Les nouveaux dispositifs de rupture d’un commun accord : l’heure du « bilan »

16.11.18  
Nouveaux modes de rupture du contrat de travail
Les nouveaux dispositifs de rupture d’un commun accord : l’heure du « bilan »
Nouveaux modes de rupture du contrat de travail

Arrêté relatif à la rupture conventionnelle collective et au congé de mobilité

Parmi les mesures phares des ordonnances dites « Macron », qui sont le socle juridique de la réforme du droit du travail, celles posant un cadre juridique aux dispositifs de rupture collective de contrats de travail sont particulièrement innovantes. L’une des ordonnances (ordonnance n° 2017-1387 du 23 septembre 2017) a effectivement assoupli les règles relatives à ces modes de ruptures décidées d’un commun accord et issues de la pratique des entreprises. Sont notamment concernés les ruptures conventionnelles collectives et les congés de mobilité, qui viennent de faire l’objet d’un arrêté publié le 13 octobre 2018 au Journal officiel (arrêté du 8 octobre 2018 précisant le contenu des bilans des ruptures d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif).

Rappel du cadre des mobilités volontaires externes depuis l’ordonnance Macron

Depuis le 22 septembre 2017, deux mécanismes permettent d’organiser des départs volontaires sur la base d’accords collectifs négociés. L’employeur n’a dans ce cadre aucune obligation d’apporter la preuve de difficultés économiques touchant son entreprise.

Le premier mécanisme concerne les accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (dit « accords GPEC ») incluant un dispositif de « congé de mobilité ». Placé dans un contexte de restructuration « à froid » des effectifs de l’entreprise, le congé de mobilité n’est donc plus une mesure intégrée dans un plan de licenciement pour motif économique, mais consiste à accompagner le salarié vers un autre emploi en suspendant son contrat de travail pendant un certain temps, avant de s’en séparer.

Le second mécanisme vise les accords portant « rupture conventionnelle collective » (dits « accords RCC »). Mettant fin à la pratique des plans de départ volontaire « autonomes », la rupture conventionnelle collective se trouve elle aussi détachée de tout motif économique et donc de l’obligation de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il est également à noter que les RCC peuvent inclure un dispositif de congé de mobilité tel que mentionné plus haut.

L’obligation de suivi : contrepartie à la liberté accordée aux partenaires sociaux

Recourir à ces modes de rupture n’en est pas pour autant simple. En plus des difficultés tenant à la phase de négociation avec les syndicats, la mise en œuvre de ces accords de rupture d’un commun accord est soumise à un contrôle administratif a posteriori. En effet, l’employeur a l’obligation selon les dispositions de l’ordonnance Macron de transmettre à la Direccte un bilan des ruptures intervenues dans le cadre de l’accord d’entreprise (ou d’établissement) qui les instaure :

  • S’agissant des congés de mobilité, l’employeur doit communiquer, tous les six mois à compter du dépôt de l’accord, un document d’information sur les ruptures prononcées en vertu de l’accord collectif ;
  • S’agissant des RCC, c’est au plus tard un mois après la fin de la mise en œuvre des « mesures facilitant le reclassement externe des salariés » que l’employeur a l’obligation de communiquer le bilan à l’Administration.

Afin de faciliter cette transmission, l’arrêté publié le 13 octobre 2018 détaille dans deux tableaux le contenu de la fiche descriptive relative au bilan des ruptures de contrat de travail intervenues. Même si ces modèles ne s’imposent pas à l’employeur, ils donnent de fortes indications sur la teneur des informations que celui-ci doit communiquer à l’Administration. Ces bilans devront notamment mentionner :

  • Les salariés ayant répondu favorablement aux mesures de départ volontaire, répartis par catégorie selon les tranches d’âge à laquelle ils appartiennent ;
  • Les embauches réalisées en remplacement des départs volontaires, également réparties par tranches d’âge en cas de RCC ;
  • Les mesures d’accompagnement mises en place par l’accord collectif, de même que le nombre des salariés concernés pour chacune de ces mesures ;
  • La situation de chaque salarié à l’issue de la rupture de son contrat de travail, sachant qu’une distinction doit être faite entre les salariés qui ont été les « bénéficiaires » d’un congé de mobilité et ceux qui ne l’ont pas été.

Si, d’un côté, le législateur français laisse aux acteurs de l’entreprise la liberté de prévoir un mode de rupture collective, les départs individuels qui en sont issus doivent rester sur la base du « volontariat ». Il revient ainsi à l’Administration de vérifier que l’application des mesures négociées entre en adéquation avec l’esprit « donnant-donnant » des accords conclus.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: Sebra

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