Déplacement professionnel et temps de travail
08.12.14Le respect du temps de travail et de sa rémunération en droit du travail français a souvent des répercussions en droit pénal. C’est pourquoi la Chambre criminelle de la Cour de Cassation statue régulièrement sur ce sujet.
Le 2 septembre 2014, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a jugé le cas d’un employeur qui avait été condamné pénalement, suite à un contrôle de l’Inspection du travail pour travail dissimulé. L’Inspection du travail reprochait à l’employeur de dissimuler les heures de trajet de ses salariés en ne les traitant pas comme du temps de travail effectif.
Trajets du salarié entre deux rendez-vous non rémunérés par l’employeur
L’employeur, spécialisé dans l’aide à domicile, indiquait que les salariés étaient payés à hauteur d’un euro par déplacement. Ils n’avaient, par ailleurs, aucun compte à lui rendre pendant ce temps et pouvaient vaquer à leurs occupations personnelles. Les rendez-vous étaient, selon l’employeur, parfois espacés de plusieurs heures, permettant ainsi aux salariés de rentrer chez eux. Les salariés n’avaient, en outre, aucunement l’obligation de se rendre au siège de la société avant ou après un rendez-vous.
Ainsi, pour l’employeur, le temps entre deux déplacements des salariés chez les clients ne devait pas être considéré comme du temps de travail. Il n’avait en conséquence pas fait apparaître sur les bulletins de salaire de ses salariés les temps de déplacements pour se rendre du domicile d’un client à un autre et ne les avait pas rémunérés pour un temps de travail effectif.
L’Inspection du travail a considéré cet agissement comme constitutif de travail dissimulé.
Contrairement à la position à l’Inspection du travail, les juges de première instance n’ont pas considéré que l’employeur était condamnable pour travail dissimulé. Le Ministère Public a fait appel de la décision.
Les temps de déplacement sont du temps de travail
La Cour d’appel a infirmé le jugement du Tribunal correctionnel et a condamné l’employeur pour travail dissimulé. Elle a condamné la personne morale au paiement d’une amende de 20 000 euros et le gérant au paiement d’une amende de 3 000 euros.
La Cour de Cassation a confirmé la position de la Cour d’appel dans un arrêt du 2 septembre 2014. Elle a considéré que «le temps de déplacement professionnel entre le domicile d’un client et celui d’un autre client, au cours d’une même journée, constitue une temps de travail effectif et non un temps de pause, dès lors que les salariés ne sont pas soustraits, au cours de ces trajets, à l’autorité du chef d’entreprise».
Ainsi, pour les juges, l’employeur doit rémunérer comme du temps de travail effectif les temps de trajet entre deux clients.
Des décisions analogues avaient déjà été rendues dans le passé par la Chambre sociale de la Cour de Cassation notamment pour des trajets entre l’entreprise et un chantier. On note une unicité dans la jurisprudence des chambres de la Cour de cassation sur ce sujet. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue qu’il existe de nombreuses autres situations de déplacements des salariés. Chaque situation est traitée différemment par le Code du Travail et les conventions collectives et il convient d’être particulièrement vigilant en raison des implications pénales.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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