Rupture conventionnelle signée avec un salarié inapte ?
08.10.19Première décision rendue sur l’inaptitude et la signature d’une convention de rupture conventionnelle
Dans un arrêt en date du 9 mai 2019, la Cour de cassation a dû se prononcer sur la possibilité de conclure valablement une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte à son poste suite à un accident du travail.
Dans cette affaire, une salariée engagée en qualité d’employée d’élevage et couvoir a été victime d’un accident du travail en date du 4 juillet 2011. À la suite de cet accident du travail, la salariée a été déclarée inapte à son poste par deux examens en date des 1er et 16 avril 2014. Postérieurement à l’avis d’inaptitude, la salariée et son employeur ont signé une convention de rupture conventionnelle le 25 avril 2014. La convention de rupture conventionnelle a ensuite été régulièrement homologuée par la DIRECCTE.
La salariée a par la suite contesté la validité de la rupture conventionnelle en soutenant qu’elle aurait été conclue en méconnaissance des obligations spécifiques d’ordre public mises à la charge de l’employeur au profit d’un salarié régulièrement déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail, et notamment de son obligation de reclassement. La salariée soutenait par ailleurs que la convention de rupture conventionnelle était nulle, dès lors qu’aucun exemplaire de la rupture conventionnelle ne lui avait été remis le jour de l’entretien.
Les juges du fond ont, dans le cadre de leur pouvoir de contrôle de la rupture conventionnelle, considéré, d’une part, que la rupture conventionnelle ayant été homologuée par l’autorité administrative compétente, elle ne pouvait être remise en cause dans la mesure où le respect de la procédure avait été contrôlé, ainsi que l’existence du libre consentement de la salariée. D’autre part, les magistrats ont retenu que la convention de rupture conventionnelle avait été établie en trois exemplaires dont un avait été remis le jour de l’entretien et que la salariée n’avait jamais contesté ce fait avant de saisir les tribunaux.
Les possibilités de recours à la rupture conventionnelle sont toujours plus larges
Concernant la possibilité de conclure une convention de rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte, la Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond en jugeant que, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture conventionnelle peut être valablement conclue avec un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail.
La Cour de cassation reprend ici une fois de plus son raisonnement selon lequel une convention de rupture conventionnelle est valable sauf fraude ou vice du consentement. Les juges ont, selon cette règle, déjà retenu à maintes reprises la validité d’une rupture conventionnelle.
Il a ainsi d’ores et déjà été admis qu’un employeur peut valablement conclure une rupture conventionnelle avec un salarié en arrêt de travail résultant d’une maladie d’origine tant personnelle que professionnelle, ou d’un accident du travail. De même, les juges ont considéré comme valable une rupture conventionnelle conclue pendant le congé de maternité d’une salariée ou encore pendant un congé parental d’éducation.
Par cet arrêt, la Cour de cassation élargit donc encore les possibilités de recours à une rupture conventionnelle et fait primer la volonté des parties sur les règles protectrices du licenciement pour inaptitude.
Formalisme renforcé en cas de rupture conventionnelle
Dans cette affaire, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur l’éventuelle nullité de la rupture conventionnelle pour défaut de remise d’un exemplaire de la rupture conventionnelle à la salariée.
Elle a cependant tranché cette question dans un arrêt récent en date du 3 juillet 2019. La Cour de cassation a ainsi jugé que la remise d’un exemplaire au salarié aurait dû être constatée et fait peser la charge de la preuve de cette remise sur l’employeur. Dans un autre arrêt rendu le même jour, c’est-à-dire le 3 juillet 2019, la Cour de cassation a jugé que la remise au salarié d’un exemplaire non signé par l’employeur rendait nulle la rupture conventionnelle dans la mesure où seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé par les deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause. Ainsi, il appartient aux employeurs d’être très vigilants sur le formalisme de la rupture conventionnelle et de s’assurer d’un moyen de preuve de remise d’un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle au salarié, par exemple par la signature d’un récépissé.
En résumé, si la Cour de cassation ouvre toujours plus de possibilités de conclure une rupture conventionnelle, elle attache aussi toujours plus d’importance au respect du formalisme lié à la conclusion d’une convention de rupture.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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