Perte d’un client et rupture du contrat de travail français
06.10.14Dans une affaire soumise à la Cour de Cassation française, un salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en novembre 2007 considérant que son employeur avait modifié son contrat de travail en raison de la perte d’un client.
Contexte de la prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié
Les faits étaient les suivants. L’employeur était un assureur. Le salarié était chargé de clientèle pour les experts-comptables, commissaires aux comptes, géomètres experts. En juillet et août 2007, le conseil de l’ordre des experts-comptables et des commissaires aux comptes a décidé de résilier ses contrats d’assurance groupe auprès de l’employeur du salarié avec effet au 1er janvier 2008. La résiliation des contrats d’assurance allait engendrer pour l’assureur une perte de revenus d’environ 6 millions d’euros pour l’année 2008.
Dès le 10 novembre 2007, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
L’employeur a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de versement d’une indemnité de fin de contrat, à savoir des dommages et intérêts pour brusque rupture et d’une indemnité de préavis. Le salarié a demandé devant la juridiction prud’homale que sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail soit qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse et formé une demande de dommages et intérêts.
La Cour d’appel a donné raison au salarié. L’employeur s’est pourvu en cassation.
La perte d’un client est une modification du contrat de travail par l’employeur
L’employeur a soutenu devant la Cour de Cassation qu’aucune modification du contrat de travail n’avait été mise en œuvre au moment de la prise d’acte, que la situation du salarié n’était pas encore affectée par la perte du client puisque la résiliation ne prendrait effet qu’au 1er janvier 2008. Le salarié avait donc anticipé des difficultés éventuelles. Le salarié n’établissait, en outre, pas une modification de son contrat au jour de la prise d’acte. Enfin et surtout, il soutenait que seul un manquement de l’employeur pouvait justifier une prise d’acte de la rupture par le salarié. Or, en l’espèce, la rupture était justifiée par la conséquence de la décision d’un tiers.
La Cour de Cassation n’a pas suivi l’argumentation de l’employeur. Elle a confirmé, par arrêt du 29 janvier 2014, la décision de la Cour d’appel. Le salarié s’était vu imposer dès la fin de l’été 2007 un appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités et son poste était vidé de sa substance. La Cour d’appel a justement déduit l’existence d’une modification du contrat de travail de l’employeur et non d’un tiers. Les employeurs doivent donc être particulièrement vigilants à toutes modifications potentielles des contrats de travail de leurs salariés.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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