Travailler en France pour une entreprise basée en Allemagne

07.01.25  
travailler pour entreprise allemande en france
Travailler en France pour une entreprise basée en Allemagne
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Travailler pour une entreprise allemande tout en résidant en France est une situation courante, notamment avec le télétravail. Mais quels droits s’appliquent à votre contrat ? À quel système de sécurité sociale êtes-vous rattaché ? Comment se passe imposition ? Cet article répond à ces questions du point de vue du salarié, en abordant les aspects juridiques, sociaux et fiscaux de cette situation transfrontalière, avec des conseils pratiques sur vos droits.

Il est parfaitement légal de travailler en France pour un employeur allemand. Cela est même assez courant. Dans ce cas, il y a certaines règles à respecter pour l’employeur, que nous allons détailler plus loin:

  1. Le principe du lieu d’exécution du travail : le salarié dont le lieu de travail est la France bénéficie obligatoirement des dispositions impératives de droit français, souvent plus protectrices que le droit allemand, notamment concernant la procédure de licenciement, le temps de travail ou encore le salaire minimum.
  2. Les obligations de l’employeur allemand : Votre employeur, bien que situé en Allemagne, doit également se conformer à certaines obligations françaises. Cela inclut notamment l’affiliation au système de Sécurité sociale français (sauf en cas de détachement temporaire), le paiement des cotisations sociales, et le respect des droits des salariés.
  3. Télétravail et réglementation européenne : Si vous travaillez à distance depuis la France pour une entreprise allemande, les règles européennes, notamment le Règlement CE n°883/2004, s’appliquent. Ce cadre garantit la coordination des régimes de Sécurité sociale entre les deux pays pour éviter des doublons ou des lacunes de couverture.

J’ai une offre de travail pour la France d’une entreprise allemande : quelles sont les principales questions à se poser ?

En cas d’offre d’un employeur allemand, il est important de se poser les bonnes questions :

  • Dois-je tenir compte de spécificités culturelles pour aborder cet employeur potentiel ?

N’hésitez pas à être factuel et à aller droit au but. L’employeur allemand va peut être vous envoyer de nombreux documents internes qui réglementent tous les aspects du travail. Ne paniquez pas.

  • Le contrat de travail est-il conforme ? Vérifiez sous quel droit il est rédigé (français ou allemand) et assurez-vous qu’il respecte vos droits en France (SMIC, congés, durée légale du travail, etc.).
  • Quel régime de Sécurité sociale s’applique ? Confirmez si vous serez affilié au système français ou si un détachement temporaire avec maintien en Allemagne est prévu (formulaire A1).
  • Quels sont les avantages sociaux proposés ? Demandez des précisions sur la couverture santé, la retraite et les assurances complémentaires.
  • Quelles sont les modalités de rémunération ? Vérifiez la monnaie dans laquelle vous serez payé (euros) et si des ajustements fiscaux ou sociaux sont prévus.
  • Comment seront gérées les obligations fiscales ? Clarifiez votre résidence fiscale et demandez si l’employeur propose une assistance pour la déclaration en France et en Allemagne.
  • Quels sont les outils et conditions de travail ? Pour le télétravail : quels équipements sont fournis (ordinateur, internet) et quelles sont les indemnités prévues pour les frais professionnels ?
  • Le contrat contient-il des clauses spécifiques ? Assurez-vous qu’il précise clairement les juridictions compétentes en cas de litige, les modalités de rupture, et les conditions de non-concurrence ou de mobilité.

L’employeur allemand qui recrute a ou non un établissement en France : quelle différence cela fait ?

Un employeur allemand embauchant un salarié en France a deux options :

  • soit il a déjà ou veut créer un établissement secondaire de la société allemande ou une filiale en France et il obtient un numéro SIRET auprès du registre du commerce et des sociétés (exemple: une SAS et le processus administratif qu’elle implique),
  • soit il ne souhaite pas créer d’établissement en France et n’obtiendra qu’un numéro SIRET. Toutes les sociétés étrangères sans établissement secondaire officiel en France sont dépendantes de l’Urssaf d’Alsace.

Dans tous les cas, il est toujours conseillé à l’employeur allemand de se rapprocher d‘un cabinet comptable (idéalement franco-allemand) afin qu’il procède à l’inscription sur le site net-entreprises.fr (portail officiel français dédié aux déclarations sociales en ligne) à l’affiliation à l’Urssaf pour le paiement des cotisations et contributions sociales et à la déclaration préalable à l’embauche. L’employeur étranger doit également procéder chaque mois à la déclaration sociale nominative en ligne afin de calculer le montant des cotisations.

Conseil pratique: Recourir à une société de paie qui pratique des tarifs bas n’est pas recommandé car ce type de sociétés part du principe que l’employeur connait déjà le système français et ne prévoit pas de temps d’explication dans ses tarifs. Cela peut avoir des conséquences désastreuses pour l’employeur allemand : par exemple, on ne lui dira pas comment fonctionnent les arrêts maladie et il risque de cesser le paiement du salaire de manière totalement légale en Allemagne, mais illégale en France.

Mon travail en France sera en télétravail ou sur site : quelles différences ?

  • Si le salarié travaille depuis son domicile et qu’aucun bureau ne lui a été proposé, alors il a droit au remboursement des frais professionnels liés au télétravail (électricité, wifi, etc.) mais aussi à une indemnité d’occupation du domicile. Le salarié en télétravail bénéficie d’une priorité d’accès à un poste situé dans les locaux de l’entreprise et bénéfice des mêmes droits que les salariés travaillant dans les locaux. Un contrôle du logement du salarié peut être réalisé afin de vérifier la conformité notamment en matière de sécurité.
  • Si le salarié travaille depuis un bureau, il n’aura pas droit à ces indemnités.

Dans les deux cas, l’employeur doit fournir le matériel nécessaire à l’exécution du travail (notamment téléphone, ordinateur).

Toutes les autres règles qui s’appliquent aux salariés de sociétés allemandes qui travaillent en France s’appliquent de la même manière, que le salarié soit ou non en télétravail.

Mon contrat de travail est-il soumis au droit allemand ?

Cela ressort de l’article 8 du règlement européen Rome 1, le salarié et l’employeur peuvent certes choisir la loi applicable (française ou allemande) et convenir de la conclusion d’un contrat de travail de droit allemand. Mais malgré la loi choisie par les parties, le salarié ne peut pas être privé de la protection assurée par les dispositions impératives qui s’appliquent au sein du pays où le salarié exerce son activité.

Cela signifie qu’à partir du moment où le salarié travaille en France, certaines règles s’appliquent obligatoirement. Il est donc recommandé de plutôt signer un contrat de travail intégralement soumis au droit du travail français, pour éviter d’avoir un contrat en « patchwork » et qui devienne ingérable dans son application.

Dans le cas d’un contrat de travail qui a été soumis volontairement a droit allemand, voici par exemples les règles de droit français qui s’imposent :

  • Salaire minimum (SMIC) : Le salarié doit percevoir au moins le salaire minimum légal en vigueur en France ou les minima conventionnels prévus par une convention collective applicable. Les minima de salaire allemands sont différents.
  • Durée légale du travail : La durée hebdomadaire de travail est limitée à 35 heures en principe en France, et les règles concernant les heures supplémentaires sont appliquées.
  • Congés payés : Le salarié bénéficie d’au moins cinq semaines de congés payés par an, conformément à la législation française. Les congés payés allemands sont aussi souvent de cinq semaines mais les règles de fonctionnement sont moins favorables aux salariés.
  • Santé et sécurité au travail : Les conditions de travail, la prévention des risques professionnels et la médecine du travail doivent se conformer aux normes françaises.
  • Rupture du contrat de travail : En cas de licenciement, les procédures, indemnités légales et motifs de licenciement abusif doivent respecter les règles françaises. Les règles sur l’indemnité de licenciement allemande sont très différentes.
  • Égalité et non-discrimination : Les lois françaises relatives à la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité au travail s’appliquent, même si le contrat relève du droit allemand.

Le SMIC français s’applique-t-il ?

Le SMIC français s’applique à tout salarié qui travaille depuis la France. En effet, le salaire et la rémunération au sens large font partie des dispositions impératives de droit français qui s’appliquent peu importe le droit applicable choisi. Actuellement, le SMIC est fixé à 1 766,92 euros brut par mois. A noter : si la convention collective adéquate prévoit un salaire minimal supérieur au SMIC, il convient de l’appliquer.

Quelles sont les règles sur le temps de travail ?

Les règles sur la durée de travail font également partie des dispositions impératives de droit français, peu importe le droit choisi par les parties. Ainsi, il faudra choisir entre la durée légale du travail en droit français à savoir 35 heures par semaine ou le régime des 39 heures par semaine (35 heures complétées par 4 heures supplémentaires payées et majorées ou compensées par des RTT) ou encore le forfait annuel en jours qui prévoit au maximum 218 jours travaillés par année avec un nombre de jours de repos accordés en plus des congés payés légaux. Dans le dernier cas, le salarié n’est pas soumis au régime des heures supplémentaires.

Le droit français impose également d’accorder aux salariés une pause de 20 minutes au minimum toutes les 6 heures ainsi qu’un repos quotidien de 11 heures d’affilée et un repos hebdomadaire de 35 heures d’affilée.

Est-ce que je reste dans le système français de Sécurité Sociale ?

Le principe

Conformément au règlement européen 883/2004, le salarié qui exerce une activité salariée est soumis à la législation de l’Etat membre où l’activité est exercée. Donc si le salarié travaille depuis la France, il sera soumis à la sécurité sociale français et les cotisations sociales patronales et salariales sont versées à l’Urssaf.

Exception : le salarié détaché qui reste affilé en Allemagne

Le détachement d’un salarié français par une société allemande en France constitue une situation spécifique, distincte du télétravail ou du travail sur site. Le salarié détaché est celui qui est envoyé par son employeur habituel (ici : allemand) sur le territoire d’un autre Etat membre (ici : français) pour une durée limitée (normalement, pas plus de 24 mois, avec des exceptions). Par exemple, si un salarié travaillant normalement en Allemagne est envoyé par son employeur allemand travailler en France, alors il est considéré comme salarié détaché.  Donc, ce système ne s’applique pas aux salariés français directement embauchés pour un poste en France.

Dans ce cas, le salarié reste affilié au régime de Sécurité sociale allemand grâce au formulaire A1 et continue à bénéficier des règles de protection sociale de son pays d’origine. Cependant, le droit du travail français s’applique partiellement, notamment en ce qui concerne la durée du travail, les congés et les conditions de santé et sécurité au travail. Cette configuration nécessite une coordination stricte entre les deux pays pour assurer la conformité juridique et sociale.

Est-ce que je garde ma protection contre le chômage ?

Pour un salarié travaillant depuis la France, l’employeur étranger a l’obligation de l’affilier au régime d’assurance chômage français. Il sera donc soumis aux mêmes règles que n’importe quel salarié et doit remplir les conditions de base pour bénéficier de l’allocation chômage. L’allocation chômage doit en effet être demandée dans le pays de résidence, et donc le fait que l’employeur soit une société étrangère ne change rien. Le salarié devra s’inscrire à France travail. En cas d’activité en Allemagne puis en France, il est important de demander le document portable U1 qui permet la prise en compte de toutes les périodes de travail réalisées dans plusieurs Etats membres.

Quelles sont les conséquences fiscales pour le salarié ?

Le salarié est en principe imposable dans l’Etat où il exerce son activité, même s’il travaille pour une société étrangère. Un salarié travaillant en France pour une société allemande sera donc soumis à l’impôt sur le revenu en France. Cela est prévu par la convention fiscale franco-allemande visant à éviter la double imposition.

Concernant le cas spécifique du salarié détaché :  il peut être imposé dans son Etat de résidence même pendant la durée du détachement sous réserve de respecter les conditions cumulatives suivantes :

  • le salarié a travaillé moins de 183 jours dans l’Etat où il est détaché ;
  • le salaire est versé par l’employeur du pays de résidence ;
  • le salaire n’a pas été versé par un établissement stable ou une installation permanente dans l’Etat de détachement.

Cela est prévu par l’article 13 § 4 de la convention fiscale franco-allemande.

Le cas des travailleurs frontaliers qui travaillent pour un employeur allemand

Le cas des travailleurs frontaliers est un peu spécifique. Par principe, le travailleur frontalier est le salarié qui vit en France dans une zone géographique délimitée proche de l’Allemagne et travaille en Allemagne. La définition diffère que l’on soit du côté cotisations sociales ou du côté imposition. Normalement, le travailleur frontalier est soumis aux cotisations sociales du lieu de l’exercice de l’activité donc ici au système allemand. Concernant l’impôt sur le revenu, celui-ci est en principe prélevé dans l’Etat de résidence, soit la France. Cependant, il faut que le salarié retourne chaque jour en France.

Les conséquences fiscales du travail pour un employeur allemand

Concernant l’employeur, ce dernier pourra être soumis à l’imposition sur les sociétés en France s’il existe un établissement stable. L’expression « établissement stable » désigne dans la convention franco-allemande une installation fixe d’affaires où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité.

L’exercice habituel d’une activité en France est en principe caractérisé par deux critères non cumulatifs :

  • L’exploitation d’un établissement en France ;
  • La réalisation en France d’opérations par l’intermédiaire d’un représentant dépendant.

Si mon employeur allemand fait faillite, je fais quoi ?

Si l’entreprise allemande est en procédure collective (procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire), tous les salariés y compris les salariés travaillant à l’étranger, les salariés détachés ou expatriés bénéficient de l’AGS (le régime de garantie des salaires) lien : qui permet de garantir le paiement des sommes dues aux salariés en exécution du contrat de travail. Un mandataire judiciaire sera désigné en Allemagne et il devra faire le lien avec les AGS pour fournir les documents nécessaires à leur intervention. Ces situations sont souvent assez complexes à gérer.

Ma manière de travailler va-t-elle changer ?

Il existe plusieurs avantages à travailler pour une entreprise allemande et en voici quelques exemples :

  • Culture d’entreprise : Les entreprises allemandes sont réputées pour leur rigueur et leur organisation. Elles mettent souvent l’accent sur la qualité du travail, l’autonomie et le respect des délais.
  • Opportunités de carrière : Les grandes entreprises allemandes offrent souvent des opportunités de développement professionnel et de formation continue car l’Allemagne favorise en général davantage l’expérience et l’expertise. De plus, un employeur allemand pourrait donner rapidement des responsabilités à un salarié français car il développe le marché français et maitrise la langue. Travailler dans un environnement international peut aussi être un coup de pouce pour la carrière et un point fort sur le CV. Ce type d’expérience montre l’ouverture d’esprit du salarié et sa capacité à s’adapter à une culture et une langue différente.
  • Avantages sociaux : Les salariés bénéficient généralement de bonnes conditions de travail avec des salaires souvent plus élevés, des horaires de travail flexibles et de nombreux avantages sociaux (par exemple un bon véhicule de fonction car la culture de la voiture est plus marquée en Allemagne qu’’en France, des congés payés et jours fériés supplémentaires en fonction des Länder).

Conclusion

Travailler pour une entreprise allemande en France peut être une expérience enrichissante tant sur le plan professionnel que personnel, tout en restant dans son pays d’origine. En comprenant les aspects juridiques, sociaux, fiscaux et culturels, vous pouvez naviguer plus efficacement dans ce contexte transfrontalier. N’oubliez pas de vous renseigner régulièrement et de consulter des experts pour vous assurer de respecter toutes les réglementations applicables.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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FAQ

Comment une société étrangère peut-elle travailler en France ?

Beaucoup de sociétés étrangères embauchent des salariés travaillant depuis la France pour se développer sur le marché français. Dans ce cas, il faut savoir qu’une partie du droit français sera obligatoirement applicable à la relation de travail et que le droit français est plutôt protecteur pour les salariés. Cette entreprise doit se déclarer en France.

Est-il possible de télétravailler depuis l’étranger ?

Grâce aux nouvelles technologies, il est possible de télétravailler à l’étranger. En revanche, il convient d’avoir l’accord de l’employeur car cela peut avoir des conséquences sur la relation de travail notamment en cas de décalage horaire et aussi sur la sécurité sociale applicable en cas de télétravail prolongé à l’étranger.

Quels sont les avantages de travailler pour une entreprise allemande en France ?

Les entreprises allemandes sont réputées pour leur rigueur et leur organisation. Elles mettent souvent l’accent sur la qualité du travail, l’autonomie et le respect des délais. De plus, les salaires sont en général plus élevés.

Quelles démarches administratives sont nécessaires pour travailler en France pour une entreprise allemande ?

Il est possible pour une entreprise allemande d’embaucher un salarié en France. Dans ce cas, l’entreprise allemande doit se déclarer en France auprès de l’Urssaf, procéder à une déclaration préalable à l’embauche et payer des cotisations sociales en France.

Comment la culture d’entreprise allemande diffère-t-elle de la française ?

? La culture d’entreprise allemande met souvent l’accent sur la formation continue et favorise l’expérience et l’expertise tandis que la culture française met souvent plutôt l’accent sur les diplômes obtenus.

Quels droits ont les travailleurs en France employés dans une entreprise allemande ?

Si le salarié travaille depuis la France, les dispositions impérieuses de droit français s’appliquent et cela concerne notamment le temps de travail, le salaire minimum, les congés payés, la procédure de licenciement…

Comment se préparent les contrats de travail avec une entreprise allemande ?

Il est plus simple de préparer un contrat de travail soumis uniquement au droit français mais il est aussi possible de choisir le droit allemand en appliquant le droit français pour les dispositions impérieuses. L’aide d’un avocat franco-allemand est indispensable car il connait les deux cultures et peut tenter de satisfaire au mieux les intérêts de l’employeur tout en garantissant le respect des droits du salarié travaillant depuis la France.

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