Quand y a-t-il harcèlement moral commis par l’employeur en droit allemand ?
11.06.13Les juges allemands rejettent l’affirmation de harcèlement moral d’une salariée par son employeur
Le conseil de prud’hommes de Düsseldorf a rendu le 26 mars 2013 un jugement sur le harcèlement moral commis par un employeur. En l’espèce, la demande en réparation d’un dommage moral d’une salariée a été rejetée, parce qu’elle n’a pas pu prouver de manière circonstanciée qu’elle était harcelée par son employeur.
Auparavant, l’employée avait été licenciée pour faute grave par son employeur allemand en raison d’une fraude au temps du travail. Le licenciement a été néanmoins annulé par le conseil de prud’hommes allemand. Dans la foulée, l’employeur assigné avait déplacé la salariée ailleurs dans l’entreprise. L’employée a ressenti comme du harcèlement moral cette mesure ainsi que les contrôles du travail renforcés, le refus de certaines formations continues et l’ambiance de travail généralement aggravée. Elle a finalement subi une dépression nerveuse.
Le conseil de prud’hommes a au contraire considéré que les faits exposés par l’employée ne constituaient pas un cas de harcèlement moral selon le droit du travail allemand. Le harcèlement moral pose comme condition, selon la jurisprudence allemande constante, l’existence d’attaques, vexations et discriminations systématiques commises par un collègue ou un supérieur.
Cependant, le «harcèlement moral» n’est pas en tant que tel un concept juridique en Allemagne et ne crée pas un droit du salarié contre l’employeur. Un acte isolé ne peut être décisif : c’est le cumul de plusieurs actes individuels qui peut aboutir à une violation du droit de la personnalité ou de la santé du salarié. Les situations conflictuelles étant courantes dans la vie professionnelle, elles ne caractérisent pas, même si elles perdurent, un cas de harcèlement moral. Ne constituent également pas en général une atteinte au droit de la personnalité les instructions dans le cadre du droit de direction et sans tendance vexatoire ainsi que la critique justifiée ou même exagérée du travail.
Harcèlement moral en droit du travail allemand
Selon le droit du travail allemand, il faut en outre considérer le comportement antérieur aux faits du salarié pour apprécier les actes de l’employeur. Si le salarié a fait de la provocation, par exemple, il n’existe pas une relation entre coupable et victime et donc on ne peut pas parler de harcèlement moral en droit allemand.
Dans le cadre d’une action en réparation du dommage engagée contre l’employeur il appartient au salarié de prouver la violation d’un droit par l’employeur et l’existence d’un dommage qui en résulte.
Une action contre l’employeur allemand est aussi envisageable, dans le cas où il a violé son obligation de protection et d’assistance en n’empêchant pas le harcèlement moral commis par des collègues.
Harcèlement moral en droit du travail français
Contrairement au droit du travail allemand, le harcèlement moral est réglementé par la loi en droit du travail français : Depuis 2002, le Code du Travail français protège le salarié des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. De plus, le droit du travail français simplifie l’action du salarié en établissant une règle particulière de la charge de la preuve selon laquelle le salarié ne doit prouver que des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Ensuite il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.
Les employeurs français doivent donc être beaucoup plus prudents que les employeurs allemands sur le sujet du harcèlement moral.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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