique à compter du 1er mai 2003.
A compter de 2008, la salariée est promue responsable juridique. Cependant la situation avec son employeur ne cesse de se dégrader. Après des années de sollicitation d’augmentation de salaires ainsi qu’une revalorisation de son statut et autant de courriers restés sans réponses, la salariée saisit la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle demande aux conseillers prud’homaux de constater que l’employeur a commis une faute suffisamment grave à son encontre pour justifier la rupture de son contrat de travail. En l’occurrence, elle reproche à son employeur son refus de lui reconnaître le titre de directeur juridique ainsi qu’une rémunération adéquate et d’avoir modifié unilatéralement son contrat de travail. En première instance et en Cour d’appel, la demande de résiliation du contrat de travail de la salariée est rejetée, au motif qu’elle ne démontre pas suffisamment ses arguments.
L’employeur souhaite alors régler le litige à l’amiable et conclut à l’initiative de la salariée une convention de congé de mobilité. Cette dernière souhaite suivre une formation afin d’exercer la profession d’avocat et trouve donc un intérêt particulier à ce congé mobilité.
Rappelons que dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, l’employeur peut proposer aux salariés, dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, un congé de mobilité. Le congé de mobilité est un contrat conclu entre un salarié et son employeur lorsque ce salarié est menacé de licenciement et ce congé permet d’aider le salarié à trouver un nouvel emploi stable grâce à des mesures d’accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail.
Le droit pour la salariée de contester le motif économique de sa rupture
La décision de la Cour de cassation du 12 novembre 2015 clarifie la situation de la salariée en congé et souhaitant contester le motif économique à l’origine de la rupture de son contrat de travail.
Selon le raisonnement de la Cour d’appel, la salariée n’avait donc théoriquement pas le droit de contester le motif économique de sa rupture.
La Cour de cassation rejette le raisonnement des premiers juges : « […] si l’acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d’en contester le motif économique ». Elle estime en effet que la Cour d’appel avait mal interprété les textes en déclarant que le départ volontaire de la salariée par son adhésion au contrat de congé de mobilité constituait une rupture du contrat de travail d’un commun accord avec son employeur. La Cour de cassation procède elle-même à une interprétation de certains articles du Code du travail, afin d’en arriver à cette solution.
Ainsi, la Cour reconnaît ainsi pour la première fois dans cette décision le droit pour le salarié de contester le motif économique de sa rupture alors que son contrat de travail a été rompu d’un commun accord.
Cette solution se situe dans la droite lignée de celle rendue par la Cour de cassation sur l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, possible lors de licenciements économiques prononcés dans les entreprises de moins de 1 000 salariés. En cas d’acception de ce contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, le contrat de travail de ce dernier est rompu au terme d’un délai de réflexion de 21 jours. La Cour de cassation avait rendu un arrêt le 17 mars 2015 admettant que l’acceptation de ce CSP ne fait pas obstacle au salarié d’engager ultérieurement une action en contestation du motif économique de sa rupture.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
Tous droits de propriété intellectuelle réservés
Photos: Olivier Le Moal, coloures pic