La réforme des conseils de Prud’hommes du 6 août 2015
21.09.15La loi Macron, de son nom officiel « Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » du 6 août 2015, déposée en décembre 2014 à l’Assemblée nationale, a fait couler beaucoup d’encre. En effet, cette loi traite de toute une série de sujets et introduit notamment une réforme profonde du droit du travail français. Elle porte réforme, entre autres, de la procédure devant le Conseil des Prud’hommes, qui tranche les litiges entre employeurs et salariés, et dont les délais de jugement sont considérés comme trop longs par les justiciables. Ces délais sont dus à l’engorgement de la juridiction en raison des nombreux recours. Déjà en 2014, une petite réforme avait été introduite pour améliorer les modalités de nomination des juges prud’homaux. Mais cette réforme était trop modeste aux yeux du Gouvernement.
La nouvelle loi a en effet pour ambition de réformer la procédure devant les Conseils de Prud’hommes, afin de raccourcir les délais de traitement des litiges, en donnant plus de pouvoirs au bureau de conciliation, en transformant les formations de jugements, dont la saisine est flexibilisée et en prévoyant des solutions de règlement à l’amiable des litiges. En outre, afin de mieux protéger les droits des justiciables un statut de défenseur syndical est créé.
Premier grand volet de la réforme : La transformation du bureau de conciliation
Le bureau de conciliation est désormais désigné sous le nom de « bureau de conciliation et d’orientation » et il dispose de nouveaux pouvoirs. Il reste comme jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi Macron composé d’un conseiller salarié et d’un conseiller employeur.
Comme son nouveau nom l’indique, il a pour fonction la conciliation entre les parties mais également l’orientation du litige vers une formation de jugement.
Avant la phase contentieuse, les parties se rendent à une audience de conciliation, pendant laquelle elles sont incitées à rechercher une solution amiable à leur litige. En cas d’échec de la conciliation, la phase contentieuse est enclenchée, au terme de laquelle la formation de jugement tranche le litige. La pratique actuelle de non conciliation ne devrait pas changer après la réforme.
Mais le bureau de conciliation et d’orientation a désormais de nouveaux pouvoirs, qui s’étendent au-delà de la phase de conciliation. Sous certaines conditions, il peut ainsi décider d’orienter l’affaire vers l’une des trois formations de jugement, et prendre une part active à l’issue du litige. Avant la loi croissance et activité, l’affaire était toujours automatiquement jugée par la formation classique du Conseil des Prud’hommes, la formation de départage n’entrant en jeu qu’exceptionnellement.
Le bureau de conciliation et d’orientation a également un pouvoir de mise en état de l’affaire, c’est-à-dire qu’il peut procéder à l’instruction, phase pendant laquelle sont échangées les conclusions et pièces entre parties et ce à quoi le bureau de jugement peut les obliger. Ceci est en contradiction avec le principe de l’oralité de la procédure prud’homale, nous en verrons le résultat avec la pratique.
Afin de concilier les parties, le bureau de conciliation peut désormais entendre les parties séparément et de façon confidentielle. Ceci est une technique issue de la médiation et a évidemment pour but de permettre un rapprochement des parties sous l’égide du bureau de conciliation. Cependant, ceci est discutable au vu du principe du contradictoire, qui exige que tout ce qu’une partie communique au juge doit pouvoir être connu par l’autre partie, pour lui permettre d’y répondre.
Second grand volet de la réforme : Les nouvelles formations de jugement du Conseil des Prud’hommes pour accélérer les procédures: formation restreinte, de départage et de jugement classique
Désormais, il existe trois formations de jugement, au lieu de deux auparavant. Le bureau de conciliation a la possibilité de diriger le litige vers l’une de ces trois formations. Auparavant, le litige était automatiquement transmis à la formation de jugement classique, composée de deux représentants salariés et deux représentants employeurs, d’où la nature paritaire du conseil des prud’hommes. Ce n’était que s’il y avait un partage de voix au sein de la formation de jugement classique, que l’affaire était transférée devant la formation de jugement de départage, présidée par un juge professionnel, désigné au sein du Tribunal d’instance du ressort du CPH. Celui-ci dispose d’une voix prépondérante et tranche le litige au final, lorsque les autres conseillers n’arrivent pas à se mettre d’accord. Mais cela relevait de l’exception.
A présent, il existe trois formations de jugement :
- la formation restreinte, composée d’un représentant salarié et d’un représentant employeur,
- la formation de jugement, composée, comme avant, de deux conseillers salariés et de deux conseillers employeurs, et
- la formation de jugement de départage, composée de de deux conseillers salariés et de deux conseillers employeurs et présidée par un juge professionnel, le juge départiteur.
La formation restreinte tranche les litiges concernant soit les licenciements, soit la résiliation judiciaire des contrats de travail, sous condition d’accord des parties. Le bureau de conciliation peut directement diriger une affaire vers cette formation restreinte. Celle-ci doit trancher le litige dans un délai de 3 mois. Ceci est un avantage pour les justiciables qui souhaitent voir leur contentieux réglé rapidement. Mais, le fait qu’il y ait moins de conseillers pour débattre de l’affaire est susceptible de nuire à l’impartialité des juges et à la qualité des débats. En outre, il n’existe pas de moyen de sanction si le délai de trois mois n’est pas respecté. Par conséquent, le règlement rapide du litige n’est pas garanti.
Le bureau de conciliation et d’orientation peut également orienter l’affaire directement vers la formation de départage, en fonction de la nature de l’affaire ou en cas de demande des parties. Le critère de « nature de l’affaire » est imprécis, et il faudra attendre l’application du texte de loi en pratique pour pouvoir prévoir quand une affaire est susceptible d’être dirigée vers la formation de départage. Le fait de voir son affaire tranchée avec l’aide d’un juge professionnel est rassurant pour les justiciables mais statistiquement ce sont ces formations qui mettent le plus de temps à juger.
La formation de jugement classique reste la formation de jugement par défaut, dont on connaît déjà le fonctionnement.
Troisième grand volet de la réforme : Les nouvelles solutions de règlement des conflits à l’amiable avant la saisine du Conseil de Prud’hommes
La loi Macron a ouvert les méthodes classiques de règlement des litiges à l’amiable, c’est-à-dire ne nécessitant pas l’intervention d’un juge, aux conflits entre salariés et employeurs.
Auparavant, ces méthodes étaient soient restreintes à quelques cas du droit social, soit même totalement fermées, les salariés n’étant aux yeux du législateur par sur un pied d’égalité avec les employeurs.
D’une part, le champ de la médiation conventionnelle, limitée jusqu’à présent aux litiges transfrontaliers est dans la loi Macron désormais possible pour le règlement amiable de tous les litiges en matière de droit du travail. Il s’agit d’une convention par laquelle les parties s’accordent pour faire appel à un tiers, le « médicateur », qui tentera de les rapprocher pour qu’elles trouvent un accord sans passer devant le juge. Cette médiation, facultative, est une phase qui se déroule préalablement à la saisine du juge. En cas d’échec, une saisine des prud’hommes est toujours possible. Il s’agit simplement d’éviter trop de saisines des prud’hommes et, par conséquent de mettre un terme à l’engorgement de cette juridiction.
Par ailleurs, la convention de procédure participative peut désormais être conclue entre salarié et employeur. Prévue par le Code civil, la convention de procédure participative excluait les litiges entre salariés et employeurs. Il s’agit d’une « convention par laquelle les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ». Les parties sont assistées pendant cette phase amiable par un avocat. Il s’agit de négocier par l’intermédiaire d’un avocat un accord transactionnel, afin d’éviter une saisine du juge. Pendant toute la durée de la négociation de cette convention, la saisine du juge est irrecevable. En cas d’échec de la convention, les parties sont exemptées du passage devant le bureau de conciliation et sont donc directement orientées devant la formation de jugement qui statuera sur le litige.
Quatrième grand volet de la réforme : Statut de défenseur syndical des salariés devant les Conseils de Prud’Hommes
La loi « croissance, activité et égalité des chances économiques » institue un statut de défenseur syndical. Il s’agit d’une personne exerçant les fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. Elle a ainsi la faculté de représenter ou d’assister des salariés ou employeurs devant en matière de justice prud’homale.
Auparavant, cette possibilité de se faire assister par un salarié existait déjà mais les personnes exerçant ces fonctions étaient désignées directement par les organisations syndicales ou professionnelles représentatives. A présent, ces personnes bénéficient d’un statut de « défenseur syndical », et sont désignées par l’administration sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés représentatives. Les défenseurs syndicaux bénéficient, comme avant la réforme, de 10 heures par mois pour exercer leurs fonctions d’assistance, remboursées à l’employeur par l’Etat, lorsqu’ils font partie d’une entreprise d’au moins 11 salariés.
Nous pouvons constater en un mot que la Loi Macron a pour objectif d’accélérer les procédures devant les conseils de prud’hommes, notamment à l’occasion de la contestation d’un licenciement. Le nouveau dispositif compte particulièrement sur la volonté des parties de régler le litige à l’amiable et le recours à des personnes qui ne sont pas forcément des professionnels du droit du travail. Nous devons attendre pour voir si l’objectif de la loi pourra être rempli.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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