La réforme du 100% santé avec la mutuelle
15.04.19Dans le contexte de désengagement croissant du régime obligatoire de la Sécurité sociale français vis-à-vis des assurés, des politiques nouvelles de remboursements et des changements dans l’organisation du système de frais de santé, les contrats de complémentaires frais de santé (mutuelles), obligatoires depuis le 1er janvier 2016, ont acquis une importance non négligeable pour les employeurs en France.
Ainsi, la proposition d’une complémentaire frais de santé favorable peut constituer un outil de motivation et de fidélisation des salariés efficace. D’autant que les complémentaires frais de santé présentent de nombreux avantages financiers.
Les avantages de la complémentaire frais de santé
Même si la mise en place de la complémentaire santé devenue obligatoire chez les salariés, est logiquement une charge supplémentaire pour l’employeur, la mutuelle santé offre certains avantages :
- Pour l’entreprise : les cotisations liées au contrat complémentaire frais de santé bénéficient d’un régime fiscal et social avantageux en raison de la déductibilité de ces sommes du bénéfice imposable et de l’exonération des cotisations patronales dans certaines limites.
- Pour les salariés : la mutualisation des risques auprès d’un nombre important d’entreprises permet l’application de tarifs avantageux en comparaison avec une couverture individuelle.
De plus, les garanties sont d’effet immédiat et les cotisations salariales sont déductibles du revenu imposable des salariés.
Dans ce contexte, la récente réforme du « 100% santé » initiée par la Loi de financement de la sécurité sociale 2019 devrait être l’occasion de renégocier le contrat de complémentaire frais de santé en vigueur dans l’entreprise.
Les dates clés de la mise en œuvre de la réforme « 100% santé »
Les dispositions prévues en matière d’optique s’appliqueront aux contrats souscrits ou renouvelés à compter du 1er janvier 2020. Il en ira de même pour les dispositions relatives aux frais dentaires, sous réserve des dates que pourrait fixer la convention nationale des chirurgiens-dentistes.
Les dispositions relatives aux aides auditives entreront en vigueur pour les contrats souscrits ou renouvelés à compter du 1er janvier 2021.
Par ailleurs, une renégociation des accords de branche ou une adaptation des accords d’entreprise ou des décisions unilatérales de l’employeur appliquant le panier de soins minimal de la généralisation prévu à l’article L911-7 du Code de la Sécurité sociale sera nécessaire afin de les mettre en conformité avec les futures dispositions légales avant le 1er janvier 2020.
A ce titre, une lettre du 13 décembre 2018 de la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) au Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) propose un accompagnement aux entreprises pour la mise en conformité de leur régime frais de santé avec les niveaux de prise en charge posés par les décrets précités.
Cette lettre annonce une tolérance en cas d’irrégularité constaté au 1er janvier 2020. Cependant, nous recommandons la prudence en la matière car le courrier de la DSS est dépourvu de toute portée obligatoire et ne sera pas opposable aux organismes de recouvrement en cas de contrôle.
Le contenu de la réforme « 100% santé »
La Loi de financement de la Sécurité social 2019, complétée par un décret n°2019-21 du 11 janvier 2019, prévoit qu’en raison des particularités des différents secteurs, la mesure s’applique différemment en dentaire, en optique et en audiologie.
- Concernant les soins dentaires prothétiques, trois paniers sont prévus :
- le panier « 100% santé », intégralement remboursé, couvrant les besoins essentiels et les plus courants ;
- le panier « tarifs maîtrisés », avec des prix plafonnés ;
- le panier « tarifs libres », sans plafonnement des tarifs, concernant les techniques les plus innovantes et les exigences particulières des assurés.
- Au sein du panier « 100% santé », concernant les équipements d’optique médicale appartenant à une classe de prise en charge renforcée, la couverture s’élève au montant de la participation de l’assuré dans la limite de prix fixé pour cette classe. Les dépenses liées aux autres équipements optiques devront être couverts, comme auparavant, dans le respect des minima et maxima de l’article R. 871-2 du Code de la Sécurité sociale.
Une monture sera remboursée, selon les conditions contractuelles, dans la limite de 100 € (contre 150 € actuellement). La garantie au titre des frais d’optique, hors cas de renouvellement anticipé, est ouverte tous les deux ans.
- L’acquisition d’aides auditives fait l’objet d’une prise en charge à hauteur des dépenses de l’assuré lorsque celles-ci entrent dans le cadre d’une prise en charge renforcée. Dans le cas contraire, la prise en charge est limitée à 1700 € par aide.
- Cette prise en charge est ouverte par période de 4 ans.
Par ailleurs, un second décret n°2019-65 du 31 janvier 2019 adapte au cahier des charges des contrats responsables le niveau minimal des garanties complémentaires santé que les entreprises doivent mettre en place à titre obligatoire au profit de leurs salariés.
Rappelons à ce titre que l’exonération plafonnée prévue par l’article D.242-1 du Code de la Sécurité sociale pour les contributions patronales finançant des régimes collectifs et obligatoires de protection sociale complémentaire est conditionnée, en matière de frais de santé, au respect du panier minimal des contrats responsables.
La mise en conformité des contrats de complémentaire frais de santé avec les exigences des contrats responsables post-réforme « 100% santé » apparaît donc souhaitable afin d’éviter, en cas de contrôle, un éventuel redressement des cotisations de sécurité sociale liées au financement de la complémentaire frais de santé.
A cet effet, les entreprises disposant d’instances de représentation du personnel devront ouvrir la négociation avec les partenaires sociaux au plus tard au 3ème trimestre 2019.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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