Contrat d’entreprise fictif et entreprise allemande de travail temporaire
21.04.15Entreprise de travail temporaire allemande: mise à disposition, puis contrat d’entreprise
Le 18 décembre 2014, la Troisième Chambre de la Cour d’appel sociale du Bade-Wurtemberg a rendu un arrêt qui précise sa jurisprudence sur l’utilisation du contrat d’entreprise fictif dans une situation de travail temporaire en Allemagne.
Le 1er janvier 2009, le salarié avait conclu un contrat de mission avec l’entreprise de travail temporaire MB-Tech en qualité de technicien d’essai. MB-Tech était régulièrement titulaire d’une autorisation administrative pour le travail temporaire et avait affecté le salarié dès le début et sans interruption à la société Daimler AG. Dans un premier temps, l’intervention du salarié dans l’entreprise Daimler AG reposait sur une convention de mise à disposition entre MB-Tech et la Daimler AG. Cependant, pour l’année 2013, MB-Tech et la Daimler AG ont conclu un contrat d’entreprise pour justifier l’intervention du salarié dans la Daimler AG.
Contestation de la réalité du contrat d’entreprise avec l’entreprise de travail temporaire
Le salarié a fait valoir en justice que son travail contenait les mêmes tâches que celles exercées auparavant au titre de la convention de mise à disposition du salarié. Selon lui, le contrat d’entreprise était fictif et de ce fait nul. Il a alors demandé au tribunal de constater l’existence d’un contrat de travail directement entre lui et la Daimler AG et a assigné cette dernière.
La Daimler AG s’est défendue en indiquant qu’à partir de 2013 elle n’avait plus donné au salarié de directives pouvant prouver la subordination du salarié. Elle a également indiqué que l’autorisation administrative de travail temporaire de MB-Tech était un obstacle juridique à l’existence de tout contrat de travail directement entre la Daimler AG et le salarié. Elle ajoutait qu’en tout état de cause, même une fraude à la loi ne pouvait pas aller jusqu’à conduire à la sanction consistant à changer l’employeur.
Pourquoi le contrat d’entreprise entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice est-il fictif?
Différents indices permettent de déterminer si un travailleur, présenté comme simple exécutant d’une prestation contractuelle promise par son employeur, est en réalité dans une relation de travail avec l’entreprise qui l’accueille. C’est le cas par exemple si celle-ci donne elle-même des instructions au salarié.
En l’espèce, le salarié a toujours travaillé en tant que technicien d’essai dans l’entreprise Daimler AG et n’agissait pas dans le cadre de la réalisation d’un résultat précis promis par MB-Tech, qui est la caractéristique du contrat d’entreprise. Pour cette raison, les juges ont considéré que le contrat d’entreprise était fictif.
Les sanctions en cas de contrat d’entreprise fictif entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice
En principe, le juge allemand peut déclarer le contrat d’entreprise nul et constater l’existence d’un contrat de travail entre le salarié et l’entreprise utilisatrice, comme le demandait le salarié. Mais le tribunal allemand va apporter une limite à cette solution de principe. Ici va se poser la question de savoir si ces mêmes conséquences sont applicables dans les cas où l’entreprise de travail temporaire disposait d’une autorisation administrative de mise à disposition du salarié.
Pour la Troisième Chambre de la Cour d’appel sociale, une autorisation administrative de mise à disposition de salarié est une barrière à la reconnaissance d’un contrat de travail
Le Conseil de Prud’Hommes allemand a jugé en première instance qu’en l’espèce le fait que l’entreprise MB-Tech était titulaire d’une autorisation administrative de mise à disposition du salarié n’était pas compatible avec l’existence d’un contrat de travail entre l’entreprise utilisatrice Daimler AG et le salarié. Il ne pouvait pas être déduit du caractère fictif du contrat d’entreprise l’existence de ce contrat de travail. Ce jugement a été confirmé en appel.
Une décision de justice qui vient contredire une décision rendue quelques jours plus tôt
Il faut préciser que quelques semaines auparavant, le 3 décembre 2014, la Quatrième Chambre de la Cour d’appel sociale du Baden-Württemberg s’est prononcée à l’occasion d’une affaire similaire. Dans cette affaire, le demandeur était employé dans une même entreprise sur une période constante sur la base d’un contrat d’entreprise, qui était en réalité fictif. Ici aussi l’entreprise qui avait mis le salarié à disposition était une entreprise de travail temporaire disposant de l’autorisation administrative. Or, le juge avait sanctionné le comportement contradictoire des entreprises qui avaient conclu un contrat d’entreprise au lieu de recourir au travail temporaire en déclarant qu’un contrat de travail existait en fait entre l’entreprise utilisatrice et le salarié. Cette décision avait surpris de part sa sévérité.
Il semblerait que par la décision du 18 décembre 2014, les juges ont souhaité contredire cette première jurisprudence et adoucir leur position. Les entreprises ayant l’autorisation pour le travail temporaire vont-elles dès lors pouvoir recourir aux contrats d’entreprises en sachant que la sanction ne sera de toute façon pas lourde ?
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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