Le coût local de la vie peut justifier une différence de rémunération entre salariés
04.10.16Exception à l’égalité de rémunération pour compenser les disparités du coût de la vie
Par un arrêt rendu le 14 septembre 2016, la Cour de cassation a jugé qu’une disparité du coût de la vie entre des zones géographiques sur lesquelles sont réalisées des prestations de travail identiques peut justifier une rémunération différente.
La Cour de cassation justifie cette exception au principe du droit du travail français « à travail égal, salaire égal ».
En effet, dans l’arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996, le juge avait estimé que « la règle de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes était une application de la règle plus générale « à travail égal, salaire égal » énoncée par les articles L. 133-5 4° et L. 136-2 8° du Code du travail » et conclu que « l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique »
Coût de la vie plus élevé en Ile-de-France qu’à Douai pour les salariés de Renault
En l’espèce, les salariés de la société Renault des établissements d’Île-de-France bénéficiaient d’un barème de rémunération supérieur à ceux des salariés des établissements de province. Cette différence de rémunération était justifiée selon l’employeur par la différence du coût de la vie existant entre l’Île-de-France et la province.
Les salariés de la région recevaient en moyenne une rémunération de 1,19% à 1,57% supérieure à celle de leurs collègues de province, notamment à l’usine de Douai. A titre d’exemple, quand un conducteur d’exploitation P1 recevait 1595,39 € bruts, son homologue de Douai recevait 1574,91 €.
Malgré la faible différence, on voit que les syndicats considèrent que le droit du travail français doit assurer une égalité parfaite : un syndicat de Douai a en effet contesté cette différence de traitement, estimant qu’elle était contraire au principe « à travail égal, salaire égal ».
Il faut une justification objective pour rémunérer mieux un salarié que ses collègues sur le même poste
La Cour de cassation rejette le pourvoi du syndicat et donne raison à la société Renault : le juge admet qu’une disparité du coût de la vie, si elle est établie, constitue une « justification objective pertinente » d’une différence de traitement.
Sur le terrain de la preuve de la disparité des couts de la vie, les juges ont fait particulièrement attention à vérifier la pertinence de ces preuves. L’employeur a emporté la conviction des juges avec des enquêtes d’organismes publics et privés, face au syndicat, qui a utilisé des comparatifs sur quelques produits en supermarché et des annonces immobilières glanées sur internet. Il semble évident que le bon sens dictait cette conclusion sur la disparité du niveau de vie !
Une différence de traitement est donc possible aux yeux des juges, mais la disparité du coût de la vie entre les deux lieux d’exécution du contrat de travail doit être clairement établie devant le juge, qui en contrôle la réalité et la pertinence. A titre d’exemple, la Cour de cassation avait déjà été saisie en 2010 sur une question similaire et avait refusé la différence de traitement entre les salariés notamment au motif qu’une « seule allégation » d’un niveau du coût de la vie ne la justifiait pas (Soc. 5 mai 2010, n° 08-45.502).
De manière générale, la Cour de cassation avait déjà pu admettre qu’une différence de traitement pouvait notamment résulter de diplômes sanctionnant des formations professionnelles de niveau et de durées inégales (Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-43.088).
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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