Les dangers du licenciement économique d’une filiale pour la société-mère avec le co-emploi
18.07.11Elargissement de la notion de co-emploi dans un arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2011
La Chambre sociale de la Cour de Cassation a confirmé et étendu par un arrêt en date du 18 janvier 2011 une jurisprudence à laquelle les sociétés mères de filiales françaises doivent porter une attention toute particulière.
Depuis 2001, la jurisprudence admet que la cessation totale d’activité d’une société constitue un motif économique autonome de licenciement (Cass. Soc. 16 janvier 2001). Cela est toujours le cas aujourd’hui. Cependant, par le biais de la notion de co-emploi, il est possible pour les salariés d’attraire les sociétés-mères de groupes devant les tribunaux.
Dans l’arrêt du 18 janvier 2011, la Cour de Cassation a estimé que l’activité économique de la filiale était entièrement sous la dépendance du groupe qui assurait la direction opérationnelle et la gestion administrative de celle-ci. Elle en a déduit une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre la société mère et sa filiale et qu’en conséquence ces deux sociétés avaient la qualité de co-employeur à l’égard du personnel de cette filiale.
Cet arrêt élargit donc la notion de co-emploi qui existait dans la jurisprudence française de droit du travail, notamment depuis un arrêt de 2007. Dans l’arrêt Aspocomp du 19 juin 2007, la Cour de Cassation avait déjà reconnu la possibilité d’obtenir la condamnation de la société mère sur le fondement du co-emploi.
Dans cette affaire, postérieurement au licenciement économique et à la liquidation judiciaire, les salariés d’une filiale française cherchaient à obtenir la condamnation de la société mère étrangère en affirmant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. La Cour de Cassation avait alors rappelé que «l’employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps en sa faveur et sous sa direction des prestations en contrepartie d’une rémunération» limitant ainsi en droit du travail la qualification de co-employeur pour les sociétés-mères. Le critère déterminant était donc le lien de subordination entre la société mère et les employés de la filiale.
La Chambre sociale de la Cour de Cassation avait rappelé ce principe dans un arrêt du 13 janvier 2010.
Le lien de subordination n’est pas un critère indispensable pour retenir le co-emploi
La nouveauté dans l’arrêt de janvier 2011 est qu’aucune mention du lien de subordination n’est faite. La situation de co-emploi devient ainsi plus facile à établir. Lorsqu’il est reconnu que le salarié a pour co-employeurs des entités faisant partie d’un même groupe, tous les co-employeurs doivent connaître des difficultés économiques pour que la cessation d’activité puisse être reconnue comme motif de licenciement économique.
La Cour de Cassation a confirmé sa position dans un arrêt du 1er février 2011. La cessation d’activité d’une filiale reste un motif de licenciement économique. Cependant, ce licenciement économique peut être remis en cause s’il est dicté par un choix de gestion de la société-mère sans qu’elle connaisse pour autant des difficultés économiques.
La Cour de Cassation adopte ainsi une jurisprudence dangereuse pour les groupes de sociétés. Le licenciement collectif décidé dans une filiale en raison de la cessation totale d’activité peut être remis en cause à tout moment en cas de reconnaissance de la qualité de co-employeur à une quelconque entité du groupe. La société mère peut ainsi être condamnée à verser aux salariés de la filiale des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc d’être prudent dans le groupe de sociétés sur la gestion d’une procédure de licenciement économique.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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