Travailler le dimanche lorsqu’on est en forfait-jours donne-t-il droit à des heures supplémentaires ?
07.12.22Les règles du forfait-jours annuel et les règles du travail dominical sont-elles compatibles ?
Les salariés soumis au régime du temps de travail spécifique du forfait-jours annuel échappent aux règles de la durée légale du travail et au régime des heures supplémentaires. En effet, le temps de travail décompté selon la méthode du forfait-jours annuel est comptabilité en jours travaillés sur l’année, moyennant une rémunération fixe forfaitaire. Le forfait-jours implique une libre fixation des horaires. Cependant, les règles relatives au repos hebdomadaire et quotidien doivent toujours être respectées. Comment s’articule alors la réglementation sur le travail dominical par rapport au travail hors de la durée légale et en nombre de jours travaillés dans l’année ? En d’autres, termes, le salarié en forfait jours travaillant le dimanche peut-il réclamer des heures supplémentaires ?
Il arrive en effet assez souvent que des salariés soumis au temps de travail du forfait-jours annuel, comme par exemple des commerciaux ou des ingénieurs, travaillent le dimanche sur des salons ou sur un projet en cours.
C’est sur cette question essentielle dans la pratique que la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois à notre connaissance dans un arrêt du 21 septembre 2022 (n° 21-14.106).
Le régime du forfait jours et le temps de travail légal
L’essence même du dispositif de forfait jours exclut par principe les règles relatives à la durée légale du travail et le régime des heures supplémentaires (article L. 3121-62 du Code du travail). En revanche, les dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire ainsi qu’aux congés payés s’appliquent. De manière générale, les conventions de forfait-jours sont strictement contrôlées.
Pour rappel, le repos hebdomadaire est en principe fixé le dimanche. La Cour de cassation est venue préciser le régime du repos dominical dans le cadre d’un forfait jours.
Exclusion stricte du régime des heures supplémentaires en cas de forfait-jours
En l’espèce, un salarié en forfait-jours travaillait pour l’entretien Ricoh France depuis le 10 juillet 2002. Il avait travaillé plusieurs dimanches de juin à juillet 2015. Il considérait donc que ses heures de travail réalisées le jour du repos hebdomadaire devaient être rémunérées et majorées en tant qu’heures supplémentaires puisqu’elles échappaient selon lui au forfait-jours annuel, violant la règle du repos dominical.
Il sollicitait donc, suite à son licenciement par son employeur pour insubordination, :
- le paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et
- une indemnité pour travail dissimulé en raison des heures effectuées les dimanches.
La Cour de cassation rejette la demande du salarié et considère qu’un salarié dont le temps de travail relève du forfait jours annuel ne peut réclamer le calcul d’heures supplémentaires par son employeur, sauf à remettre en cause la validité même du forfait-jours.
La Cour d’appel de Paris, dont le raisonnement a été confirmé par la Cour de cassation, rappelle que « La convention de forfait en jours est exclusive de la notion de dépassements d’horaires » et ne peut donc pas donner lieu au paiement d’heures supplémentaires.
Seule la remise en cause du forfait jours ouvre droit aux heures supplémentaires
La Cour de cassation considère que si le salarié ne conteste pas la validité du forfait jours, il ne peut pas réclamer le paiement d’heures supplémentaires. En revanche, si le salarié arrive à prouver la nullité de la convention de forfait jours, dans ce cas-là, le droit commun s’applique et toutes les heures réalisées au-delà de 35 heures par semaine sont des heures supplémentaires, sous réserve de pouvoir prouver la réalisation d’heures supplémentaires
La Cour rappelle finalement l’incompatibilité entre le forfait-jours avec les heures supplémentaires et les règles relatives à la durée légale du travail. L’absence de décompte horaire rend impossible la réalisation d’heures supplémentaires, et cela, malgré la violation du repos dominical.
Alternatives possibles pour réparer le préjudice lié à la violation du repos dominical
La Cour de cassation considère cependant que le non-respect du repos hebdomadaire ouvre droit à des dommages et intérêts réparant le préjudice subi et cela ne semble pas être exclu pour les salariés soumis au forfait jours annuel. Aussi, en cas de manquement de vigilance de l’employeur, celui-ci pourrait être condamné pour manquement à son obligation de santé et sécurité qui peut ouvrir droit à réparation pour le salarié.
Enfin, une amende de 1500 euros peut être due par l’employeur pour non-respect du repos dominical, autant de fois qu’il y a de salarié concerné.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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