Droit à la déconnexion numérique en droit du travail
08.11.16Droit à la déconnexion dans la réforme du droit du travail
Pour mettre fin à un phénomène largement répandu chez les cadres notamment de connexion non stop aux outils numériques, même en dehors de leur temps de travail, la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (« Loi Travail » ou « Loi El Khomri« ) a répondu en introduisant un droit à la déconnexion dans le droit du travail français, disposition qui entrera en vigueur au 1er janvier 2017.
Répondre aux problèmes liés à la connexion permanente aux outils numériques
Le développement du numérique et d’internet dans le monde du travail a fortement contribué à faire évoluer les modes de travail. Les salariés sont de plus en plus connectés en dehors des heures de travail et la frontière entre vie professionnelle et vie privée se trouve ainsi de plus en plus souvent perméable.
La réception d’email les soirs et les week-ends ainsi que pendant les vacances est devenue dans bien des secteurs monnaie courante. Ce phénomène qui touche très majoritairement les cadres n’épargne pas les autres catégories de salarié. D’après les chiffres publiés par le ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, 37% des actifs utilisent les outils numériques professionnels hors du temps de travail et 62% d’entre eux réclament une régulation des outils numériques professionnels.
Loi El Khomri et droit à la déconnexion
Face à ce constat, le législateur français a considéré qu’il était devenu nécessaire d’encadrer cette pratique afin notamment de protéger la santé des salariés. L’article 55 de la loi El Khomri pose ainsi une première pierre en introduisant un droit à la déconnexion dans le code du travail (article L. 2242-8 7° du code du travail).
Ce droit à la déconnexion vise tous les salariés et devra être abordé par les entreprises dans le cadre de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail. Les entreprises devront donc mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique dans le but d’assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale.
Le mécanisme mis en place par la loi El Khomri pour traiter ce sujet donne donc la priorité à la négociation avec les partenaires sociaux dans les entreprises de plus de 50 salariés. A défaut d’accord, l’employeur est néanmoins tenu d’élaborer une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui devra prévoir la mise en œuvre à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.
Quelle efficacité pour le nouveau droit des salariés à la déconnexion ?
Ce dispositif est donc un premier pas vers une régulation de l’utilisation des outils numériques. On peut cependant s’interroger sur son efficacité dans la mesure où le texte ne prévoit à ce jour aucune sanction pour l’employeur qui à défaut d’accord avec les partenaires sociaux n’aura pas non plus élaboré de charte. Par ailleurs, qu’en est-il du droit à la déconnexion des salariés des entreprises ne disposant ni de délégués syndicaux, ni de délégués du personnel ?
A ce jour, quelques entreprises telles que La poste ou Orange appliquent d’ores et déjà le droit à la déconnexion. Par ailleurs, la branche Syntec a inscrit « une obligation de déconnexion des outils de communication à distance » dans son avenant à l’accord temps de travail signé en avril 2014. Les PME de plus de 50 salariés doivent néanmoins réfléchir à des mesures pour éviter de se voir reprocher leur inaction dans le cadre d’un conflit avec un salarié sur sa charge de travail.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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