Le CDD d’usage en France spécifique à certains secteurs

Publié le 24.04.25
Tout sur le CDD d'usage
Le CDD d’usage en France spécifique à certains secteurs
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Le CDD d’usage est un contrat de travail temporaire bien particulier. Autorisé uniquement dans certains secteurs d’activité, il permet d’embaucher sans durée minimale ni justification d’un besoin exceptionnel. Il offre donc une certaine forme de flexibilité et peut s’avérer très utiles pour des entreprises allemandes ayant des activités en France. Mais attention : son recours est très encadré. En cas de manquement, l’employeur s’expose à de lourdes sanctions. Dans cet article, nous expliquons de façon simple et concrète quand et comment utiliser le CDD d’usage, et ce qu’il faut absolument savoir pour éviter les erreurs.

Qu’est-ce que le CDD d’usage ?

Le CDD d’usage (en abrégé : CDDU) est une forme particulière de contrat de travail est défini à l’article L. 1242-2 3° du Code du travail qui mentionne au point 3° les « Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».

Le recours aux CDDU en droit du travail français est par exemple très fréquent dans les secteurs de :

  • l’hôtellerie,
  • l’organisation de spectacles
  • le tourisme.

Les secteurs d’activité où il est possible de conclure un CDDU sont fixés par décret, et cette liste est limitative. Cette liste vient d’être complétée récemment, avec l’ajout de secteurs.

Différence avec un CDD classique

Le CDD d’usage diffère des autres formes de CDD dans le sens où le caractère temporaire de la mission peut suffire à justifier le CDDU dans les secteurs autorisés alors que pour les autres formes de CDD, il faut toujours une raison objective prévue par la loi : par exemple, remplacer un salarié absent ou justifier un accroissement d’activité.

Différence avec le détachement

Il ne faut pas confondre les situations où par exemple par un employeur allemand a besoin d’un salarié pour exécuter une mission limitée dans le temps, comme aller sur un chantier en France :

  • Dans le cas du CDDU : il s’agit d’une embauche spécifiquement pour travailler sur le chantier en France. Le salarié n’avait pas déjà un contrat de travail avec l’employeur allemand.
  • Dane le cas du détachement vers la France: il s’agit d’un salarié qui avait déjà un contrat de travail avec son employeur allemand et qui est envoyé sur cette mission limitée dans le temps de l’autre côté de la frontière. Donc, pas besoin de conclure un CDDU : le salarié reste soumis à son contrat d’origine.

Dans quels secteurs peut-on utiliser un CDD d’usage ?

La liste légale des secteurs de l’article D. 1242-1 du Code du travail

  • Les exploitations forestières ;
  • La réparation navale ;
  • Le déménagement ;
  • L’hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ;
  • Le sport professionnel ;
  • Les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ;
  • L’enseignement ;
  • L’information, les activités d’enquête et de sondage ;
  • L’entreposage et le stockage de la viande ;
  • Le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l’étranger ;
  • Les activités de coopération, d’assistance technique, d’ingénierie et de recherche à l’étranger ;
  • Les activités d’insertion par l’activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l’article L. 5132-7 ;
  • Le recrutement de travailleurs pour les mettre, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques, dans le cadre du 2° de l’article L. 7232-6 ;
  • La recherche scientifique réalisée dans le cadre d’une convention internationale, d’un arrangement administratif international pris en application d’une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ;
  • Les activités foraines ;
  • Les activités de soutien et de fourniture mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la défense assurées à l’étranger.

Cette liste vient d’être complétée par une nouvelle activité. Le décret a été publié le 23 mars 2025.

Le point 16° concernant les activités de soutien et de fourniture de services, denrées et marchandises aux forces armées à l’étranger vient en effet d’être ajouté. Cela a eu lieu dans le contexte de guerre en Ukraine. Le ministère du travail prend donc au sérieux le contexte géopolitique actuel.

Cas prévus dans une convention collective

Une convention collective peut en effet également prévoir le recours aux CDDU comme c’est par exemple le cas dans la convention collective Syntec ou la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.

Comment est analysé le secteur d’activité ?

L’usage de ne pas recourir aux CDI doit être constant au niveau du secteur d’activité de l’entreprise.

L’activité principale de l’entreprise et non l’activité réelle exercée par le salarié permet de déterminer si l’utilisation du CDDU est autorisée ou non.

Trois conditions sont donc à remplir :

  • Le secteur d’activité autorise le recours aux CDDU ;
  • Il est d’usage constant de ne pas avoir recours au CDI ;
  • L’emploi est de nature temporaire et les missions sont récurrentes.

Conditions préalables et particularités du CDD d’usage

Un besoin par nature temporaire

Le poste proposé doit correspondre à un besoin temporaire et précis, c’est-à-dire un travail qui, par définition, n’est jamais permanent dans l’entreprise. Cela peut être une mission de quelques heures, quelques jours ou quelques mois.

Cela peut être lié, par exemple, à des saisons touristiques, des événements ponctuels, ou des périodes d’activité irrégulière.

Exemples :

  • Renfort du personnel pendant un festival ;
  • Embauche d’un serveur supplémentaire pour la saison d’été.

Si le besoin devient habituel ou permanent, l’entreprise devra proposer un CDI.

L’absence de poste permanent

Le CDD d’usage ne doit pas couvrir un emploi permanent dans l’organisation.

Le poste concerné doit par nature être instable ou aléatoire.

L’utilisation d’un CDD d’usage pour occuper un poste structurel (ex : réceptionniste à l’année) est illégale et expose l’employeur à une requalification en CDI.

Comment rédiger un CDD d’usage ?

Mentions obligatoires du CDDU

En cas de recours au CDDU, il est important que le contrat mentionne :

  • le secteur d’activité concerné ;
  • le motif du recours au CDDU ;
  • la durée du contrat ;
  • le poste occupé ;
  • la rémunération et ses composantes (par exemple heures supplémentaires);
  • l’intitulé de la convention collective ;
  • le temps de travail ;
  • la durée de la période d’essai le cas échéant ;
  • le nom et l’adresse de la mutuelle, de la prévoyance et de la retraite complémentaire.

Certaines conventions collectives peuvent lister d’autres mentions obligatoires.

Durée et renouvellements

La durée minimale et la durée maximale du temps de travail est fixée par les usages de chaque secteur d’activité.  En général, la durée maximale est de 18 mois.

Le contrat doit indiquer la date de fin de contrat ou a minima une durée minimale s’il n’y a pas de terme précis. Il doit également préciser les conditions de renouvellement s’il est prévu d’éventuellement renouveler le contrat.

En cas de CDDU, il n’y a pas de délai de carence en cas de succession de contrats avec le même salarié ou quand il s’agit de plusieurs salariés pour le même poste de travail. Cela permet donc une grande flexibilité pour l’employeur. En revanche, en cas de conflit, le juge devra vérifier si l’utilisation successive des CDD est justifiée par des raisons objectives et si le caractère temporaire de l’emploi est bien démontré.

Formalisme

Le CDDU doit toujours être écrit, rédigé en français et contenir la précision du motif. Il faut donc explicitement citer le secteur d’activité, autrement il peut être requalifié en CDI. Pour chaque mission du salarié, un contrat doit être préparé et signé.

Le contrat doit être remis dans les 2 jours qui suivent l’embauche.

Quels sont les risques en cas de non-respect ?

Requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Le CDD peut être requalifié en CDI, ce qui a pour conséquence notamment :

  • De rendre obligatoire une poursuite du paiement des salaires au-delà du terme du CDD ;
  • De créer de nombreuses autres obligations liées au CDI.

Il faut donc être très vigilant. Dans le cas des CDDU, il peut être requalifié en CDI par exemple si le secteur d’activité ne l’y autorise pas, si le CDD concerne un emploi permanent et pas une tâche temporaire, le CDD n’est pas établi à l’écrit, les conditions de renouvellement ne sont pas respectées, etc.

La demande de requalification peut être faite dans les 2 ans à compter de la date de fin du dernier CDD, elle doit être faite devant le conseil de prud’hommes sous forme de requête.

Sanctions financières

En cas de requalification devant un conseil de prud’hommes, une indemnité de requalification d’au moins 1 mois est versée. Par ailleurs, la requalification a un effet rétroactif et immédiat, de sorte que le salarié peut bénéficier du CDI dès la date d’embauche. Le salarié peut réintégrer l’entreprise en CDI ou bénéficier d’une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Exemples pratiques et modèle Erreurs typiques des employeurs allemands

Exemple de recours au CDD d’usage

Une entreprise d’événementiel allemande organise chaque année un grand salon international à Paris. Pendant cet événement, elle a besoin de renforcer temporairement son équipe d’accueil pour gérer l’afflux de visiteurs.

Elle recrute plusieurs hôtes et hôtesses d’accueil pour une durée de 5 jours, uniquement le temps du salon. Ces personnes peuvent être recrutées en France ou en Allemagne ou ailleurs dans l’Union Européenne.

Elle conclut avec chaque salarié un CDD d’usage, en précisant :

Le secteur d’activité : événementiel ;

Le motif : accroissement temporaire d’activité lié à l’organisation du salon ;

La durée : du 12 au 16 mai inclus.

Le recours au CDD d’usage est parfaitement justifié car l’événementiel fait partie des secteurs autorisés pour recourir au CDD d’usage, le besoin est ponctuel et temporaire et les contrats sont formalisés par écrit avec toutes les mentions obligatoires.

Modèle de clause du CDD d’usage sur la justification à son recours

Le présent contrat est conclu sous la forme d’un contrat à durée déterminée d’usage, conformément à l’article L1242-2 3° du Code du travail.

Motif du recours : Le recours au CDD d’usage est justifié par la nature temporaire de l’activité exercée dans le secteur de l’événementiel, secteur pour lequel l’usage constant est de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour ce type de mission.

Le salarié est recruté pour assurer des missions d’accueil et d’orientation des visiteurs dans le cadre du Salon International de Paris « XX », qui se tient du 12 mai 2025 au 16 mai 2025, événement à caractère ponctuel nécessitant un renfort temporaire de personnel.

Erreurs typiques des employeurs allemands

L’erreur typique des employeurs allemands réside dans le fait de penser que de manière générale, les CDD sont très faciles à utiliser en France et qu’il n’y a pas besoin d’objet précis pour recourir en France. En effet, le recours aux CDD en Allemagne est beaucoup plus souple. Il arrive souvent que des employeurs allemands souhaitent embaucher par exemple un commercial en France en CDD afin de voir si cela fonctionne bien et si cela peut valoir le coup de développer le marché en France. Cela leur permettrait de choisir à la fin du CDD mais cela n’est pas possible en droit français. Il faut donc un réel motif de CDD autrement le risque de requalification est important. Et donc, pour le CDD d’usage, le risque augmente encore en raison des limitations encore plus importantes pour son recours.

Il est donc important de se faire assister par un avocat français pour ne pas faire l’erreur et risquer la requalification.

Aspects liés à la sécurité sociale

La prime de précarité n’est pas versée

Conformément à l’article L. 1243-10 du Code du travail, la prime de précarité habituellement due en fin de CDD n’est pas due pour les CDDU. Cela permet donc aussi à l’employeur d’économiser certains coûts par rapport à d’autres formes de CDD où la prime de précarité est en principe égale à 10% de la rémunération brute totale versée durant le CDD. En revanche, une convention collective peut prévoir des règles différentes.

Conséquences sur la charge fiscale et sociale

Tout comme un contrat classique, des cotisations sociales patronales et salariales sont à verser. De plus, le salarié paie son impôt sur le revenu comme d’habitude, et il est prélevé à la source, directement sur la fiche de paie.

Le salarié travaillant en France avec un contrat de droit français, le régime français de la sécurité sociale est donc applicable. L’employeur doit payer les cotisations sociales en France auprès de l’Urssaf qui gère le recouvrement.

Obligations de déclaration

Comme pour toute embauche classique, il est obligatoire de faire une déclaration préalable à l’embauche auprès de l’Urssaf dans les 8 jours suivants l’embauche. Il faut également faire des fiches de paie chaque mois et payer des cotisations sociales mensuelles. Il est donc indispensable de contacter un cabinet comptable franco-allemand qui créera un compte Urssaf et enregistrera l’employeur allemand en France dès que des salariés sont embauchés sur le sol français.

Exemple pratique : utilisation du CDD d’usage dans une entreprise allemande en France

Imaginons un groupe allemand d’hôtellerie qui ouvre un hôtel sur la Côte d’Azur. En raison de la météo, cet hôtel attire plus de clients au printemps et en été et il y a donc un besoin de personnel plus important que pendant le reste de l’année. L’hôtellerie faisant partie des secteurs autorisés par le code du travail où il est autorisé d’avoir recours aux CDD d’usage, il peut être autorisé d’embaucher par exemple des serveurs ou des femmes de ménage dans le cadre de CDD d’usage, pendant quelques mois ou jours. Le CDD d’usage permettra de s’adapter aux besoins spécifiques du groupe hôtelier.

Dans ce cas, le CDD doit préciser le motif et la tâche exercée par le salarié. Le salarié sera donc soumis au droit français puisque travaillant en France et les règles visées plus haut s’appliquent.

Conclusion

En conclusion, le CDD d’usage peut être très utile pour des besoins ponctuels et des tâches récurrentes, dans les secteurs où il est d’usage de ne pas recourir aux CDI. En revanche, il faut s’assurer que le secteur autorise le recours à ce type de CDD et se rapporter à la liste du Code du travail ou regarder dans la convention collective. Il convient d’être très vigilent sur la rédaction du contrat et les modalités d’exécution de la relation de travail.

Le CDD d’usage étant très spécifique et limité à des cas bien précis, il est indispensable de se faire conseiller autant sur sa faisabilité que sur la rédaction en tant que telle du CDD qui est très formelle et doit répondre à plusieurs exigences légales. Autrement, le risque de requalification en CDI existe.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: AmpYang Images

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