Licenciement économique : les limites de la protection du congé de maternité
10.10.16L’arrêt de la Cour de cassation du 14 septembre 2016 sur la protection durant le congé de maternité
Dès qu’un employeur a une salariée en congé maternité, il part du principe que le droit du travail lui interdit de prendre la moindre initiative à l’encontre de cette salariée. Or, les juges viennent de rappeler que cette protection n’est pas absolue. Par un arrêt rendu le 14 septembre 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue clarifier l’étendue de la protection offerte par le congé de maternité dans l’hypothèse d’une procédure de licenciement économique. Deux apports majeurs de cet arrêt doivent être retenus.
Information de la salariée en congé maternité concernant son licenciement économique
En l’espèce, un employeur informe sa salariée, alors en congé de maternité, que la société va mettre en œuvre un projet de restructuration impliquant la suppression de son poste et qu’un plan de sauvegarde de l’emploi a été soumis au comité d’entreprise.
Conformément à la procédure prévue en cas de licenciement économique, l’employeur propose à la salariée deux emplois de reclassement qui pourraient lui convenir. La salariée refuse cependant les deux postes proposés et se voit notifier son licenciement pour motif économique à l’expiration de son congé de maternité. La salariée assigne alors l’entreprise en nullité de son licenciement, arguant qu’une mesure préparatoire au licenciement engagée pendant le congé de maternité est prohibée par l’article L 1225-4 du Code du Travail.
Le licenciement pour motif économique peut être préparé pendant le congé de maternité
Le juge rejette toutefois la demande de la salariée, en estimant qu’une proposition de reclassement préalable à un licenciement pour motif économique ne constitue pas une mesure préparatoire au licenciement, mesure prohibée pendant le congé de maternité. En effet, pour la Cour de cassation, les mesures prises par l’employeur pendant le congé de maternité ont pour but d’éviter son licenciement et « ne pouvaient constituer une discrimination dans la mesure où il était indispensable de se rapprocher de la salariée pour précisément préparer son reclassement ».
Ainsi, le congé de maternité d’une salariée ne peut entraver l’engagement d’une procédure de licenciement pour motif économique à son égard. La Cour de cassation vient donc apporter des précisions supplémentaires quant à l’articulation du licenciement pour motif économique avec le congé maternité. Pour rappel, le juge avait déjà pu estimer dans un arrêt précédent du 10 février 2016 que la réorganisation de l’entreprise portée à la connaissance de la salariée avant son départ en congé maternité et ayant donné lieu à plusieurs propositions de postes, refusées par celle-ci, n’est pas une mesure préparatoire prohibée.
Tentative de la salariée de faire reporter la période de protection suivant le congé maternité
Outre la question des mesures préparatoires au licenciement économique, la salariée fait valoir que le licenciement lui a été notifié lors de la période de protection consécutive au congé et qu’il doit de ce fait être frappé de nullité. En effet, le Code du travail prévoit, en son article L. 1225-4, que la salariée de retour de congé de maternité dispose d’une protection contre le licenciement. Seules les exceptions suivantes permettent un licenciement :
- le cas de faute grave de la salariée ou
- d’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif non lié à la maternité.
La période de protection débute le jour de la reprise du travail pour une durée de quatre semaines (portée à dix semaines par la loi Travail le 10 août 2016).
En outre, selon une jurisprudence établie par la Cour de cassation, lorsque la salariée pose des congés payés immédiatement après son congé de maternité, le point de départ de la protection contre le licenciement peut être porté à l’expiration de ces congés payés.
En l’espèce, c’est de ces dispositions que la salariée entend se prévaloir : de retour de congé maternité le 6 août, elle se voit notifier d’emblée une période de dispense d’activité rémunérée sous la forme d’une absence autorisée jusqu’au 17 septembre de la même année, avant d’être licenciée pour motif économique le 27 septembre. La salariée argue que le point de départ de sa protection consécutive au congé de maternité aurait dû être porté à la fin de sa période de dispense d’activité rémunérée sous la forme d’une absence autorisée (le 17 septembre) et non dès son retour de congé maternité (le 6 août), ce qui invaliderait son licenciement en date du 27 septembre.
Pas de report de la période de protection suivant le congé maternité en cas de dispense d’activité rémunérée
La Cour de cassation rejette cependant fermement la demande de la salariée : une période de dispense d’activité rémunérée sous la forme d’une absence autorisée ne peut pas reporter le point de départ de la protection qui suit le congé de maternité. Sans surprise, le juge vient rappeler que « la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité n’est suspendue que par la prise des congés payés suivant immédiatement le congé de maternité » et exclut ainsi d’autres motifs de report que les congés payés.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur des situations similaires : ainsi, le juge a déjà pu par exemple refuser de reporter le début de la période de protection qui suit le congé de maternité lorsque, immédiatement après la fin de ce congé, la salariée est en arrêt de travail pour maladie, non consécutif à un état pathologique lié à la maternité.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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