Expatriation pour éviter l’impôt français : les pièges tendus par le fisc
20.06.24Vous avez quitté la France pour échapper à l’impôt français sur vos revenus et/ou votre patrimoine. Attention, le droit fiscal peut parfois vous rattraper, même si vous partez. Quels sont les cas les plus courants dans lesquels avec votre résidence à l’étranger, vous restez soumis à l’impôt français ? Nous faisons l’inventaire des cas les plus courants : avoir déménagé et quand même devoir payer l’impôt français, sans revenus français ou avec des revenus français.
Table des matières
L’expatriation fiscale et la résidence fiscale à l’étranger
Une personne ayant résidé en France mais qui n’y a pas plus sa résidence fiscale, sera expatriée et par conséquent, en règle générale, ne se verra plus imposée sur ses revenus, sauf s’ils sont considérés par les textes fiscaux comme des revenus de source française. Cette notion n’est pas toujours celle que l’on comprendrait logiquement. Donc, il est important de bien connaitre les textes fiscaux nationaux et internationaux pour en juger avant de décider de s’expatrier fiscalement à l’étranger.
Avoir déménagé mais conserver sa résidence fiscale en France sans le savoir
Le domicile fiscal selon les conventions internationales
Parfois, l’expatrié croit ne plus avoir son domicile fiscal en France mais en réalité, il l’a conservé sans le savoir. Par exemple, si, conformément à la convention visant à éviter la double imposition entre la France et son nouveau pays(par exemple, selon la convention fiscale entre la France et l’Allemagne, ses liens avec la France font de lui un résident fiscal français. Le plus souvent, il s’agit de la notion de centre des intérêts vitaux.
Le domicile fiscal en droit fiscal français
Le droit fiscal français énonce dans l’article 4A du CGI énonce que « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. »
Une personne a son domicile fiscal en France lorsqu’elle remplit un des critères fixés par l’article 4B du CGI, à savoir :
- Avoir son foyer ou son lieu de séjour principal en France
- Exercer en France une activité professionnelle non accessoire , salariée ou non
- Avoir en France le centre de ses intérêts économiques
Par exemple, un Français qui a gardé ses attaches personnelles en France, ses loisirs principaux, une source de revenus et les seuls biens qu’il possède en France, sera probablement considéré comme ayant son domicile fiscal en France.
S’il s’est trompé sur sa résidence fiscale dans ses déclarations d’impôt, il aura déclaré ses revenus mondiaux au mauvais endroit et encourt des sanctions fiscales.
La règles des 183 jours est-elle pertinente ?
Cette règle est souvent citée mais en réalité, elle n’est une règle légale que pour la détermination du pays qui a le droit d’imposer des salaires. A l’opposé, le plus souvent, elle n’est qu’un des indices permettant de déterminer la résidence fiscale. Les indices les plus déterminants sont ceux indiqués plus haut en droit internationale ou en droit français.
Exemple : Un Français qui a quitté la France pour vivre en Allemagne et y réside plus de 183 jours par an tout en ayant conservé en France toute sa famille, ses hobbies, son travail et y est propriétaire, alors malgré ses 183 jours passés en Allemagne, il est résident fiscal français.
Avoir déménagé à l’étranger et avoir des revenus dits de source française
Le principe des revenus de source française
L’article 4A du CGI précise dans son second paragraphe : « Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ».
Si le principe parait simple, la mise en application est beaucoup plus compliquée. Il faut tenir compte aussi des conventions internationales qui ont une définition de ce que sont des revenus de source français qui peut être complexe.
Les situations permettant de rattacher ces revenus à la France sont multiples. Voici une liste des plus courantes :
Les impôts français liés à l’immeuble situé en France
Les revenus fonciers
Lorsqu’une personne réside à l’étranger et perçoit des revenus locatifs d’un bien immobilier situé en France, le mécanisme d’imposition est régi par la législation fiscale française, ainsi que par les conventions fiscales internationales éventuellement en vigueur entre la France et le nouveau pays de résidence du contribuable.
En France, les revenus fonciers sont imposés selon un régime spécifique. Pour les non-résidents percevant des revenus fonciers en France, l’imposition se fait à la source, c’est-à-dire qu’un certain pourcentage du montant des loyers versés doit être retenu et reversé aux autorités fiscales françaises.
Cependant, le non-résident a également l’obligation de déclarer ses revenus fonciers en France en vue de leur taxation définitive. Le montant de l’impôt dû est calculé en fonction du barème progressif de l’impôt sur le revenu, après prise en compte des éventuelles charges déductibles liées à la gestion du bien (travaux, intérêts d’emprunt, frais de gestion, etc.).
En résumé, les personnes résidant à l’étranger et percevant des revenus fonciers en France sont soumises à l’impôt sur le revenu en France, avec un prélèvement à la source et une taxation définitive des revenus fonciers selon les règles fiscales françaises.
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI)
Lorsqu’une personne réside à l’étranger et possède un bien immobilier en France, elle peut être assujettie à l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) en France. Le mécanisme d’imposition de l’IFI pour les résidents étrangers est similaire à celui des résidents fiscaux français.
L’IFI est un impôt annuel qui concerne les biens immobiliers situés en France et dont la valeur nette excède un certain seuil.En effet, la possession d’un bien immobilier en France est soumise à l’IFI dès lors que sa valeur nette excède 1,3 million d’euros au 1er janvier de l’année d’imposition. Cette valeur nette est calculée en déduisant les dettes liées au bien immobilier, ainsi que les éventuelles charges déductibles.
Les non-résidents doivent déclarer leur patrimoine immobilier en France et s’acquitter de l’IFI selon les mêmes modalités que les résidents fiscaux français. Le taux d’imposition de l’IFI est progressif et varie en fonction de la valeur nette du patrimoine immobilier taxable. Les tranches d’imposition vont de 0,50 % à 1,50 % de cette valeur nette.
Il est important de noter que les non-résidents peuvent également bénéficier des mêmes réductions et exonérations que les résidents fiscaux français, notamment les abattements pour charge de famille et les exonérations pour certains immeubles utilisés à des fins professionnelles ou forestières.
En conclusion, les personnes résidant à l’étranger et possédant un bien immobilier en France sont assujetties à l’IFI selon les mêmes règles que les résidents fiscaux français. Ils doivent déclarer leur patrimoine immobilier en France et s’acquitter de l’impôt correspondant, en prenant en compte les éventuelles réductions, exonérations et les dispositions des conventions fiscales internationales.
Les revenus tirés des plus-value mobilière françaises
Lorsqu’une personne réside à l’étranger et réalise des plus-values mobilières sur des valeurs mobilières françaises, c’est-à-dire des gains réalisés lors de la vente de parts sociales ou de valeurs mobilières telles que des actions, des obligations, la détermination du pays d’imposition varie en fonction de plusieurs facteurs, notamment le pays de résidence du contribuable, la nature des plus-values et les conventions fiscales bilatérales éventuellement en vigueur entre la France et le pays de résidence depuis son expatriation.
En règle générale, la France impose les plus-values mobilières réalisées sur les valeurs mobilières françaises, qu’importe la résidence fiscale du vendeur. Ainsi, si un résident étranger réalise une plus-value mobilière en France, il est tenu de déclarer cette plus-value aux autorités fiscales françaises et de s’acquitter de l’impôt correspondant.
Le taux d’imposition des plus-values mobilières en France dépend de la durée de détention des titres cédés. En effet, les plus-values sont généralement soumises à un régime progressif d’imposition, avec des taux d’imposition différenciés pour les plus-values réalisées à court terme (moins de deux ans de détention) et à long terme (plus de deux ans de détention).
Pour les non-résidents, le taux d’imposition applicable est souvent forfaitaire. Il peut également être modulé en fonction des dispositions des conventions fiscales bilatérales entre la France et le pays de résidence du contribuable. Ces conventions peuvent prévoir des taux réduits d’imposition, voire des exonérations, pour les plus-values mobilières réalisées par des résidents étrangers en France, dans le but d’éviter une double imposition des revenus financiers.
Rester soumis aux droits de succession en France malgré un départ vers l’étranger
La résidence fiscale des héritiers joue un rôle majeur dans la détermination des droits de succession applicable en France. Le droit fiscal français opère une distinction entre les héritiers résidents fiscaux français et ceux qui ne sont pas résidents.
Héritier résident fiscal en France
La situation est simple lorsque les héritiers sont résidents fiscaux français : tous les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France sont imposables en France.
Héritier non résident fiscal en France
A l’inverse, les héritiers non-résidents fiscaux français se trouvent dans une situation plus complexe car ils doivent tenir compte à la fois de la législation française, de celle de leur Etat de résidence et des conventions internationales qui peuvent parfois aller à l’encontre de notre droit national.
Il faut toutefois noter que la France a signé de nombreuses conventions internationales destinées à éviter les doubles impositions en matière de droit de succession et dont les dispositions peuvent contrevenir à ce qui est exposé ci-dessus. Un règlement européen règle aussi les conséquences fiscales des successions transfrontalières à l’intérieur de l’Europe.
En présence de convention fiscale internationale, les règles de droit interne n’auront vocation à s’appliquer que sous réserves des dispositions de la convention. Les conventions répartissent majoritairement le droit d’imposer en fonction du lieu de situation des biens et du lieu du domicile du défunt.
Mais, en l’absence de convention fiscale internationale conclue par la France, c’est en principe le droit français qui s’appliquera s’agissant des droits de successions sur les biens situés en France (meubles, immeubles, créances et valeurs mobilières, actifs français…) conformément à l’article 750 ter du CGI. L’administration fiscale française aura aussi un droit d’imposition lorsque les biens n’étaient pas situés en France mais que le défunt était résident fiscal français.
Héritier non résident fiscal en France depuis moins de 6 ans
Attention: les héritiers qui ont quitté la France pour un paradis fiscal peuvent rester soumis aux droits de succession en France, s’ils ont été résidents fiscaux français pendant au moins six ans au cours des dix dernières années avant le décès.
Devoir régler à l’avance l’impôt français au moment du départ vers l’étranger : l’exit tax
Le contribuable français peut penser échapper à l’impôt français sur la cession de certains éléments de son patrimoine en quittant la France vers des cieux fiscaux plus cléments. Mais le fisc français dispose d’un outil redoutable avec l’exit tax : elle crée une fiction de cession de ces actifs au moment du passage de frontière, alors que ces actifs ne seront vendus que plus tard, quand le contribuable vit à l’étranger.
Lorsqu’un contribuable quitte la France pour s’installer à l’étranger, il est tenu de déclarer à l’administration fiscale française les plus-values latentes sur les actifs significatifs suivants :
- des participations dans des sociétés,
- des parts sociales ou des actions de sociétés non cotées,
- des droits sociaux de sociétés à prépondérance immobilière.
Ces plus-values latentes sont alors soumises à l’exit tax.
Le calcul de l’exit tax se fait en appliquant le taux de l’impôt sur les plus-values en vigueur au moment du départ du contribuable à la valeur vénale des actifs concernés. Cette valeur vénale correspond généralement à la valeur de marché des actifs au moment du transfert de résidence fiscale.
L’exit tax peut être payée immédiatement au moment du transfert de résidence fiscale ou devenir exigible ultérieurement, notamment en cas de cession des actifs concernés dans les quinze années suivant le départ du contribuable. Dans ce dernier cas, le montant de l’exit tax est actualisé en fonction de l’évolution de la valeur des actifs.
Conseils pratiques pour éviter les pièges fiscaux
Voici les quatre clés pour réussir son expatriation fiscale :
- Une planification fiscale longtemps avant l’expatriation.
- La consultation d’experts fiscaux qui maitrisent les règles internationales
- La documentation méthodique et la collecte des preuves nécessaires pour justifier la résidence fiscale à l’étranger.
- La surveillance des évolutions législatives et des décisions de jurisprudence, tant dans le pays d’expatriation qu’en France.
Conclusion : Il est important de vérifier tous les textes qui s’appliquent entre la France et le pays de votre choix pour vous expatrier, que vous soyez actif ou retraité. Cela vous évitera les mauvaises surprises qui vont fausser votre calcul de l’économie fiscale espérée.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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Photo: Rojo