Licencier une femme enceinte en congé pathologique ou en arrêt maladie
10.11.22La protection de la femme enceinte qui a des soucis de santé contre le licenciement n’est pas le même selon qu’elle est en congé pathologique ou en arrêt maladie (avec ou sans lien avec sa grossesse). Cette différence est fondamentale pour la salariée concernée. Voici le détail de tout ce qu’il faut savoir.
Salariée enceinte et protection contre le licenciement
Selon le droit du travail français, la salariée enceinte est protégée contre le licenciement pendant son congé maternité et après la naissance de son enfant.
Pour rappel, la salariée enceinte bénéficie d’une protection « absolue » contre le licenciement pendant le congé maternité et pendant la période de congés payés pris tout de suite après le congé maternité. Dans ce cas, le licenciement est purement et simplement interdit. Les salariés en France bénéficient de la même protection de la maternité qu’en Allemagne.
A l’inverse, la protection est dite « relative » pendant la grossesse et les 10 semaines consécutives à la reprise du travail, après le congé maternité ou les congés payés pris immédiatement après ce dernier. Dans ce cas, le licenciement est possible mais uniquement pour :
- faute grave ou
- impossibilité de maintenir le contrat de travail,
et ce, à condition que cela ne soit pas lié à la grossesse ou la maternité.
La salariée bénéficie également d’une protection absolue pendant sa grossesse en cas d’arrêt de travail en raison de son état pathologique de grossesse attesté par un médecin.
La Cour de cassation est venue préciser les conditions permettant de bénéficier de la protection absolue contre le licenciement pendant le congé pathologique, qui vient prolonger le congé maternité d’une durée de 6 semaines maximum (2 semaines avant l’accouchement et 4 semaines après) dans un arrêt du 14 septembre 2022 (n° 20-20.819 F-D).
Protection absolue pendant le congé pathologique lié à la grossesse
Il est prévu par le Code du travail que la protection absolue s’applique aussi pendant le congé « pathologique », qui augmente la durée officielle du congé maternité. Cela concerne les périodes d’arrêt de travail causées par un état pathologique résultant de la grossesse ou de l’accouchement, prouvées par un certificat médical.
Le médecin prescrivant un arrêt de travail lié à la grossesse doit cocher la case « en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse » sur le formulaire donné à la sécurité sociale et à l’employeur, autrement la salariée ne bénéficiera pas de la protection absolue contre le licenciement.
Ainsi, la protection absolue est accordée pendant un congé pathologique mais pas pendant un arrêt maladie « classique ». En conséquence, un arrêt de travail pour une maladie non liée à la grossesse ou à l’accouchement, avant ou après le congé maternité n’ouvre pas droit à la protection absolue. La salariée ne bénéficie alors que de la protection relative.
Obligation pour le médecin de cocher la case « en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse »
La Cour de cassation a rappelé la nécessité pour le médecin de cocher la bonne case pour que la salariée bénéficie de la protection absolue, à savoir la case « en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse ».
Il s’agissait ici d’une employée de maison opposée à son ancien employeur qui l’avait licenciée pour faute grave, quelques temps seulement avant le début de son congé maternité alors qu’elle était à ce moment-là en arrêt maladie.
Le médecin prescrivant l’arrêt maladie n’avait pas coché la case liant l’arrêt maladie à un état pathologique lié à la grossesse mais avait indiqué sur le formulaire que la suspension du contrat était liée à des contractions utérines.
Ainsi, la salariée considérait que le lien entre l’arrêt de travail et la grossesse était évident et qu’elle pouvait bénéficier de la protection absolue contre le licenciement. Par ailleurs, un certificat du médecin établi plus d’un an après les faits confirmait ce lien.
Interprétation stricte du Code du travail concernant la protection liée au congé pathologique
Cependant, la Cour de cassation a rejeté cet argument et s’en est tenue strictement aux dispositions prévues par l’article L. 1225-21 du Code du travail qui dispose que « lorsqu’un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l’accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci ».
Cette interprétation semble stricte pour la salariée car le lien entre l’arrêt maladie et la grossesse était effectivement avéré d’un point de vue strictement médical, même si les conditions formelles du Code du travail n’avaient pas été remplies.
Par ailleurs, le certificat médical établi a posteriori n’a pas été utilisé car il a été jugé comme dépourvu de toute valeur probante.
Le licenciement pour faute grave a donc été reconnu valide par la Cour de cassation puisque la salariée ne bénéficiait à ce moment-là que d’une protection relative contre le licenciement, autorisant donc l’employeur à la licencier.
Que faut-il retenir de cette décision des juges ? Il est important de vérifier si la case relative au congé pathologique sur le formulaire d’arrêt de maladie a été ou non cochée par le médecin. Les droits de la salariée en dépendent.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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Photo: Maksym