La loi sur l’immigration de main-d’œuvre qualifiée en Allemagne

13.06.24  
loi- sur l'immigration en Allemagne de main d'oeuvre qualifiée
La loi sur l’immigration de main-d’œuvre qualifiée en Allemagne
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La loi dite sur l’immigration de main-d’œuvre qualifiée (FKEG = Fachkräfteeinwanderungsgesetz), en vigueur depuis le 1er mars 2020, apporte des solutions au problème bien connu de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Allemagne. La loi assouplit notamment la loi sur les titres de séjour des étrangers. Les professionnels qualifiés issus de pays tiers (États qui ne sont pas membres de l’Union européenne et pays autres que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse) peuvent ainsi immigrer plus facilement en Allemagne ou être mutés vers l’Allemagne. Les citoyens de l’UE bénéficient de toute façon de la libre circulation des travailleurs. Dans cet article, nous expliquons la migration professionnelle et les principales dispositions de la loi FKEG.

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Définition de la migration professionnelle

Il s’agit essentiellement d’une migration en vue d’exercer une profession en activité salariée. Cela concerne notamment les emplois en Allemagne qui requièrent une qualification professionnelle élevée ou un diplôme d’enseignement supérieur.  

Définition des professionnels représentant la main-d’œuvre qualifiée au sens de la loi FKEG

Un professionnel à ce sens est un étranger qui :

  1. détient une formation professionnelle qualifiée (allemande) ou une formation professionnelle qualifiée étrangère équivalente à une formation professionnelle qualifiée nationale (main-d’œuvre qualifiée de formation professionnelle) ou
  2. est titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur allemand, d’un diplôme de l’enseignement supérieur étranger reconnu ou équivalent à un diplôme de l’enseignement supérieur allemand (main-d’œuvre qualifiée d’enseignement supérieur).

Quelles sont les conditions pour obtenir un titre de séjour pour les étrangers de pays tiers souhaitant travailler en Allemagne ?

Le principe

En principe, le droit de séjour prévoit que les professionnels qualifiés de pays tiers doivent remplir les conditions suivantes :

  1. Offre d’emploi ferme en Allemagne,
  2. Reconnaissance de la formation professionnelle validée à l’étranger ou d’un diplôme de l’enseignement supérieur obtenu à l’étranger,
  3. Acceptation par l’Agence du travail Allemande (Bundesagentur für Arbeit).

Si ces conditions sont remplies, les professionnels reçoivent un titre de séjour d’une durée de 4 ans. Si le contrat de travail prévoit une durée plus courte, le titre de séjour est délivré pour cette durée, prolongée de 3 mois, mais ne peut dépasser 4 ans.

Des exceptions à ce principe sont désormais prévues par la loi FKEG depuis 2020, qui facilitent la migration professionnelle pour les étrangers :

Dérogation justifiée par le niveau de la langue

Un professionnel qualifié pourra venir en Allemagne, même sans promesse d’embauche, pour la recherche d’emploi s’il dispose des connaissances de la langue Allemande (au moins le niveau B1). Dans ce cas, un titre de séjour est délivré pour une durée de 6 mois. Le titre de séjour permet également les essais professionnels jusqu’à 10 heures par semaine. Finalement, la personne doit disposer de ressources suffisantes pour subvenir à ses propres besoins.

Bon à savoir : les professionnels diplômés de l’enseignement supérieur n’ont pas besoin de justifier ce niveau de la langue Allemande.

Dérogation justifiée par la validation des acquis professionnels étrangères

Un professionnel qualifié peut également être autorisé à entrer en Allemagne dans le but de faire reconnaître ses qualifications professionnelles acquises à l’étranger. La condition préalable est un accord entre l’Agence de travail Allemande et l’autorité public du travail du pays d’origine. Le titre de séjour est délivré pour une durée d’un an et peut être prolongé d’un an à chaque fois jusqu’à une durée de séjour maximale de trois ans. Le professionnel doit avoir un niveau de langue suffisant (A2 ou plus). Les essais professionnels sont également possibles jusqu’à 10 heures par semaine, ainsi qu’un contrat de travail dans le domaine d’activité de main d’œuvre initialement prévue.

Dérogation justifiée par une expérience professionnelle confirmée dans le domaine de l’informatique

Un étranger jouissant d’expériences professionnelles confirmées peut se voir délivrer un titre de séjour pour une durée de quatre ans afin d’exercer un emploi qualifié si l’exercice de son emploi est bien prévu par le décret national sur l’emploi de travailleurs étrangers (Beschäftigungsverordnung). Selon ce décret sur l’emploi des travailleurs étrangers, les domaines concernés par les étrangers qui jouissent de la validation de leur expérience professionnelle sont les métiers de l’informatique et de la communication. Concrètement, il faut prouver qu’une expérience professionnelle d’au moins trois ans au cours des sept dernières années.

D’autres prérequis sont prévus pour répondre à cette dérogation :

  1. Justifier d’un salaire minimum (au moins 60 % du plafond annuel de l’assurance retraite générale, soit 54 360 euros en 2024) et
  2. Justifier d’un niveau de langue suffisant (au moins B1). Il est toutefois possible de déroger à ce prérequis dans des cas particuliers.

Dérogation pour faire reconnaitre la qualification professionnelle

Les étrangers se voit également attribuer un titre de séjour d’une durée de deux ans pour initier les démarches pour faire reconnaitre et valider leur formation professionnelle obtenu à l’étranger. Cette procédure nécessite la justification d’un niveau de langue suffisant (A2 ou plus). Les essais professionnels sont également possibles jusqu’à 10 heures par semaine, ainsi qu’un contrat de travail dans le domaine d’activité de main d’œuvre initialement prévue.

Dérogation pour intégrer un apprentissage de métier ou suivre des études

De même, la loi FKEG a créé un nouveau titre de séjour pour l’entrée en vue de suivre une formation en entreprise.

Un titre de séjour peut être délivré à un étranger en vue de la recherche d‘une place d’apprentissage pour effectuer une formation professionnelle qualifiée, lorsqu’il :

  1. n’a pas encore atteint l’âge de 25 ans,
  2. peut subvenir financièrement à ses propres besoins
  3. est titulaire d’un diplôme d’une école internationale allemande à l’étranger ou d’un diplôme de fin d’études qui donne accès à l’enseignement supérieur sur le territoire fédéral ou dans l’État où le diplôme a été obtenu, et
  4. dispose d’un bon niveau de la langue allemande (B2 ou plus).

Le titre de séjour est délivré pour une durée maximale de six mois.

Un titre de séjour peut être délivré à un étranger pour qu’il puisse faire les démarcher pour intégrer un cursus universitaire, sous réserve qu’il :

  1. dispose du niveau d’étude et de langue nécessaires pour l’admission à l’université ou s’il compte acquérir ce niveau pendant la durée de son séjour (9 mois) et
  2. peut subvenir financièrement à ses propres besoins

Dans quelle mesure la loi FKEG simplifie-t-elle la procédure pour obtenir un titre de séjour ?

Procédure accélérée pour les professionnels

La FKEG a introduit ce que l’on appelle une « procédure accélérée pour main d’œuvre qualifiée » qui implique la collaboration entre les employeurs et l’administration des affaires étrangères (Ausländerbehörde). Lorsque le demandeur étranger donne procuration à l’employeur, celui-ci pourra demander la procédure accélérée.

Qui est éligible ?

Les étrangers peuvent bénéficier de la  » procédure accélérée pour main d’œuvre qualifiée  » lorsque l’objectif de leur demande de titre de séjour concerne :

  1. les formations et formation continue en entreprise,
  2. les démarches de reconnaissance des qualifications professionnelles étrangères,
  3. la main d’œuvre dans un emploi qualifié par un migrant de formation professionnelle
  4. la main d’œuvre dans un emploi qualifié par un migrant diplômé.

La « procédure accélérée pour main d’œuvre qualifiée » peut également être utilisée dans le but d’obtenir une carte bleue européenne (un titre de séjour pour les diplômés de pays tiers ayant une expérience professionnelle dans certains secteurs professionnels).  

Quels sont les avantages ?

  • L’administration des affaires étrangères assiste les employeurs pendant la procédure
  • L’administration des affaires étrangères se charge de la communication avec les autres administration (par ex. lors de la demande de visa)
  • La procédure est plus rapide

Quelles sont les étapes ?

1ère étape : Procuration à l’employeur

2ème étape : Prise de contact par l’employeur avec l’administration des affaires étrangères

3ème étape : Accord convenu entre l’employeur et l’administration des affaires étrangères (frais de dossier 411,00 €)

4ème étape : Reconnaissance de la qualification professionnelle étrangère (délai : 2 mois)

5ème étape : Validation du dossier par l’agence du travail (délai : 1 semaine ; sans réponse après 1 semaine, l’accord est considéré comme donné)

6ème étape : Confirmation préalable à la demande de visa

7ème étape : Demande du visa à l’étranger

Service de consultation

En outre, la loi FKEG a mis en place un service qui accompagne les démarches pour la reconnaissance de diplôme et de qualification et une administration centralisée pour les étrangers. Ce service est accessible aux migrants qualifiés pour les conseiller pendant la procédure de reconnaissance. Le service conseille par exemple sur le déroulement de la procédure, ou alors sur les documents qui seront nécessaires de rassembler pour la demande.

L’énoncé de la « loi sur le développement de l’immigration de main-d’œuvre qualifiée »

En novembre 2023, en mars 2024 et en juin 2024, une réforme visant à élargir la loi FKEG de 2020 est progressivement entrée en vigueur, la « loi sur le développement de l’immigration de main-d’œuvre qualifiée ». Elle comporte trois piliers :

  1. Le pilier de la main-d’œuvre qualifiée
  2. Le pilier de l‘expérience
  3. Le pilier des compétences

Le pilier de la main-d’œuvre qualifiée

Le pilier de la main-d’œuvre qualifiée est l’élément le plus important de la réforme de la loi de 2023. Pour l’essentiel, les nouveautés suivantes ont été apportées :

Révision des règles relatives à la carte bleue européenne (depuis novembre 2023)

La carte bleue européenne est un titre de séjour pour les personnes hautement qualifiées venant d’un pays non-membre de l’UE. La carte bleue européenne peut être demandée dans presque tous les États membres de l’UE. Les conditions varient légèrement d’un État membre à l’autre.

Depuis novembre 2023, les seuils salariaux pour la carte bleue européenne pour l’Allemagne ont été diminués. Désormais, un salaire minimum de 45,3 % du plafond annuel des cotisations à l’assurance retraite générale (soit 41 042 euros en 2024) s’applique aux professions dites de pénuries de main d’œuvre et les jeunes diplômés, et de 50 % pour toutes les autres professions (soit 45 300 euros).

La liste des professions en pénurie de main-d’œuvre a été considérablement élargie. Elle comprend notamment des professions dans le domaine des sciences naturelles, de la production de biens, de la construction, de la logistique, des technologies de l’information et de la communication, de la médecine et de l’enseignement.

Le seuil salarial inférieur de 45,3 % s’applique également aux spécialistes en informatique qui ne sont pas diplômés de l’enseignement supérieur, mais qui peuvent justifier d’au moins trois ans d’expérience professionnelle équivalente.

Droit à l’admission du titre de séjour (depuis novembre 2023)

A noter également, que la main-d’œuvre qui a appris un métier ou qui possède un diplôme de l’enseignement supérieur aura désormais le droit à la délivrance d’un permis de travail s’ils répondent aux critères exigés. Auparavant, la décision était soumise à l’appréciation de l’autorité, ce qui signifie que le titre de séjour pouvait être refusé dans certains cas bien que les critères soient respectés. La nouvelle réglementation assure plus de soutien juridique pour les migrants demandeurs. En outre, la loi est désormais formulée de telle sorte qu’un permis de séjour est délivré pour l’exercice de tout emploi qualifié. Ainsi, l’emploi exercé ne doit plus nécessairement être en rapport avec la formation professionnelle ou le diplôme d’enseignement supérieur. Il convient de noter qu’il existe des exceptions pour les professions réglementées (professions dans lesquelles on ne peut exercer qu’avec des qualifications bien précises, comme la médecine).

Le pilier de l’expérience

Outre les qualifications professionnelles acquises ou les diplômes de l’enseignement supérieur, la réforme législative de 2023 met désormais davantage l’accent sur l’expérience professionnelle acquise.

a) L’expérience professionnelle des migrants, remplace la reconnaissance de leur diplôme (depuis mars 2024)

Toute personne ayant au moins deux ans d’expérience dans son métier et titulaire d’une formation professionnelle reconnue par l’État dans son pays peut obtenir un titre de séjour en Allemagne. Il n’est plus nécessaire de faire reconnaitre sa formation.

De plus, le seuil de 3 ans d’expérience professionnelle mentionnée précédemment pour les spécialistes en informatique est diminué à 2 ans.

b) Entrée et emploi dans le cadre d’un partenariat de reconnaissance (depuis mars 2024)

L’accord de partenariat (accord entre l’employeur et l’employé) permet d’obtenir un titre de séjour pour exercer un emploi qualifié et d’effectuer une procédure de reconnaissance nécessaire seulement après l’entrée sur le territoire. Les conditions suivantes doivent être remplies : un contrat de travail est conclu, une formation diplômante d’au moins deux ans ou un diplôme d’enseignement supérieur est validé et le niveau de langue est suffisant (A2 ou plus). Le titre de séjour est généralement délivré pour une durée d’un an et peut être prolongé jusqu’à trois ans.

Le pilier des compétences (depuis juin 2024)

La « carte des opportunités » (Chancen-Karte  – une attribution spécifique de visa) introduit un système de points, qu’on retrouve au Canada par exemple, qui permet d’obtenir un titre de séjour spécifiquement attribué pour rechercher un emploi.

D’une part, les ressortissants de pays tiers qui justifient d’une équivalence reconnue par l’Etat Allemand de leur qualification étrangère et qui sont donc considérés comme des « travailleurs qualifiés » peuvent obtenir la « carte des opportunités » sans autres conditions particulières.

Tous les autres ont la possibilité d’obtenir cette « carte des opportunités » selon le système de points. Les conditions sont les suivantes : Un diplôme de l’enseignement supérieur ou une formation diplômante d’au moins deux ans (reconnus par l’État) ainsi qu’un niveau de langue basique en allemand (A1) ou un bon niveau en anglais (B2 ou plus).


Conclusion

La loi FKEG de 2020 et la réforme de 2023 mettent en place de nombreuses dispositions qui facilitent la migration professionnelle vers l’Allemagne. Dans l’ensemble, le législateur se montre de plus en plus enclin à adapter les dispositions légales à la réalité démographique et à réduire les obstacles bureaucratiques pour la main d’œuvre qualifiée.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: hkarma

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