Rupture conventionnelle du contrat de travail et conflit
30.09.13Arrêt important de la Cour de Cassation du 23 mai 2013
Des cas de nullité de la convention de rupture conventionnelle en droit du travail français ont été évoqués dans l’un de nos précédents articles du blog du 15 mars 2013. Les juges français considèrent en effet souvent que le salarié a été poussé à la signature et n’a pas agi librement La rupture conventionnelle est nulle notamment en cas de harcèlement moral. Les tribunaux français estiment que le consentement du salarié ne peut avoir été donné librement.
Jusqu’à récemment, pour certaines Cours d’appels, la procédure de rupture conventionnelle d’un contrat de travail était également exclusive de tout différend entre l’employeur et le salarié. Certaines Cour d’appels et certains Conseils de Prud’hommes estimaient qu’en cas de conflit le consentement du salarié ne pouvait être libre et éclairé.
Par un arrêt du 23 mai 2013, la Cour de Cassation s’est prononcée clairement sur ce point.
En l’espèce, des manquements professionnels avaient été reprochés à une avocate salariée. L’employeur estimait que ces manquements pouvaient justifier un licenciement. Cependant, il a décidé de proposer une rupture conventionnelle à la salariée. La salariée a signé la rupture conventionnelle.
Suite à l’homologation de la rupture conventionnelle de droit français, la salariée a saisi l’Ordre des avocats d’une demande en requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’Ordre des avocats puis la Cour d’appel par la suite ont fait droit à la demande de la salariée. D’une part, il existait un litige préalable à la conclusion de la rupture conventionnelle. D’autre part, le consentement de la salariée était vicié en raison des pressions et menaces exercées par l’employeur pour la contraindre à signer la rupture conventionnelle.
La rupture conventionnelle n’est pas exclusive de tout conflit
La Cour de Cassation confirme la décision de la Cour d’appel mais apporte cependant une précision d’importance à la jurisprudence relative à la rupture conventionnelle: «Si l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas elle-même la validité de la convention de rupture conclue, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties».
Ainsi, pour la Cour de Cassation, une rupture conventionnelle peut intervenir dans un contexte conflictuel. La validité de la rupture n’est pas remise en cause par le simple faite de l’existence d’un différend. Ce n’est que si des pressions sont exercées sur le salarié en vue de la signature de la rupture conventionnelle que le consentement du salarié est vicié et que la rupture conventionnelle peut être remise en cause.
Une Cour d’appel a d’ores et déjà suivi la position de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 septembre 2013.
Avec cette jurisprudence, les tribunaux français se rapprochent de la jurisprudence établie depuis des années de la plus haute instance judiciaire allemande en droit du travail allemand, le Bundesarbeitsgericht. Il est exigé en droit du travail allemand, dans des situations semblables à celle soumise à la Cour de cassation française, que la pression exercée par l’employeur n’ait pas influencé la volonté du salarié au moment de la signature de la convention de rupture (« Aufhebungsvertrag »).
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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