La transaction conclue pendant la relation de travail empêche-t-elle un procès ?
03.12.19Une transaction bloque-t-elle forcément le recours au juge ?
La Cour de cassation a dû récemment dans un arrêt du 16 octobre 2019 se prononcer sur les effets, et en particulier l’effet libératoire, d’une transaction conclue entre employeur et salarié au cours de l’exécution d’un contrat de travail.
En droit du travail, la conclusion d’une transaction intervient la plupart du temps suite à la rupture du contrat de travail pour mettre fin à un litige sur la rupture elle-même. Rien ne s’oppose néanmoins à la conclusion d’une transaction pendant l’exécution du contrat de travail sur autre chose que la rupture elle-même. L’employeur peut être alors tenté de croire que tout recours par le salarié devant le conseil de prud’hommes est exclu suite à cette signature. Est-ce vraiment le cas ? C’est la question à laquelle la Cour de cassation vient de répondre.
Dans cette affaire, une salariée de la CFDT avait contesté auprès de son employeur sa classification et donc son salaire correspondant, en se fondant sur un accord d’entreprise et sur le fait qu’une de ses collègues ayant les mêmes fonctions bénéficiait d’un coefficient supérieur. Pour mettre un terme au litige les opposant, la salariée et son employeur ont conclu une transaction au terme de laquelle la salariée se voyait attribuer la classification souhaitée ainsi qu’une somme de 3 672,58 euros.
Une clause de la transaction prévoyait en outre que la salariée se « déclare entièrement remplie de tous ses droits, quelle qu’en soit la nature, nés ou à naître qu’elle pouvait tenir tant de son contrat de travail que du droit commun ou des conventions ou accords collectifs qui étaient applicables au sein de l’UIR CFDT ; Madame [X] renonce expressément à toute instance, a tout recours et/ou contestation de quelque nature que ce soit dérivant directement ou indirectement de l’exécution de son contrat de travail ; elle reconnaît n’avoir plus aucune demande à formuler et ceci vis-à-vis de l’UIR CFDT ; déclare être remplie de tous ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail ; elle renonce pour elle-même, et ses ayant droits en application de l’article 1121 du code civil, à toute prétention et à toute indemnité, et à tout recours envers l’UIR CFDT ».
La relation de travail s’est ensuite poursuivie pendant un certain temps normalement. Quelques années plus tard, la salariée a cependant saisi la justice en demandant un rappel de salaire du fait d’une discrimination salariale. Les rappels de salaire portaient sur une période postérieure à la signature de la transaction.
La clause de la transaction sur la renonciation à tout recours est-elle opposable à la salariée ?
La Cour d’appel avait débouté la salariée en raison des renonciations stipulées dans la transaction. La Cour d’appel se fondait alors sur la jurisprudence constante qui reconnait l’effet libératoire des clauses de renonciation rédigées dans des termes généraux.
La Cour d’appel avait néanmoins omis de prendre en compte le contexte particulier de la signature de la transaction, à savoir une signature en cours d’exécution du contrat et non dans le cadre d’une rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation a invalidé la décision des juges du fond en jugeant que « la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction ».
Par cette décision la Cour de cassation vient restreindre l’effet libératoire des clauses de renonciation transactionnelle en cas de transaction conclue en cours d’exécution du contrat de travail. En effet, selon la Cour de cassation, les clauses de renonciation ne doivent pas priver le salarié de toute possibilité d’agir lorsque des faits survenus pendant l’exécution du contrat, sont intervenus postérieurement à la signature de la transaction. Cette solution est conforme avec le principe selon lequel on ne peut renoncer à un droit futur éventuel. Logiquement, comment un salarié pourrait-il renoncer à ce qu’il ignore lorsqu’il renonce ?
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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