Exposé de la Loi Travail (ou Loi El Kohmri) en bref

17.01.17  
Loi Travail ou El Khomri
Exposé de la Loi Travail (ou Loi El Kohmri) en bref
Loi Travail ou El Khomri

Calendrier de la Loi Travail et explications sur son contenu

La grande réforme du droit du travail français, intervenue en 2016 (la désormais célèbre « Loi Travail » ou encore « Loi El-Khomri »), est entrée en vigueur le 09.08.2016. L’application des nouvelles dispositions de cette loi dépend cependant très souvent de l’adoption de décrets d’application (plus de 120 en tout) par le Gouvernement. Ces décrets entrent en vigueur depuis août 2016 de manière successive selon un calendrier fixé par ses auteurs, comme par exemple le 20.12.2016, le 27.12.2016 ou le 01.01.2017.

Depuis l’adoption de la Loi Travail et d’une partie des décrets, les choses deviennent un peu plus précises et c’est donc l’occasion de faire un point sur la réforme.

Quelles nouveautés apporte cette réforme pour les employeurs et pour les salariés ? L’objectif affiché du législateur était de clarifier certaines dispositions du Code du travail et d’assouplir ses règles pour donner plus de pouvoir à la négociation au niveau de l’entreprise.

Concrètement, quels sont les changements apportés par cette réforme du droit du travail du 08.08.2016 ?

Après de longues discussions et de nombreuses manifestations, la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue a enfin été adoptée le 21.07.2016 et promulguée le 08.08.2016.

La réforme du droit du travail prévoit notamment :

  • une redéfinition du motif économique du licenciement ;
  • une flexibilité accrue de la durée du travail au niveau de l’entreprise ;
  • de nouvelles possibilités pour les accords d’entreprise ;
  • de nouvelles règles concernant la procédure de licenciement pour inaptitude ;
  • une protection accrue des salariés contre la rupture de leur contrat de travail après l’arrivée d’un enfant.

1. Nouvelle définition légale du motif économique du licenciement avec la réforme

La loi Travail redéfinit les critères du licenciement économique, en complétant et précisant la liste des causes économiques prévues jusqu’ici par les textes. Ces dispositions, au contraire d’autres dispositions de la loi, sont entrées en vigueur dès le 01.12.2016. Jusqu’à présent, les causes possibles de licenciement économique prévues par les textes incluaient uniquement les difficultés économiques et les mutations technologiques.

Dorénavant, la loi reconnait expressément deux causes supplémentaires pouvant justifier un licenciement économique :

  • la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
  • la cessation d’activité.

Ces deux causes supplémentaires de licenciement pour motif économique avaient déjà été dégagées par la jurisprudence et ont simplement été transposées par le législateur dans la loi Travail du 08.08.2016.

Le législateur a par ailleurs procédé à un ajout important, qui peut être intéressant du point de vue des employeurs : la notion de difficultés économiques est désormais définie par plusieurs critères objectifs et ne dépend plus autant de l’appréciation individuelle de chaque juge statuant sur un licenciement économique. Désormais, l’employeur doit justifier l’existence d’un des indicateurs économiques suivant :

  • une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires (la durée de cette baisse est détaillée ci-après) ;
  • des pertes d’exploitation (la durée sur laquelle ces pertes d’exploitations doivent être observées sera précisée par décret) ;
  • une dégradation de la trésorerie ;
  • une baisse de l’excédent brut d’exploitation ;
  • tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Ainsi, l’entreprise qui remplit un seul de ces critères justifie de difficultés économiques susceptibles de motiver un licenciement économique.

Concernant le critère de la baisse des commandes et du chiffre d’affaires, leur baisse sera considérée comme significative si elle s’étend sur une certaine durée. Cette durée est fixée par la Loi Travail et dépend de l’effectif de l’entreprise :

  • dans les sociétés de moins de 11 salariés : un trimestre de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires;
  • dans les sociétés de 11 à 49 salariés : deux trimestres de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires;
  • dans les sociétés de 50 à 299 salariés : trois trimestres de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires;
  • dans les sociétés à partir de 300 salariés : quatre trimestres de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires.

Dans la pratique, il est plus sûr pour l’employeur de cumuler si possible plusieurs de ces nouveaux critères car on ne peut exclure que les tribunaux mettent en place une interprétation restrictive des nouveaux textes issus de la réforme.

2. Une flexibilité accrue de la durée du travail au niveau de l’entreprise

La loi Travail prévoit la primauté de l’accord d’entreprise ou d’établissement sur la convention collective sur la fixation du temps de travail applicable au personnel de l’entreprise. Les 35 heures par semaine restent la durée légale applicable en droit du travail, à défaut d’accords spécifiques.

Le cadre légal suivant doit être respecté lorsque l’accord d’entreprise prévoit des durées de travail dérogatoires au droit commun :

  • La durée quotidienne maximale de travail peut désormais être portée de 10 à 12 heures en cas d’accroissement d’activité ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ;
  • La durée maximale de travail hebdomadaire peut être fixée à un maximum de 46 heures sur 12 semaines consécutives ;
  • Le taux de majoration des heures supplémentaires peut être abaissé à 10% ;
  • A condition que l’accord de branche ne l’interdise pas expressément, un accord d’entreprise peut désormais prévoir une variation de la durée de travail sur une période allant jusqu’à 3 ans;
  • Les entreprises de moins de 50 salariés peuvent sous certaines conditions organiser leur temps de travail jusqu’à 9 semaines consécutives et jusqu’à 4 semaines consécutives pour les entreprises de 50 salariés et plus ;
  • Les entreprises ont désormais la possibilité de conclure valablement des conventions individuelles de forfait en jours avec les salariés. Cette possibilité doit cependant être prévue par l’accord d’entreprise.

3. Nouvelles possibilités pour les accords d’entreprise

Afin que les partenaires sociaux puissent convenir de règles plus adaptées à l’environnement concret de l’entreprise, la loi Travail leur donne une autonomie accrue dans le processus de négociation collective.

Nouvelles conditions de validité des accords d’entreprise

La loi Travail instaure de nouvelles règles de validité des accords collectifs d’entreprise et d’établissement.

Désormais :

  • Les accords collectifs doivent être signés par des syndicats ayant recueilli plus de 50 % des suffrages (contre 30 % jusqu’à aujourd’hui);
  • A défaut, si les syndicats représentent au moins 30 % des suffrages exprimés, ils pourront demander à ce que l’accord soit validé par référendum par les salariés : l’accord d’entreprise est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Un décret du 20.12.2016 fixe précisément les règles d’application de ce mode d’adoption de l’accord d’entreprise par référendum.

Si l’entreprise ne possède pas de délégués syndicaux, l’employeur peut tout de même conclure un accord d’entreprise avec un élu ou un salarié mandaté s’il est expressément mandaté à cet effet, c’est-à-dire:

  • par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de la branche dont relève l’entreprise ou,
  • à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel dans les domaines où la négociation collective est ouverte.

Ces nouvelles dispositions ont vocation à s’appliquer progressivement :

  • Entre le 08.08.2016 et courant janvier 2017 sont entrées en vigueur les dispositions relatives à la préservation ou au développement de l’emploi;
  • Entre le 01.01.2017 et le 31.08.2019, ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux accords liés à la durée du travail, aux congés et aux repos;
  • A partir du 01.09.2019, ces dispositions s’appliqueront à tous les accords.

Nouveaux délais de validité des accords d’entreprise

Durée

La Loi Travail prévoit que les accords d’entreprise auront désormais une durée fixée à cinq ans en l’absence de stipulation contraire. Par ailleurs, les conventions et accords collectifs étaient jusqu’à présent valides pour une durée indéterminée. Il reste cependant possible de prévoir une durée de validité plus courte, plus longue ou encore une durée de validité indéterminée.

La loi prévoit par ailleurs un autre changement : arrivé à expiration, le texte de l’accord collectif cesse dorénavant de produire ses effets.

Ces mesures s’appliquent toutefois uniquement aux accords conclus après la publication de la loi. Par conséquent, les accords conclus antérieurement et ne mentionnant pas leur durée restent applicables jusqu’à leur dénonciation ou remise en cause. Les accords conclus antérieurement pour une durée déterminée de 5 ans au plus continueront après leur expiration de produire effet comme un accord à durée indéterminée.

Dénonciation de l’accord d’entreprise

Avant la réforme, dans le cas d’une dénonciation d’un accord, l’engagement des négociations d’un accord de substitution n’était jusqu’ici possible qu’à partir de la date de la dénonciation de cet accord. La réforme rend possible la négociation d’un accord de substitution dès le début du préavis de dénonciation.

Si aucun accord alternatif de remplacement n’est signé faute de négociation aboutie dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis de dénonciation, la nouvelle loi prévoit désormais que les salariés concernés seront privés de tous les avantages individuels acquis en application de l’accord concerné. Seule leur rémunération antérieure sera maintenue.

4. Procédure de licenciement pour inaptitude

La loi Travail modifie en profondeur les règles applicables en matière d’inaptitude physique du salarié. Elle fait suite à une autre série de mesures de simplification prises en août 2015 avec la loi relative au dialogue social et à l’emploi (loi Rebsamen). Un décret d’application publié le 27.12.2016 amène des précisions concernant ces nouvelles dispositions.

La loi propose désormais une définition de l’inaptitude physique : est inapte le salarié déclaré physiquement inapte lorsque le médecin du travail constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible, et que l’état de santé de l’intéressé justifie un changement de poste.

Constatation facilitée de l’inaptitude physique

Les anciennes dispositions du Code du travail prévoyaient que la déclaration d’inaptitude physique pouvait être prononcée par le médecin du travail après une étude de poste ainsi que de 2 examens médicaux espacés de 15 jours.

La réforme supprime désormais cette obligation de procéder aux 2 examens médicaux. La déclaration d’inaptitude physique pourra être prononcée après une étude de poste, un échange avec l’employeur et le salarié et un constat d’inaptitude physique.

Reclassement du salarié inapte

Inaptitude médicale

Auparavant, le médecin n’était pas tenu de faire figurer des indications sur le reclassement du salarié dans l’entreprise dans son avis. La Loi Travail change la donne et rend ces indications obligatoires, notamment concernant les possibilités de formation du salarié. L’employeur peut ainsi désormais se limiter à une recherche de reclassement sur la base de cet avis.

La dispense de reclassement par l’employeur est possible non plus uniquement pour un salarié titulaire d’un CDI dont l’inaptitude physique résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, mais de manière plus générale pour tous salariés, titulaires d’un CDD ou d’un CDI, et même en cas de maladie non professionnelle.

Cette simplification de la procédure telle que nous l’avons décrite précédemment s’accompagne cependant de lourdeurs : depuis cette réforme, la consultation des délégués du personnel en cas de reclassement préalable du salarié inapte est obligatoire quelle que soit la cause de la maladie ou de l’accident du salarié en question, alors que cette consultation était jusqu’ici limitée aux cas d’inaptitude physique résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle.

5. Protection accrue des salariés contre la rupture de leur contrat de travail après l’arrivée d’un enfant

Jusqu’ici, une salariée qui reprenait le travail après un congé de maternité était protégée contre la rupture de son contrat de travail : pendant une période fixée à 4 semaines, son contrat de travail ne pouvait être rompu que pour l’une des quatre raisons suivantes :

  • une faute grave non liée à sa maternité ou sa grossesse ou
  • en raison d’une impossibilité de maintenir son contrat de travail, raison dépourvue de lien avec sa maternité.

Le père de l’enfant ne pouvait pas non plus être licencié durant les 4 semaines suivant la naissance.

Désormais, la loi Travail prévoit que la période légale de protection contre le licenciement pour les jeunes parents passe de 4 à 10 semaines.

Le point de départ de la période de protection reste inchangé :

  • Pour la mère, cette période débute à compter de sa réintégration dans l’entreprise à l’issue du congé de maternité ;
  • Pour le père, la protection débute à compter du jour de la naissance de l’enfant, qu’il prenne ou non un congé de naissance ou un congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

Tous droits de propriété intellectuelle réservés

Photos: pict rider, stockpics, thanksforbuying

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

* Mentions obligatoires

Vous avez une question sur ce point juridique et avez besoin d’un avocat ?