Produit de luxe et interdiction de vente sur les « marketplace »
19.12.17Interdiction de vente de produits de luxe sur Amazon
Dans un arrêt en date du 6 décembre 2017 la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 6 décembre 2017, C-320/12 Coty Germany) a jugé qu’un fournisseur de produits de luxe pouvait interdire à ses distributeurs agréés de vendre les produits sur une plate-forme de vente en ligne tierce, telle qu’Amazon.
Dans cette affaire, un fournisseur de produits cosmétiques de luxe basé en Allemagne a engagé une procédure devant les juridictions allemandes contre l’un de ses distributeurs agréés, sur le fondement d’une clause contractuelle lui interdisant d’avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour les ventes par Internet des produits contractuels. En l’espèce, malgré cette interdiction contractuelle, le distributeur vendait les produits sur la plate-forme « amazon.de ».
S’interrogeant sur la licéité de cette clause au regard du droit de la concurrence de l’Union européenne l’Oberlandesgericht de Frankfurt am Main (Cour d’appel de Francfort-sur-le-Main) a interrogé la CJUE sur ce point.
Distributeur agréé et caractère luxueux du produit justifiant une interdiction
Dans son arrêt la CJUE rappelle tout d’abord que la qualité des produits de luxe ne résulte pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe. Elle précise en outre que cette sensation de luxe constitue un élément essentiel desdits produits pour qu’ils soient distingués, par les consommateurs, des autres produits semblables et que, dès lors une atteinte cette sensation de luxe est susceptible d’affecter la qualité même de ces produits.
La CJUE constate par ailleurs que le droit de la concurrence de l’Union européenne ne s’oppose pas à une clause contractuelle qui prévoit dans le cadre d’un système de distribution sélective de produits de luxe une interdiction pour les distributeurs agréés de recourir de façon visible à des plates-formes tierce pour la vente sur Internet des produits concernés à condition de respecter les trois conditions cumulatives suivantes :
- la clause doit viser à préserver l’image de luxe des produits concernés ;
- la clause doit fixer d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et être appliquée de façon non discriminatoire ;
- enfin, la clause doit être proportionnée à l’objectif poursuivi.
En l’espèce, la CJUE relève que la clause contractuelle litigieuse vise à préserver l’image de luxe et de prestige des produits concernés.
Elle constate ensuite qu’il ressort du dossier, que l’Oberlandesgericht de Frankfurt am Main lui a transmis, que cette clause est objective et uniforme et qu’elle s’applique sans discrimination à l’égard de tous les distributeurs agréés.
La CJUE estime enfin que l’obligation imposée aux distributeurs agréés de ne vendre sur Internet des produits contractuels que par l’intermédiaire de leurs propres boutiques en ligne et l’interdiction qui leur est faite de recourir de façon visible à des plateformes tierces est appropriée pour préserver l’image de luxe des produits concernés. La CJUE relève en effet, que lors de la vente en ligne de produits de luxe par des plateformes qui n’appartiennent pas au système de distribution sélective de ces produits, le fournisseur n’a pas la possibilité de contrôler les conditions de vente des produits concernées. Ainsi, il existe selon elle un risque d’une détérioration dans la présentation des produits sur ces plateformes, qui est de nature à porter atteinte à leur image de luxe et de prestige.
Au vu de tous ces éléments la CJUE estime, sous réserve néanmoins des vérifications par l’Oberlandesgericht de Frankfurt am Main, que la clause litigieuse est licite. Cette décision est particulièrement intéressante au regard du développement passif de l’e-commerce sur les grandes plates-formes comme Amazon et de la tentation très forte pour les distributeurs d’y recourir.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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Photo: Sylvia