La dispense de travail du salarié doit être justifiée
03.11.21La dispense de travail n’est pas une décision arbitraire de l’employeur
Même des cliniques ne peuvent pas libérer de son obligation de travailler un médecin-chef sans motifs. Dans le cadre d’une relation de travail qui n’a pas fait l’objet d’un licenciement, la dispense d’une salariée nécessite selon le droit du travail allemand un intérêt à la libération du salarié justifié par la protection de l’employeur. La médecin-chef revendiquait dans un cas concret le droit à une certaine activité, en espèce la participation à certaines réunions.
Le conseil de prud’hommes Brême-Bremerhaven s’est prononcé à ce sujet le 11 mars 2021 (n° dossier 3 Ga 302/21).
La dispense de travail de la salariée suite à un conflit avec l’employeur
La salariée est employée en tant que médecin-chef dans une clinique. En janvier 2021, le responsable administratif de la clinique demande à la salariée de renoncer à son poste en tant que médecin-chef. En outre, la salariée ne devait plus être invitée aux réunions « Medical Board » (un forum d’échange entre l’administration de la clinique et les médecin-chefs et entre eux) qui avaient régulièrement lieu.
Suite au refus de la renonciation à son poste, la clinique a dispensé la salariée d’assister aux réunions avec effet immédiat. La salariée a alors déposé une demande d’ordonnance de référé, afin d’être autorisée à continuer à participer au Medical Board. La salariée était d’avis qu’il était discriminatoire qu’elle ne puisse plus participer au Medical Board. Elle a affirmé que sa participation était essentielle pour obtenir « l’appui médical nécessaire aux décisions de gestion ». Cela résulte également du droit existant à exercer l’activité prévue au contrat. Après une déclaration commune des parties sur leur intention de transiger, il ne restait plus qu’à décider des frais. Conformément au § 91a du Code de procédure civile allemande (Zivilprozessordnung, ZPO), ceux-ci doivent être repartis selon une appréciation équitable, en tenant compte de l’état des faits ainsi que du litige. Par conséquent, le Conseil de prud’hommes a dû se positionner comme s’il n’y avait pas eu de transaction entre l’employeur et la salariée. Il a décidé en défaveur de la clinique.
Le droit à exercer l’activité prévue au contrat dans le cadre d’une relation de travail non résiliée
Selon le Conseil de prud’hommes Brême-Bremerhaven, la salariée aurait, dans le cadre d’une relation de travail non rompue, non seulement droit à un paiement de la rémunération mais aussi droit à exercer l’activité prévue au contrat. Dans le cadre d’une relation de travail existante, cela ne s’applique pas s’il existe des intérêts prépondérants protégeables de l’employeur, comme c’est le cas pour:
- une perte de confiance,
- un manque de travail ou
- une salariée qui va bientôt partir dans une entreprise concurrente, afin de sauvegarder les secrets de l’entreprise.
En l’espèce, le Conseil de prud’hommes n’a pas pu identifier de telles raisons importantes.
Le droit à exercer l’activité prévue au contrat comprend également la participation au Medical Board
En principe, une salariée n’a pas droit à être affectée à une fonction spécifique, sauf si cela a été expressément convenu entre les parties au contrat de travail. Cependant, selon le Conseil de prud’hommes, la participation au Medical Board est un domaine essentiel des fonctions de la salariée en tant que médecin-chef. Même si la participation ne faisait pas explicitement partie de ses fonctions officielles, la salariée avait suffisamment démontré la nécessité de sa présence, afin de remplir ses fonctions organisationnelles. Il n’a pas semblé impossible au Conseil de prud’hommes que des aspects ayant un impact direct sur la responsabilité médicale finale de la salariée sont également discutés lors du Medical Board.
Présomption d’un droit en justice en cas d’existence évidente du droit à exercer l’activité salariée
S’il existe manifestement un droit à exercer l’activité salariée, l’exigence d’une protection juridique efficace impose que les tribunaux interviennent exceptionnellement sur demande correspondante d’un salarié en vue d’effectuer cette activité. Cela serait applicable bien que la salariée n’ait pas manifesté d’intérêt accru à la délivrance d’une ordonnance de référé sur le droit à exercer l’activité prévue au contrat avec effet de satisfaction au-delà de la perte de droits elle-même. En l’espèce, il était incontestable qu’une relation de travail existait entre les parties pour laquelle aucune résiliation n’était envisagée.
Conseil pratique pour les employeurs
Les Conseils de prud’hommes ainsi que le tribunal fédéral du travail allemands posent des exigences élevées quant à l’existence d’intérêts protégeables qui s’opposent à l’exercice de l’activité salariée par le salarié. Ceux-ci doivent être rigoureusement examinés dans chaque cas individuel pour éviter de perdre en cas de procédure judiciaire.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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