Le pouvoir du directeur général de la SAS de licencier des salariés (suite et fin)
17.01.11Les décisions récentes de plusieurs cours d’appel sur la publication des pouvoirs du Directeur Général dans les statuts de la SAS remises en cause
La Chambre Mixte de la Cour de Cassation vient de mettre fin à une dérive d’interprétation des Cours d’appel de Paris et de Versailles dans deux arrêts du 19 novembre 2010 en matière de licenciement au sein des SAS (sociétés par actions simplifiées).
Nous avions exposé la jurisprudence de ces juridictions dans un article du 30 octobre 2010. Pour mémoire, les juges de la Cour d’appel de Paris avaient notamment décidé qu’« en application des dispositions de lL.227-6 du Code de Commerce, «la société par actions simplifiée est représentée à l’égard des tiers par son président et, si les statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n’exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d’effectuer des actes déterminés tel que celui d’engager ou de licencier les salariés de l’entreprise ».
L‘article L 227-6 [Code de Commerce] , pour que les licenciements (…) soient valables, les lettres de licenciement (…) doivent (…) émaner soit du président de la société (…)soit de la personne autorisée par les statuts à recevoir délégation pour exercer le pouvoir de licencier , détenu par le seul président et ce, d’ailleurs, conformément au régime légal de la SAS qui, contrairement à celui des autres formes de sociétés, concentre dans les mains du seul président la totalité des pouvoirs, traditionnellement répartis entre divers organes, et renvoie, pour d’éventuelles autres dispositions, aux statuts ».
Cette position, critiquée dans notre précédent article, impliquait que seul le Président ou une personne titulaire d’une délégation de pouvoir prévue par les statuts de la SAS pouvait prononcer un licenciement. Par conséquent, le Directeur Général ne pouvait pas licencier un salarié si les statuts ne l’y autorisaient pas expressément. Ces jurisprudences remettaient en question le statut du directeur général en qualité de représentant légal de la SAS et les délégations de pouvoir au sein des SAS.
La position de la Cour de cassation sur le pouvoir de licencier du Directeur Général de la SAS
Heureusement, la chambre mixte de la Cour de Cassation est venue mettre un terme à cette dérive jurisprudentielle. Les arrêts de Cour d’appel en cause ont été cassés par la Chambre Mixte de la Cour de Cassation (réunion des trois chambres de Cour de Cassation: la 2ème civile, la chambre commerciale et sociale) montrant ainsi l’importance de la problématique juridique en droit des sociétés et en droit du travail français et des enjeux pratiques.
La Cour de Cassation a jugé que si, selon l’article
Par conséquent, le Président et le Directeur général de la SAS peuvent déléguer certains de leurs pouvoirs, et notamment celui de licencier des salariés. La Cour de Cassation reconnaît également expressément au Directeur général, à qui les statuts ont donné le pouvoir de représenter la société, la qualité de représentant légal au même titre que le Président.
La Cour de Cassation a en outre précisé «qu’aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu’elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ». En l’espèce, la personne responsable des ressources humaines de la société qui était chargé de la gestion du personnel est considérée comme étant de fait délégataire du pouvoir de licencier.
Ainsi, la distinction entre le pouvoir de représentation détenu par les représentants légaux de la SAS et la délégation de pouvoirs a été clarifiée par la Cour de Cassation: le Président et le Directeur Général (si les statuts en prévoient un) sont les représentants légaux de la SAS. Ils peuvent déléguer certains de leurs pouvoirs pour des actes déterminés, sans que cette délégation ne soit prévue par les statuts ni même écrite.
Les salariés ne pourront donc plus compter sur les égarements juridiques de certaines Cours d’appel pour tenter de remettre en cause leur licenciement.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
Tous droits de propriété intellectuelle réservés