Le licenciement vexatoire

02.02.21  
Licenciement vexatoire
Le licenciement vexatoire
Licenciement vexatoire

Certes, en droit du travail français, l’employeur peut prononcer un licenciement à l’encontre de son salarié, dès lors que les règles de la procédure de licenciement sont respectées. Mais les juges veillent aussi à la dignité du salarié, même si rien n’est précisé dans les textes de loi.

Dans un arrêt du 16 décembre 2020 (18-23.966), la Cour de cassation s’est prononcée sur les agissements d’un employeur faisant suite au licenciement pour faute grave d’un de ses salariés : elle estime que les circonstances du licenciement étaient vexatoires. Nous allons voir pourquoi on pouvait considérer qu’il y avait un problème et quelles en ont été les conséquences pour l’employeur.

Licenciement motivé pour faute grave

Concrètement, les faits qui ont été soumis aux juges étaient les suivants : un employé, travaillant dans un bar depuis le 1er janvier 2010, d’abord en tant que serveur, puis en tant que responsable, est licencié le 26 septembre 2016 pour faute grave. Pour rappel, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Le licenciement est donc immédiat et sans préavis.

Pour justifier cette mesure, l’employeur invoque un manquement du salarié à son devoir de loyauté. Ce manquement est, selon l’employeur, caractérisé par de nombreux vols de marchandises, matériels et d’argent dans la caisse du bar, ainsi que par la consommation de drogues sur son lieu travail. Ces faits sont confirmés par plusieurs témoignages d’autres employés, ainsi que par des images de vidéosurveillance.

Le comportement fautif de l’employeur à la suite du prononcé du licenciement

Après avoir été licencié, l’ancien responsable de bar reproche à son employeur de l’avoir licencié sans motif, mais également d’avoir dévoilé au public les motifs de son licenciement, en évoquant le fait qu’il est un voleur et qu’il se drogue. Il décide donc de saisir le juge compétent, afin de solliciter deux choses :

  • la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
  • le paiement de dommages-intérêts pour la rupture de son contrat de travail dans des conditions vexatoires.

La Cour d’appel de Rennes estime que le licenciement pour faute grave est fondé et rejette l’intégralité des demandes de dommages-intérêts du salarié pour circonstances vexatoires.

Même avec une faute grave, l’employeur ne peut pas humilier son salarié

Constatant que la Cour d’appel a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire automatiquement en considérant que le licenciement était fondé, le salarié saisit la Cour de cassation.

Dans son arrêt du 16 décembre 2020, la Cour de cassation décide que les circonstances du licenciement doivent être analysées indépendamment de la cause du licenciement. En effet, selon les juges, un préjudice peut exister alors même qu’un licenciement pour faute grave est fondé, car le préjudice de la perte de l’emploi est distinct du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture.

Cela va dans le même sens que la décision rendue par la Cour de cassation le 22 juin 2016 qui énonçait que le licenciement pour faute lourde d’un salarié n’excluait pas des circonstances vexatoires dans lesquelles la rupture du contrat de travail a eu lieu.

Le licenciement en France, une mesure à haut risques pour l’employeur

La Cour de cassation rappelle avec sa décision récente que la procédure de licenciement est semée d’embûches. Non seulement, la procédure de licenciement régie par la Loi est complexe mais des règles non écrites sont à respecter. L’employeur du barman licencié n’a certainement pas pensé un instant que, au vu de la gravité du comportement du salarié, il serait interdit de répandre l’information pour expliquer le départ brutal du salarié et peut être aussi pour montrer au personnel la réaction de l’entreprise face à ces comportements. C’est la protection de la réputation du salarié qui l’a emporté, au final. On voit donc encore une fois à quel point il est compliqué de licencier sans accompagnement par un professionnel du droit.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

Tous droits de propriété intellectuelle réservés

Photo: Grafvision

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

* Mentions obligatoires

Vous avez une question sur ce point juridique et avez besoin d’un avocat ?