Salarié détaché en France et retenue à la source sur salaire

16.05.24  
Retenue à la source sur les salaires français d'un salarié non résident
Salarié détaché en France et retenue à la source sur salaire
Retenue à la source sur les salaires français d'un salarié non résident

La mondialisation croissante et la mobilité internationale des salariés ont rendu la question de la retenue à la source sur les salaires des salariés français détachés à l’étranger  particulièrement pertinente. Comprendre les implications fiscales de cette situation est crucial pour les employeurs et les salariés concernés. Dans cet article, nous allons explorer en détail ce sujet en lien avec une décision récente de la plus haute juridiction en droit fiscal français  qui a des implications pratiques importantes.

Retenue à la source pour les salariés domiciliés hors de France

L’article 182 A du Code Général des Impôts (CGI) dispose que les revenus versés par une entreprise française à un salarié détaché à l’étranger soient soumis à une retenue à la source. Cette mesure vise à assurer que les revenus de source française perçus par des non-résidents fiscaux soient imposés en France. Il n’est donc pas possible d’éviter l’impôt français pour ce salarié détaché.

Le salarié détaché avec une résidence à l’étranger

Un salarié détaché est un employé envoyé temporairement par son employeur pour travailler dans un autre pays tout en restant sous contrat avec l’entreprise française. Les implications fiscales dépendent principalement du statut de résidence fiscale du salarié et de la durée de son détachement.

Si le salarié devient résident fiscal dans le pays d’accueil, il est généralement soumis à l’impôt local. Toutefois, l’article 182 A CGI prévoit que l’employeur français doit pratiquer une retenue à la source sur les salaires versés.

La notion complexe de résidence fiscale à l’étranger

Récemment, le Conseil d’État a rendu une décision importante (Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 05/02/2024, 469771) qui va à l’encontre de la position de l’administration fiscale française. Cette décision concerne précisément cette notion de résidence fiscale en lien avec l’article 182 A CGI.

La question s’est posée de savoir si la retenue à la source prévue par l’article 182 A du Code Général des Impôts (CGI) s’applique par exemple sur les salaires d’un salarié suisse détaché en France pour trois ans.

Contexte de la décision

La question centrale était de savoir si la retenue à la source devait s’appliquer à l’intégralité du salaire d’un salarié suisse détaché en France, ou seulement à une fraction calculée au prorata des périodes de travail en France. La société française employant ce salarié avait choisi d’appliquer la retenue à la source uniquement sur une partie du salaire, en fonction du temps passé en France. L’administration fiscale, en désaccord, a réclamé des cotisations supplémentaires, estimant que la retenue devait porter sur l’ensemble du salaire.

Analyse juridique de la décision du Conseil d’État

Pour rendre sa décision, le Conseil d’État s’est appuyé sur plusieurs articles du CGI, notamment les articles 4 A, 4 B et 182 A. Les articles 4 A et 4 B définissent les critères pour déterminer le domicile fiscal d’une personne en France. Si une personne remplit l’un de ces critères, elle est soumise à l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de ses revenus mondiaux.

Un des critères clé de l’article 4 B est l’exercice d’une activité professionnelle à titre non-accessoire en France. Dans cette affaire, le salarié suisse, détaché en France pour trois ans avec des responsabilités importantes, remplissait ce critère. Ainsi, bien que résidant en Suisse, il a été considéré comme ayant son domicile fiscal en France. Par conséquent, ses salaires ne sont pas soumis à la retenue à la source prévue pour les non-résidents par l’article 182 A CGI.

Implications de la décision

La décision du Conseil d’État montre que le lieu de résidence n’est pas toujours déterminant pour établir le domicile fiscal. Le fait de travailler en France, même en tant que salarié détaché, peut suffire à faire de vous un résident fiscal français.

En écartant l’application des conventions fiscales internationales, comme la convention franco-suisse dans ce cas, le Conseil d’État a pris une position forte. Il a privilégié l’application stricte du droit fiscal français, influençant ainsi la manière dont les revenus des salariés détachés sont imposés.

Le Principe de territorialité

Le système fiscal français repose sur un principe de territorialité. Cela signifie que l’administration fiscale française n’a compétence que sur le territoire français. Selon l’article 4 A du CGI, deux situations se présentent :

  1. Domicile fiscal en France : La personne est imposée en France sur l’ensemble de ses revenus mondiaux. Des ajustements peuvent être faits pour éviter une double imposition avec l’État de la source du revenu.
  2. Domicile fiscal hors de France : La personne est imposée en France uniquement sur ses revenus de source française. C’est ce qu’on appelle le « principe de territorialité ».

Conclusion

Cette décision du Conseil d’État clarifie les règles de la retenue à la source pour les salariés détachés en France. Elle souligne l’importance des critères de domicile fiscal et démontre que le lieu de travail peut être plus déterminant que le lieu de résidence. Pour les entreprises et les salariés concernés, il est crucial de bien comprendre ces règles pour assurer une conformité fiscale optimale. Pour des conseils personnalisés, consulter un expert en fiscalité internationale est fortement recommandé.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: Pixavril

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