Le document de fixation de la rémunération variable rédigé en anglais est-il opposable au salarié ?
10.08.15Le 24 juin 2015, la Cour de cassation a rendu une décision au sujet de l’opposabilité de documents de travail non rédigés en français et destinés à une personne étrangère.
Plan de rémunération variable rédigé en anglais
Le 18 septembre 2000, une salariée américaine a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur un plan de rémunération variable qu’elle estimait inacceptable. Elle a alors saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, notamment concernant la rémunération variable qui lui était due. Plusieurs documents, fixant ses objectifs, permettaient de connaître le montant de cette rémunération variable.
Dans une décision rendue le 15 janvier 2014, la Cour d’appel de Versailles a calculé et limité la somme due au titre de la rémunération variable 2007 sur la base des objectifs fixés par ces documents. La salariée s’est pourvue en cassation contre la décision de la Cour d’appel. Selon elle, ces documents lui étaient inopposables en droit du travail français car ils avaient été rédigés seulement en anglais, sans qu’une traduction française ne lui ait été remise. Ainsi, elle a considéré que la Cour d’appel ne pouvait pas fixer la somme due sur la base de ces objectifs.
Le principe de la rédaction des documents fixant le cadre des relations de travail en langue française
La salariée s’est fondée sur des dispositions du code du travail, selon lequel tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français.
Par ailleurs, quelques mois auparavant dans une décision du 2 avril 2014, la Cour de cassation avait retenu que de tels documents rédigés en anglais étaient inopposables à un salarié français même si celui-ci maitrisait et travaillait dans cette langue. Ici, la Cour de cassation, n’a pas retenu cette interprétation.
L’exception d’inopposabilité appliquée strictement selon la nationalité du destinataire
Dans la décision du 24 juin 2015, la Cour de cassation a fait une application stricte de l’article L 1321-6 alinéa 3 du code du travail qui prévoit une exception à l’obligation d’utiliser la langue française pour les documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers. Selon elle, la Cour d’appel, ayant constaté que les documents étaient en anglais et que la salariée était citoyenne américaine, n’avait pas fait d’erreur.
La Cour de cassation a fait une application stricte de l’exception de rédiger en français les documents de travail dès lors que le destinataire est un salarié étranger, et que ces documents sont rédigés dans sa langue d’origine.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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